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RÉOUVERTURE ÉCOLES LE 26 AVRIL : UNE DÉCISION HORS SOL - 3 sur 3
J'aurai pu intituler ce billet L'ART DE NE PAS ANTICIPER ou le DÉNI DES ÉVIDENCES.
Je ne peux laisser passer le manque d’anticipation de mesures qu’il aurait fallu mettre en œuvre depuis un an pour nombre d’entre-elles ce qui aurait permis à l’école d’être vraiment un lieu où la contamination aurait pu être limitée. Au lieu de cela on a affaire à des protocoles « papier » censés remplacer les défaillances de l’éducation nationale en matière de prévention des risques sanitaires et à un ministre qui n’écoute que lui et claironne qu’en France « on est les meilleurs » et que l’on a gardé les écoles ouvertes le plus longtemps par rapport au reste de l’Europe. Tout cela a été fait au prix de l’angoisse du personnel, des parents mais aussi des enfants qui, aux dires des praticiens, ne sont pas toujours « bien » face aux évènements, protocoles et autres qu’il n’est pas toujours possible de respecter dans leur intégralité. Et cela leur pose question.
Les protocoles sanitaires changeants ont entretenu les incertitudes et les angoisses alors qu’il aurait été facile d’être clair et carré en annonçant des mesures techniques concrètes, en expliquant pourquoi on les prenait au lieu d’être flou sur le fait qu’on pouvait être contaminé par aérosol parce qu’on ne prenait pas les véritables moyens d’y faire face et pas seulement avec des distances de 2 mètres et l’ouverture des fenêtres qu’on met en avant pour cacher la misère dans certains endroits...
Image par Engin Akyurt de Pixabay
DÉTECTER LA SATURATION EN CO2 ET DOTER CERTAINS LOCAUX DE PURIFICATEURS D’AIR
C’est sans doute moins simple et ça demande des moyens techniques . Mais depuis le temps que l’on sait que c’est nécessaire car tant en classe qu’à la cantine, c’est par l’air que, majoritairement, le virus peut se transmettre grâce aux aérosols, pourquoi n’a t-on pas généralisé les moyens d’y faire face ?
Le ministre ne peut pas dire qu’il ne savait pas ou alors c’est parce qu’il ne se renseigne pas suffisamment...
Les seules recommandations pour faire face aux aérosols ont été , dans les protocoles, d’aérer le plus souvent possible et dans le dernier, une fois par heure. Les expériences réalisées montre que c’est souvent insuffisant compte-tenu du nombre d’élèves et de la superficie de la classe.
On peut aussi, là où c’est possible, faire classe à l’extérieur. C’est recommandé par le ministre et on conseille de faire le maximum d’activités sportives à l’extérieur... comme si les enseignants avaient attendu les directives pour le faire.
A cela s’ajoute les difficultés dans certaines écoles vétustes pour ouvrir les fenêtres sans compter que dans certaines régions on n’est pas à l’abri du froid en hiver et en automne…
Pour les cantines les consignes sont les mêmes et le ministre admet que c’est le point faible du protocole ce qui n’apporte rien et veut dire en substance que l’on continue comme avant quelle que soit la bonne volonté des collectivités locales ou le manque d’entente qu’il peut y avoir sur ce sujet avec l’état, chacun restant sur ses positions : ce n’est pas moi c’est l’autre...qui doit payer. A ce jeu là, on n’avance guère sauf là où des collectivités locales ont pris les moyens parce qu’elles en ont ou en ont fait, avec raison une priorité. Mais on sait que toutes les collectivités locales n’ont pas les mêmes moyens financiers… Il faudrait donc les aider. Le dialogue a-t-il avancé sur ce sujet ? J’en doute. Et tout le monde au sein des collectivités locales est-il bien informé ? Ce devrait être le rôle de l’état que de le faire pour montrer le danger des aérosols et quels sont les moyens de mieux les maîtriser.
Les moyens sont techniques et connus : détecteurs de CO2 et purificateurs d’air. Alors pourquoi ne l’a-t-on pas fait entre la première vague ou entre juin et septembre de l’année 2020 ?
Description des éléments et du fonctionnement d'un filtre HEPA. domaine public
Un vaste plan financé par l’état aurait dû être mis en place pour acheter des détecteurs de CO2 qui permettent de contrôler le taux au dessus duquel il faut aérer et des purificateurs d’air là où c’est nécessaire dans les cantines , les locaux de classe vétustes ou modernes mais dont on ne peut qu'entrebâiller les fenêtres et donc difficiles à aérer.
