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LE PROJET DE BUDGET BARNIER 2025
Michel BARNIER a donc dévoilé un peu plus de détails sur sa proposition de budget qui est soumis à l’étude du parlement depuis ce mercredi 16 octobre 2024 et pour commencer en commission des finances.
Le mot « effort » est au centre du budget : effort pour tous d’après le premier ministre. Cela reste bien sûr à analyser ce que j’essayerais de faire dans la suite de mes propos.
Ce budget n’est pas encore finalisé. Il pourra être sujet à des amendements notamment de la commission. On voit bien que les ballons d’essais ont volé en escadrille avant d’en arrêter définitivement la mouture car il s’agit bien de ne pas trop fâcher les uns ou les autres des groupes de la coalition et bien entendu le RN qui peut par le dépôt d’une censure mettre en mouvement la chute du gouvernement.Il y a donc des risques à ce que le budget puisse rencontrer une opposition qui ne permettrait pas de le voter.
(Jef-Infojef Creative Commons paternité ‚ partage à l'identique 3.0 (non transposée
Michel BARNIER utilisera-t-il le 49-3 pour ne pas prendre ce risque dont les incidences seraient graves et multiples pour la France ?
LE BUDGET DE L’EFFORT ? POUR QUI ?
Il faut trouver 60 milliards d’euros.
Plus des deux tiers du montant, soit 40 milliards d'euros, proviendraient de réductions de dépenses et un tiers de 20 milliards d'euros de hausses de recettes.
Pour les recettes, c’est claironné haut et fort : ce sont les plus riches qui paieront et l’on ne touchera pas aux impôts des classes moyennes et populaires… Ces annonces sont destinées à masquer la réalité qui est tout autre.
Certes les plus riches paieront. Mais est-ce à la hauteur de ce qui devrait être pour une véritable justice fiscale et sociale ?65 000 foyers fiscaux les plus fortunés (0,3 % du total) devraient s’acquitter d’une contribution exceptionnelle qui doit porter leur taux minimal d’imposition à 20 % et limiter ainsi les effets des dispositifs d’optimisation fiscale. Payer le moins d'impôts et taxes possibles, tel est le sens de l'optimisation fiscale. La recette attendue (personnes gagnant plus de 250 000 euros par an, 500 000 pour un couple) est de deux milliards d’euros.
Taxe sur les superprofits : les plus grandes entreprises seront mises à contribution, en 2025 et 2026. 440 entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse un milliard d’euros seront frappées d’un taux d’impôt sur les sociétés supérieur au taux actuel de 25 %, 30 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse un milliard d’euros, et 36 % pour celles dont le chiffre d’affaires excède 3 milliards d’euros. Cette contribution doit rapporter 8,5 milliards. Le Projet de Loi de Finances permettrait aussi de conserver 1,1 milliard de recettes en reportant à 2030 la suppression totale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui devait être achevée en 2027.
Au total, c’est à peine 11,6 milliards d’euros de contribution.
Quand on sait que l’optimisation fiscale, légale donc, peut être évaluée entre 40 et 60 milliards et que la fraude fiscale représente entre 60 et 80 milliards de perdus pour les caisses de l’état d’après une étude de 2017 du syndicat des Fiances Publiques Solidaires, il est clair que le budget « recettes » de Michel BARNIER n’est pas allé très en profondeur pour aller chercher l’argent là où il est.
(d'après original Jacobus Buys - Scene du Tartuffe de Molière- Domaine public)
De nombreuses questions peuvent donc être posées.
Régulièrement, la Cour des comptes demande à l’État une estimation rigoureuse. Cette estimation, on l’attend toujours. Au moins 80 milliards d’euros – l’estimation de l’association Attac. Entre 80 et 120 milliards – l’évaluation de la députée insoumise Charlotte Leduc, rapporteure spéciale sur l’évasion fiscale à l’Assemblée.
Onze milliards d’euros ont été récupérés l’année dernière. C’est donc insuffisant et pas plus qu’avant. Un rapport de la députée Charlotte Leduc avec des bases d'auditions de spécialistes montre que "les résultats du contrôle fiscal restent médiocres" et qu’il y a de moins en moins d’agents contrôleurs. Qu’attend -on pour en embaucher le nombre suffisant - à savoir quelques milliers sans doute- qui certes coûteront mais rapporteront beaucoup. Pourquoi ce manque de volonté politique de la part des gouvernements précédents et qu’on ne voit pas plus venir dans les propositions budgétaires de Michel Barnier ? Quelles mesures et moyens sont prévus pour limiter mieux l’optimisation fiscale, contrôler l’utilisation de l’impôt recherche et lutter contre la fraude fiscale qui pourrait largement rapporter plus que les 20 milliards d’euros prévus ?
Pourquoi avoir choisi de réduire les dépenses publiques plutôt que de trouver des recettes susceptibles de financer notre déficit et permettre à l’état de fonctionner dans de meilleures conditions pour le quotidien de nos concitoyens et par exemple au niveau de l'éducation et la santé ?
