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FAIRE FACE AU TERRORISME ET À SES EFFETS SUR LES CITOYENS - 4 sur 4
Je reviens donc sur ce que je j’appelle l’anomalie ou le chancre républicain qu’est le concordat Alsace/Moselle qui affaiblit notre laïcité et la république une et indivisible dans la mesure où il est fait perdurer une situation injustifiable alors qu’on prône l’égalité devant la loi de nos citoyens. Je ne fais pas qu’affirmer. J’explique.
Je l’ai déjà fait sur ce blog :http://quaiducitoyen.eklablog.fr/la-laicite-n-est-pas-negociable-a115041474
ou
http://quaiducitoyen.eklablog.fr/les-grignotages-de-la-loi-de-1905-et-la-laicite-4-6-a114871114
(Allegory of the Concordat of 1801, by Pierre Joseph Célestin François,domaine public)
Mais il est bon de repréciser parfois les choses à une époque où la laïcité est attaquée de toute part y compris par certains politiciens et que notre pays et ses habitants vivent des heures difficiles face au terrorisme et au communautarisme larvé.
Comment peut-on faire appliquer la loi sur le territoire national quand on laisse perdurer de telles anomalies qui sont anti laïques ?
Oui,le terme chancre est fort mais ce concordat est un danger pour la laïcité dans la mesure où certains signes montrent qu’il pourrait, si on n'y prend garde, s’étendre à toute la France. J’y reviens.
DES PRÉCISIONS UTILES SUR LE CONCORDAT
Nombreuses questions se posent en effet quant à l’existence de ce que je considère comme une grave entorse à la laïcité dans la république. Voici pourquoi.
1. La liberté de conscience ne semble pas en effet être garantie aux citoyens des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle puisque des cultes y sont reconnus par l’État dans le cadre du Concordat de 1801 qui n’a plus lieu d’être depuis des décennies. En France, ne serions nous pas régis par des lois communes qui doivent s’appliquer à tous tant au niveau des droits que des devoirs ?
En Alsace Moselle, les évêques, les prêtres, les rabbins et les pasteurs étant toujours assimilés à des fonctionnaires et l'entretien des bâtiments payé par l'État nous rémunérons sur le budget national 1 400 ministres du culte (1 059 prêtres, 306 pasteurs et 28 rabbins) sur la base du salaire des professeurs des écoles, pour un coût de 58 millions d'euros selon le budget 2013.
L’État et son budget- et donc celui des français notamment ceux qui paient l'impôt- subventionnent donc bien les religions. C’est contraire à la loi nationale et à l’esprit de la constitution. Il est étonnant que le conseil constitutionnel* ait confirmé une telle exception quand on lui a posé la question en février 2013**.
2. En Alsace-Moselle, l’enseignement religieux est toujours au programme dans les écoles publiques. Les parents doivent demander une dispense s’ils ne veulent pas que leurs enfants assistent, chaque semaine, à une heure obligatoire d’enseignement religieux.
Un comble : il faut demander l’autorisation de ne pas suivre des cours obligatoires de religion !
À l’école élémentaire publique , les cours de religion sont dispensés par des enseignants volontaires ou par des ministres du culte, rémunérés par l’État. Cette heure de religion est comprise dans les 24 heures de cours commun hebdomadaires prévus par l’Éducation nationale. Sur le cycle élémentaire, les enfants ont donc 180 heures de cours en moins que les élèves du reste de la France, ce qui va à l’encontre du principe d’égalité.