Début novembre 2020, la question lui étant posée, Jean-Michel Blanquer au micro de France Inter , faisait référence à une ”étude scientifique” concluant à l’inutilité de ces dispositifs de purifications , voire à leur dangerosité. “Il semble même que parfois ça renvoie le virus. Moi, je veux bien qu’on me démontre le contraire, mais les études que j’ai à ma disposition disent cela”…Monsieur Blanquer prend dans les études ce qui « arrange » ses propos ou ne va pas assez loin dans ses recherches. Il avait déjà fait de même à propos d’études montrant que les enfants ne contaminaient que très peu, se référant à une étude allemande sur le sujet. On se demande bien pourquoi il n’a pas saisi l’occasion ici de citer , par exemple car ce n’est pas la seule, une autre étude allemande faite en septembre 2020, médiatisée par la chaîne publique régionale allemande NDR qui rendait visite au professeur Christian Kähler à l’Université de Munich. En simulant dans son laboratoire la pulvérisation d’aérosols dans les salles de classe, ce chercheur dit avoir démontré que des purificateurs d’air mobiles dotés de filtres HEPA peuvent réduire le risque d’infection par aérosols. “Le résultat est impressionnant: l’appareil parvient à purifier l’air d’un laboratoire de la taille d’une salle de classe en quelques minutes (...) Les virus et les bactéries sont capturés jusqu’à 99,99%”. En octobre 2020, une équipe de l’Université de Goethe à Francfort a publié les résultats d’une autre expérience, avec une trentaine d’élèves et leurs professeurs, menée pendant une semaine dans une salle de cours équipée de quatre purificateurs d’air. “Une demi-heure après la mise en marche, les purificateurs d’air avaient éliminé 90% des aérosols de l’air”.
Mais si on reste en France, l’équipe de Désintox a aussi examiné le rapport de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) cité par Jean-Michel Blanquer qui date de 2017 et qui contrairement à ce qu’affirmait le ministre souligne « les mérites de certains purificateurs d’air, ceux équipés de filtres à haute performance (HEPA) capables de retenir des particules de la taille du SARS-CoV-2»
Dans une note datée du 28 octobre 2020, le conseil scientifique avait pourtant demandé d’examiner de plus près les purificateurs d’air, « présentés comme des mesures alternatives à l’aération des espaces fermés recevant du public ». Le faire aurait pu être utile et pour les écoles mais aussi pour les théâtres, cinémas, musées…
Pourtant aucune étude nationale n’ a été commandée et réalisée. Nous sommes en avril 2021. Six mois après, cela n’a pas été fait alors que la solution est possible et que son application le mérite amplement.
Pourquoi ?
Le 25 avril 2021, le ministre disait sur RTL et LCI : “Nous faisons évoluer ce que nous disons en fonction de ce que nous savons” . Le moins que l’on puisse dire est que Jean-Michel Blanquer et ses services ont des progrès à faire sur leur capacité à apprendre, suivre et évoluer depuis le temps que tout cela est clairement démontré. Pour savoir il faut chercher... Il me semble là y avoir une grosse lacune au ministère de l'éducation nationale.
Je constate donc les réticences d’un ministre qui, on se demande bien pourquoi, est sourd aux informations qui permettraient de prendre en charge des problèmes de sécurité sanitaire important que techniquement pourtant on pourrait régler pour faire baisser les contaminations dans les établissements scolaires et aussi donner confiance aux acteurs de terrain, aux élèves et aux familles car ces derniers vivent depuis plusieurs mois dans une incertitude angoissante pour beaucoup.(http://quaiducitoyen.eklablog.fr/12-mai-une-rentree-scolaire-a-marche-forcee-1-sur-2-a187374432 )
A moins que ce ne soit un problème de budget. On pourrait le penser quand, tout récemment, il reconnaissait enfin l’utilité des « purificateurs d’air » mais qu’il ne faisait qu’encourager, le 25 avril dernier les collectivités locales à s’en doter sur RTL et LCI :
“Nous encourageons les collectivités pour des capteurs de CO2 et des purificateurs d’air (...) chaque fois que cela est pertinent”. Des mots rien que de mots...Mais aucune aide de l’état en vue. Et de la part du ministre rien n’a été fait lors de ces dernières trois semaines d’arrêt pour commencer à lancer un plan coordonnée de dotations pour ces purificateurs et les détecteurs de CO2 pour les établissements scolaires… Mais sans doute croit-il qu'avec la vaccination tous ces problèmes seront réglés à la prochaine rentrée. Comme son président il recule les mesures depuis un an...en surfant sur des données inexactes comme la contamination des élèves et la soi-disant inefficacité des purificateurs d'air en prenant le risque de mettre en danger la santé des adultes qui oeuvrent à l'école, des élèves et de leurs familles, tout cela dans un climat anxiogène permanent créé par le flou, les directives fluctuantes que l'on connait. (Voir ici http://quaiducitoyen.eklablog.fr/22-juin-2020-les-mesures-sanitaires-improvisees-du-retour-a-l-ecole-a192701914 )
Un ministre qui parle...mais ne prend pas d’initiatives mobilisatrices sur un sujet qui est pourtant vital. C’est un constat.