Cet effort de réduction des dépenses publiques est évalué à 41,3 milliards d’euros dont 21,5 milliards supportés par l’État.
L’effort budgétaire demandé aux collectivités locales est de cinq milliards d’euros. Comment feront-ils sans toucher au quotidien des administrés quand on voit que certaines de ces collectivités, pour faire face à l’inflation notamment celle liée au coût de l'énergie, augmentent sérieusement la taxe foncière, uniquement payée par les propriétaires? Va-t-on devoir augmenter plus cette taxe ou créer un nouvel impôt pour les locataires ? Le gouvernement, qui reconnaît demander un "effort important" aux collectivités , assure que celui-ci « tiendra compte de leur situation financière et donnera lieu à des échanges ». A suivre...
Il est sûr qu’il y a des économies à faire en restructurant certains fonctionnement de certaines administrations. Mais ce qui est entrepris n’est en rien une remise à plat mais tout juste une baisse de fonctionnement budgétaire qui touche tous les ministères et les collectivités locales car l’objectif est de faire des économies immédiates qui pourraient se voir et notamment par l’Europe.
Et donc, il est prévu que les retraités paieront puisque qu’on retarderait de six mois l’augmentation des pensions. Economie 3,7 milliards d’euros
Contrairement à ce qui est annoncé, les économies toucheront donc bien tous les français. Ainsi il y aura la limitation de la baisse du coût de l’électricité qui devait baisser compte tenu de l’évolution des prix en baisse du marché.. Mais l’état augmente les taxes pour récolter 6 milliards d’euros de plus sur les factures d’électricité ce qui correspond à la suppression définitive du « bouclier tarifaire » mis en place en 2022, pendant la crise énergétique. La baisse ne sera en réalité donc que de l’ordre de 9 % alors qu’elle aurait pu être bien plus importante sans l’augmentation des taxes. La hausse des taxes va être absorbée dans la baisse globale des prix de l'électricité. (Rappel : il y a eu une hausse de 10% en février 2024). Alors que le pouvoir d’achat baisse, il eut été utile de permettre aux français d’avoir un ballon d’oxygène pour faire face à l’inflation.
Dans le domaine des services publics de santé, la Sécurité sociale sera mise à contribution avec des économies évaluées à 14,8 milliards d’euros. (Les dépenses de santé progresseront cependant de 2,8 % pour atteindre 260,8 milliards d’euros l’an prochain) .
l’Assurance maladie va donc transférer une partie des remboursements des consultations médicales vers les complémentaires santé d’où des mutuelles plus chères… pour ceux qui en en une. Ainsi consulter un médecin ou une sage-femme serait pris en charge à 60 % et non plus à 70 %. La part prise en charge par les mutuelles, le ticket modérateur, va grimper de 30 % à 40 %. Pour la Mutualité française cela représentera 1,5 milliard d’euros en 2025. Un coût qui sera donc probablement répercuté sur les cotisations des assurés qui ont une mutuelle. Mais les autres , ceux qui n’en ont pas ?L’augmentation sera à leur charge avec toutes les incidences que cela peut avoir pour ceux qui ne pourront pas payer et donc se soigner.
Il est aussi prévu une baisse du plafond des indemnités versées en cas d’arrêt maladie. L’Assurance maladie continuera de verser une indemnité de 50 % du salaire journalier, mais avec un plafond de 1,4 Smic, contre 1,8 aujourd’hui. Les indemnités journalières versées par la CPAM devraient baisser de 52 € brut à 40 € brut avec un transfert de charges vers les entreprises. Pour quelles incidences sur l’emploi ?Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit aussi la suppression de 2201 emplois de fonctionnaires pour l’État et ses opérateurs. Sont notamment visés les effectifs de la Direction générale des Finances publiques (DGFiP) et ceux de France Travail, alors que des "hausses substantielles" sont prévues aux ministères de la Justice et aux Armées. Les effectifs du ministère de l’Intérieur seront préservés. Le PLF prévoit une augmentation de 7 % du budget du ministère des Armées .
4 000 postes d’enseignants seraient supprimés principalement en maternelle et en élémentaire ...alors que le manque de remplaçant est chronique. Cette baisse des postes enseignants est justifiée par le ministère par "la baisse du nombre d’élèves qui devrait s’accélérer avec 97 000 élèves en moins à la rentrée 2025". Quid de la revalorisation des salaires des enseignants ? Quid de la formation initiale et continue toujours au point mort ? Quid des crédits affectés de manière inepte aux expérimentations de l’uniforme et peut être la généralisation ?
On peut ajouter qu’il est prévu
- Des taxes plus élevées pour l’achat d’une voiture thermique et la location longue durée
- Les billets d’avion seraient plus chers ce qui rapporterait 1,5 milliards d’euros. Cela n’impactera pas le quotidien des français mais néanmoins ceux qui prendront l’avion pour aller en vacances
et sans doute d'autres mesures qui vont apparaître au fil des débats parlementaires comme par exemple sur la durée de l'indemnité chômage, la limitation de la prise en charge des arrêts de travail, les transports médicaux...