Précision utile qui montre bien que les gouvernants actuels (comme ceux du passé) plient devant les revendications religieuses y compris quant elles portent atteinte à la laïcité :
En effet, L’observatoire de la Laïcité, sans aller toutefois jusqu’à l’abrogation du concordat, avait souhaité en 2015 qu’il n’y ait plus d’obligation et que les heures de cours de religion soient dispensées en dehors des heures scolaires. En réaction, en mai 2015, les représentants des cultes avaient réagi fortement en s’indignant des conclusions de l’Observatoire :
« Cela irait dans le sens d’une marginalisation rapide. Qui voudrait suivre ce cours en fin de journée ? Avec quel encadrement des établissements ? Cet enseignement permet, dans le cadre d’une approche positive et critique de la religion, une connaissance approfondie de sa propre tradition et de celle des autres. Il contribue à une meilleure compréhension mutuelle et favorise un bon vivre-ensemble. Tout cela dans une liberté absolue des élèves et des familles d’accepter ou d’écarter la proposition qui leur est faite ».
Le monde à l’envers !!!
Malgré donc l'avis, pourtant très mesuré, de l’observatoire de la laïcité, les différents ministres de l’Éducation nationale de François Hollande n’ont rien fait pour modifier tout cela et les législateurs n’ont été saisis d’aucun texte, continuant ainsi à laisser les citoyens d’Alsace Moselle et leurs enfants hors des règles communes de la laïcité et des lois nationales.
Je suis en droit de me demander pourquoi venant d’un gouvernement et un chef d’état qui se disent les défenseurs de la laïcité. C’est complétement contradictoire. Une fois de plus comme pour l’application des rythmes dits scolaires, la charte de la laïcité, les gouvernants ont cédé devant « les représentants des cultes » qui montrent bien ainsi qu’ils interfèrent dans les décisions de l’État ce qui est contraire à la loi de 1905.
(http://quaiducitoyen.eklablog.fr/les-grignotages-de-la-loi-de-1905-et-la-laicite-4-6-a114871114)
Comment leur parole et leurs discours sur la laïcité peuvent –ils alors paraître crédibles ?
3. À la rentrée scolaire, les parents sont donc toujours obligés de révéler leur orientation religieuse et celle de leurs enfants au directeur d’école. Les familles sont donc fichées en fonction de la religion. C’est illégal si on se réfère à la loi française, autorisé si on se réfère à la loi locale !
On se rappelle l’affaire récente de Béziers qui a fait polémique du fait du soupçon envers le maire de ficher les élèves selon leur religion (ici musulmane). Si cela s’était avéré vrai, le maire risquait une amende et la prison.
Rappel : En France, les statistiques ethniques sont interdites par la loi du 6 janvier 1978.
Le texte précise qu'« il est interdit de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les options philosophiques, politiques ou religieuses, ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci ».En France, il n'y a pas de statistiques ethniques : depuis 1872, aucun recensement n'a inclus les données relatives à l'appartenance confessionnelle des Français. Il est donc impossible d'établir des statistiques précises sur le nombre de Français de chaque religion.
Pourquoi en Alsace-Moselle, cela serait-il possible ? Grâce au Concordat, on le justifie...et cela ne gêne pas nos gouvernants pourtant garants de la devise de notre république : Liberté, Égalité, Fraternité. Leurs arguments pour maintenir cette anomalie d’un autre âge sont obsolètes et fuyantes.
4. En France, le délit de blasphème a été aboli en 1881. Mais le droit local d’Alsace Moselle comporte toujours le délit de blasphème, tout droit issu de l'article 166 du code pénal allemand de 1871, maintenu dans les deux départements :
"Celui qui aura causé un scandale en blasphémant publiquement Dieu par des propos outrageants, ou aura publiquement outragé un des cultes" peut-être "puni d'un emprisonnement de trois ans au plus".
Totalement archaïque !
Même si cela n’a jamais été appliqué et qu’on assure au ministère de la justice qu’on ne peut condamner quelqu’un pour ce délit, pourquoi n’a-t-on pas abrogé la loi locale ? La réponse semble être, à mon sens, qu’on ne veut pas commencer à toucher aux exceptions d’Alsace Moselle pour ne pas remettre en cause le concordat.
Cela me conforte donc dans l’idée qu’il y a derrière cette inertie de ceux qui ont été au pouvoir et le sont actuellement, des intentions cachées.