(Pour info , un article de LIBÉRATION sur l’aération à l’école : .https://www.liberation.fr/societe/education/a-lecole-fenetre-sur-cours-20210422_DMNJ6HIZ3VBLBM4FIZSAGDXCT4/ )
Image par moerschy de Pixabay
A se demander comment l’argent est géré au niveau de l’État et s’il y a une vraie réflexion globale sur les priorités dont ne semble pas faire partie l’éducation nationale. On aurait dépensé plus de deux milliards d’euros à la fin de l’année 2020 avec plus d’un million de tests PCR chaque semaine ce qui représente environ 250 millions d’euros par mois. On a fait dans ce domaine durant une période tout et parfois n’importe quoi , l’« open testing bar » , nombre des tests non ciblés n’ayant servi à rien, arrivant trop tard pour qu’on puisse s’en servir. N’eut-il pas été plus utile d’éviter les dépenses inutiles au profit de dépenses utiles comme des dotations pour l’achat de détecteur de CO2 et de purificateurs d’air ? Comme je le disais dans mon billet précédent "Alors que l'École joue un rôle primordial dans le maintien d'une partie de l'économie, la dotation de moyens spécifiques supplémentaires dans le cadre du plan de relance n’est pas mis en oeuvre pour l'Education nationale. "
L’ALLÈGEMENT DES EFFECTIFS ET LE REMPLACEMENT DES ENSEIGNANTS ABSENTS
LA BLAGUE de l’annonce du recrutement des remplaçants annoncée depuis des lustres se répète car à ma connaissance je n’ai pas eu vent de personnels supplémentaires en nombre suffisant embauchés et on se retrouvera de nouveau dans des situations difficiles . Guislaine David, du SNUipp/FSU expliquait récemment : «... le ministère n'est pas capable de dire combien ils ont recruté de personnel. Depuis novembre, ils disent qu'ils recruteront 5 000 enseignants remplaçants mais, d’après ce que nous remontent les écoles, on en est loin. J’ai posé la question au ministère et n'ai pas eu de réponse. Le jour de la rentrée, on a déjà des problèmes avec des professeurs absents et non remplacés. »
La règle du non brassage est pourtant devenu prioritaire sur le papier du protocole et en cas de remplacement impossible les élèves ne pourront pas être répartis dans les classes. Soit l’académie trouvera un remplaçant et la classe restera ouverte, soit elle n’en trouvera pas et les parents seront invités à garder leurs enfants à la maison : c'est l'enseignement en distanciel qui devrait prendre le relais... Reste à savoir par qui si l'enseignant.e est lui-même en arrêt...et qu’il n’est pas remplacé! On tourne en rond.
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Et quand les parents ne peuvent pas les garder à la maison, que fait-on ?
Le seul moyen de palier au remplacement du personnel absent c’est le recrutement. Mais cela n’a pas été réalisé ou de manière très insuffisante alors que cela fait des mois qu’on aurait pu le faire.
Dans mon billet du 27 mars 2021 (http://quaiducitoyen.eklablog.fr/covid-a-l-ecole-et-renforcement-des-protocoles-une-blague-a207271570 ), à quelques jours de l’annonce des nouvelles restrictions et de la fermeture des écoles , j’avais exprimé que la carence du recrutement devait être solutionné comme le demandait d’ailleurs l’ensemble des organisations syndicales de professeurs. Le problème n’est pas nouveau alors que si on avait anticipé - ce qui n’a pas été fait- il y avait des possibilités de pallier aux manques.