Il est donc clair que les impacts seront multiples pour le porte monnaie de tous les français et leur vie quotidienne.
( Palais Bourbon, La façade septentrionale (2009). auteur kimdokhac — Flick, CC BY 2.0
QUELS SOUTIENS, QUELLES OPPOSITIONS ?
Il semble que la commission des finances ait acté de nombreux amendements au projet. Les points de vue divergent. LR et une partie du "bloc central" ne veulent pas des augmentations d’impôts, ceci dit ils ne semblent pas tous d’accord sur ce qu’il faut ou pas augmenter. Idem quand au report de l’augmentation de 6 mois des retraites avec une opposition également du RN et du NFP.
Il semble aussi y avoir une volonté de laisser les débats se tenir en assemblée. Mais il arrivera un moment où une décision devra être prise. Qu’acceptera ou non le gouvernement dans les amendements proposés ? Vu les divergences multiples, trancher sera un exercice difficile pour le premier ministre.
Il est clair que Michel BARNIER a composé un gouvernement de "casting" sans chercher à mettre tout le monde autour de la table pour composer un programme de gouvernement. C'est ce par quoi il aurait dû commencer avant de rechercher ses ministres. Il n'est donc pas étonnant que maintenant au sein même de la coalition devant laquelle il présente son budget, il y a des désaccords qui sont parfois profonds. Il a fait l'inverse de ce qui aurait dû être fait. Les groupes qui ont participé au casting n'y ont d'ailleurs rien trouvé à redire, le processus mis en place par Michel BARNIER les a incité à obtenir un maximum de postes ministériels et comme le LR avoir des exigences hoirs normes par rapport à ce qu'ils représentent au sein de l'assemblée.. Le nouveau premier ministre récolte ce qu'il semé à savoir un fantastique "bazar"qu'il aura bien du mal à maîtriser.
Michel BARNIER fera -t-il voter un budget issu des débats et qui ne correspondra pas à un équilibre nécessaire ou imposera-t-il son texte initial peut être légèrement amendé avec un 49-3 final ? Cela semble plus que probable ce qui ne fera pas avancer le fonctionnement parlementaire issu des urnes qui devrait prendre en compte ce pour quoi les électeurs ont voté.
CONCLUSION
Nous n’en serions pas pas là si Emmanuel Macron avait pris la décision de poursuivre son mandat avec la majorité relative qu’il avait mais en infléchissant sa politique pour tenir compte des attentes exprimées par les électeurs de la présidentielle. Il a fait comme si au deuxième tour il avait été plébiscité par tous ceux qui ont voté pour lui pour appliquer son programme dont ensuite il n’a pas changé un iota.
Son opération "dissolution" pour soi disant redonner la parole aux citoyens n'aboutit qu'à une vaste fumisterie qui les ignore.
Quoiqu' Emmanuel Macron veuille laisser paraître, la situation n’est pas du fait de l’assemblée actuelle ni du nouveau premier ministre qui doit régler les problèmes des mauvais choix qui ont été ceux des gouvernements précédents depuis 2017. On pourrait même remonter au quinquennat de François Hollande qui n’a pas su aller par exemple jusqu’au bout de la refondation de l’Ecole et n’a pas agi pour réformer le système de Santé, simplifier le millefeuille territorial qui s’est même aggravé, se contentant de mettre quelques rustines ici et là pour colmater provisoirement les brèches et ne faisant aucune réforme de justice fiscale digne de ce nom.Pochette de Rustines, années 1990,auteur Paco Girasol GNU Free Documentation License version 1.2 )
Emmanuel Macron a régné en aggravant la dette au lieu de rechercher le juste équilibre entre celle-ci et les recettes qu’il aurait dû faire en allant chercher l’argent là où il se trouve par la mise en place d’une vraie justice fiscale. Le COVID et les aides, apportées il est vrai pour alléger le poids de la crise pour nos concitoyens et les entreprises, n’expliquent pas tout du déficit.
A force de vouloir réduire les recettes en faisant de l’allègement de l’impôt la doctrine dominante, Emmanuel Macron n’a pas su faire face aux déficits et s’est privé de rentrée d’argent nécessaire au fonctionnement des services publics. Si certes le prélèvement à la source fut une bonne idée, celle de la suppression de la taxe d’habitation a été une ineptie que nous payons maintenant très cher tant du point de vue de la dette que de la justice fiscale où même vis à vis de l’égalité des citoyens face au fonctionnement des communes, les locataires ne payant plus d’impôts sur la commune mais continuant de participer aux décisions municipales et à jouir des équipements mis à la disposition de tous. Depuis les communes doivent trouver des recettes non compensées notamment pour l’énergie en augmentant la taxe foncière des propriétaires.
Elles doivent maintenant faire cinq milliards d’économies…
On n’est pas sorti de l’auberge...Attendons les résultats des débats mais je crois qu'on ne peut rien en espérer de très positif vu les divergences profondes constatées quant aux doctrines économiques, sociales et de justice fiscale.
Tags : budget 2025, impôts, économies, justice fiscale, casting