(Avers et le revers du Grand Sceau de la République française REPUBLIQUE FRANÇAISE ET UNE démocratique indivisible. Jean-Jacques Barre - L'Illustration , 28/10/1848- Domaine public)
UN PEU D’HISTOIRE
Le système du Concordat subsiste en Alsace-Moselle du fait de l’histoire : en 1905, lors de la séparation de l’Église et de l'État, ce territoire était encore allemand. Il a donc conservé cette particularité. Cette particularité a plus de 100 ans maintenant et les politiques n’ont pas eu le courage de prendre leurs responsabilités en faisant appliquer en l’Alsace Moselle la loi de la République. Des arguments ont été données pour justifier : habitude locale, identité du territoire, mélange de respect culturel et de dialogue inter religieux régulier avec l'état...et autres fariboles... pour nous faire croire que la population est toujours celle d’il y a 100 ans. Ce sont des arguments fallacieux comme si aucun brassage de population n’avait eu lieu depuis dans une région qui comme toutes les autres s’est modernisée et a accueilli des populations diverses venant de toute la France.
Question légitime d’un citoyen »lambda » que je suis : comment l’État qui interdit le « voile » dans les écoles publiques ( et avec raison), qui veut faire croire dans les discours qu'il défend la laïcité peut-il être crédible alors que sont payés, sur les impôts de tous les Français, athées, agnostiques, bouddhistes... chrétiens et musulmans, les salaires des pasteurs, des rabbins et des curés qui organisent un enseignement religieux dans les établissements scolaires publics des trois départements français en question ?
De telles attitudes affaiblissent la parole de l’État face aux coups portés à la laïcité par les surenchères incessantes des extrémistes religieux qui en jouent auprès des fidèles de toutes les religions pour faire croire qu’ils ont des droits différents de ceux des autres citoyens pour cause de pratique religieuse. C’est ce qu’on appelle le communautarisme en marche.
Je ne peux m’empêcher de penser que derrière tous ces renoncements, il y a des arrières pensées ou des coups contre la laïcité qui se préparent.
Le régime concordataire n'a jusque là pas été étendu au culte musulman. Le Concordat crée les conditions d’une séparation communautaire organisée entre les religions elles-mêmes, en excluant tout autre culte que les quatre cultes reconnus, et par ailleurs entre les croyants et les agnostiques ou les athées.
En effet, les religions qui n’étaient pas ou peu présentes sur le territoire français en 1801 sont exclues du système. L’islam notamment.
N’assiste- t-on pas aux prémisses larvées de l’extension du concordat dans toute la France pour accroître les accommodements par pur esprit électoraliste comme tout ce qui a été fait jusqu’ici ? En jeu, comme l’a laissé entendre le parti socialiste, la volonté d’aider au développement des écoles privées musulmanes...voire le financement par l’État des édifices religieux.
La libéralisation de l'enseignement pour mettre à parité les écoles privées avec les écoles publiques en reconnaissant des instances représentatives des écoles privées n'est-elle pas en marche pour amoindrir l’école publique et favoriser les écoles des communautés religieuses?
(Plus de détails: http://quaiducitoyen.eklablog.fr/les-grignotages-de-la-loi-de-1905-et-la-laicite-4-6-a114871114)
Pour ma part, j’estime que Le Concordat contrevient à l’article premier de la Constitution :
"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion."
Nos dirigeants et le premier d’entre –eux, le président de la république feraient bien de s’en rappeler pour être crédibles quant à leurs propos sur la laïcité pour faire face au terrorisme.
(http://quaiducitoyen.eklablog.fr/la-laicite-n-est-pas-negociable-a115041474)
A suivre...
* conseil constitutionnel: https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_constitutionnel_(France)
** http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2013/2012-297-qpc/decision-n-2012-297-qpc-du-21-fevrier-2013.136084.html
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