Les syndicats d’enseignants ont pourtant proposé depuis des mois des solutions de recrutement de professeursd’écoles comme par exemple en juillet dernier les 1500 candidats inscrits sur les listes complémentaires du dernier concours de Professeur d’Écoles avec « la possibilité d’abonder le nombre de recrutés de cette manière en convoquant une nouvelle délibération des jurys ». « une dernière possibilité existe : organiser un concours exceptionnel de recrutement. Dans ces trois cas de figure, les enseignants recrutés seront directement affectés sur les réels besoins existants dans les écoles tout en bénéficiant d’une formation et d’une titularisation par la suite. » (source le syndicat SNUipp/FSU qui a fait la proposition). Le ministère décline cette solution et « préfère recourir à des personnels contractuels dont l’embauche prendrait fin au plus tard au début des prochaines vacances d’hiver ».Non seulement pour ces postes précaires il n’y a que peu de candidats, mais le ministère ne veut pas prolonger les contractuels recrutés jusque la fin de l’année scolaire pour qu’ils puissent passer un concours pour être titularisés et qui pourrait être incitatif au recrutement. Comme le dit le syndicat précité « L’École, actuellement sous-dotée, ne peut, au quotidien, faire face aux inégalités scolaires et encore moins à cette situation de crise liée à la Covid. Pour cela, elle doit bénéficier de moyens pérennes se traduisant dans des mesures budgétaires ambitieuses. »
Qui actuellement pourrait dire le contraire ? En tout cas, pas les enseignants, les élèves et les parents qui ont subi et subiront les carences du système car il ne faut pas se faire d’illusion, des classes seront fermées, des enseignants malades ne seront pas remplacés.
Hélas, le ministre Jean -Michel Blanquer se contente de gérer (mal) au jour le jour et n’ a pas profité, ici non plus, des 3 semaines d’arrêt pour essayer de solutionner le problème...
Je ne parle donc pas d’allégement des effectifs. Il n’y en aura pas faute de personnel pour le faire dans des situations où cela pourrait être utile comme dans les classes chargées en élémentaire ou en maternelle.
Image par Gerd Altmann de Pixabay
POUR CONCLURE
Comme pour les autres périodes d’arrêt en 2020, les trois semaines sans classe n’ont pas été mises à profit par le gouvernement pour rendre possible une école qui pouvait être mieux protégée du COVID et cette école va continuer de fonctionner en mode dégradé tout en prenant le risque de compromettre le freinage de l'épidémie.
Comme je le disais sur ce même blog en octobre 2020, « le gouvernement a fait donc un choix qui n’est pas celui du principe de précaution. A partir du moment où il y a doute sur la contamination des élèves et par les élèves, des mesures différentes devaient en tenir compte…. »
J'y suis d'autant plus sensible qu'ancien enseignant et directeur d'école mais aussi père, et grand-père j'ai de nombreux proches qui sont concernés.
Pour ma part, j'estime que l'école reste bien le parent pauvre de la prévention sanitaire face au COVID 19.
Je l’ai déjà énoncé à plusieurs reprises sur ce blog et en relisant les pages écrites, je n’ai pas l’impression qu’on ait beaucoup avancé. Ce n’est pas que je veuille critiquer pour critiquer. Les faits et les constats sont là…
Le 16 octobre 2020 : http://quaiducitoyen.eklablog.fr/covid-19-l-ecole-parent-pauvre-de-la-prevention-sanitaire-1-sur-2-a203529418 et http://quaiducitoyen.eklablog.fr/covid-19-l-ecole-parent-pauvre-de-la-prevention-sanitaire-2-sur-2-a203701578
Le 31 octobre 2020 : http://quaiducitoyen.eklablog.fr/covid-19-ecole-et-protocole-sanitaire-le-mepris-technocratique-a204069700
En novembre 2020 :http://quaiducitoyen.eklablog.fr/covid-19-un-nouveau-confinement-laborieux-2-sur-2-a204124454
Le 21 janvier 2021 : http://quaiducitoyen.eklablog.fr/covid-et-couvre-feu-et-l-ecole-dans-tout-ca-1-sur-3-a205165262 , http://quaiducitoyen.eklablog.fr/covid-et-couvre-feu-et-l-ecole-dans-tout-ca-2-sur-3-a205175760 ethttp://quaiducitoyen.eklablog.fr/covid-et-couvre-feu-et-l-ecole-dans-tout-ca-3-sur-3-a205192318
Mais aussi plus tôt :
en mai et juin 2020 : http://quaiducitoyen.eklablog.fr/retour-a-l-ecole-le-11-mai-la-boule-au-ventre-1-sur-2-a186374972et http://quaiducitoyen.eklablog.fr/22-juin-2020-les-mesures-sanitaires-improvisees-du-retour-a-l-ecole-a192701914
entre autres...
A chacun de juger.
Moi c'est fait.
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Tags : détecteur de CO2, purificateurs, angoisses, remplacement, prévention sanitaire, école