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Vincent Peillon, Ministre du périscolaire communal?
La réforme des rythmes dits « scolaires » enclenchée par le gouvernement a été mal pensée et a été déviée dans ses fondements principaux par une faiblesse de décisions laissant ceux concernés en premier chef - les élèves, les parents et les enseignants- sur le côté. Volontairement ou non, le ministre a laissé mener un aménagement du temps par les seules collectivités locales à qui il a été délégué le pouvoir de décision sans aucun contrôle véritable. On peut parler d’un échec de cette réforme dans la mesure où rien ne changera dans les classes au niveau des pratiques, au niveau de la prise en charge des enfants et notamment ceux en difficulté. Les réductions horaires journalières ont souvent fait place à des aberrations dont celle du samedi non travaillé.
A été privilégié le côté « périscolaire » avec, dans nombre de cas, aucun projet d’ensemble sur les rythmes et les temps de l’enfant. Tout cela sans de véritables concertations. On a financé les communes même quand il n’y avait pas de projet concerté: du grand n’importe quoi. Les nombreux exemples de dysfonctionnements prouvent à l’évidence que, sur le terrain, on a laissé tomber « l’élève » au profit d’un occupationnel après la classe qui est la plupart du temps sans lien avec l’école. Le ministre de l’éducation nationale se devait d’abord d'être le ministre de la refondation de l’école. Ca n’a pas été le cas.
Je le disais dans mon dernier article, Monsieur PEILLON, trop imbu de ses vérités, ne veut pas réécrire son décret sur les « rythmes scolaires ». Je suis même allé jusqu’à dire que s’il ne veut pas «évoluer, il n’a plus qu’à démissionner pour un poste de ministre du périscolaire des collectivités locales.
Certes, j’ai poussé le bouchon un peu loin mais il y a de quoi être fâché et déçu de la manière dont le ministre a commencé à lancer la refondation de l’école en laissant les collectivités locales décider sans partage et sans contrôle véritable de l’aménagement du temps journalier de l’enfant. Le texte du décret a bien été rédigé dans le sens de ne pas permettre que concrètement se mettent en place des projets cohérents décidés de manière concertée avec les enseignants et les parents. Aucune obligation n'en a été faite. Plus d’un exemple peut le prouver, je n’y reviens pas. Les aberrations sont nombreuses mais malgré tout financées. (Voir mes articles sur le sujet et notamment celui du 7 septembre 2013 à l’occasion de la rentrée : http://quaiducitoyen.eklablog.fr/la-rentree-des-classes-et-le-mercredi-a98699253)
LE RESULTAT : UN ECHEC DE LA REFORME DES RYTHMES
Monsieur le ministre Peillon a beau se démener pour affirmer que sa réforme des rythmes est la bonne, il persiste à refuser la réécriture de son décret et donc continue de laisser en place le carcan qu’il impose aux élèves et aux enseignants. Les collectivités locales continuent de pouvoir décider des horaires hebdomadaires y compris sans l’aval des équipes pédagogiques et de parents.
Conclusion, on arrive à une situation confuse. Les enseignants non consultés sont contre la nouvelle semaine scolaire. Les parents font de même. Le désaccord se fait pour des raisons qui ne sont pas toujours convergentes mais, en tout cas, le sentiment est bien celui d’une belle pagaille. A cela s’ajoute le fait que les élections municipales approchant, certains maires ou partis sont contre pour de mauvaises raisons uniquement électoralistes invoquant le non financement des activités « périscolaires ».
(La nébuleuse de Carina, 30/05/2005, auteur NASA/JPL-Caltech/N. Smith (Univ. of Colorado at Boulder), autorisation , image non soumis à copyright)
Dans notre pays, l'électoralisme prend, pour certains élus , le pas sur toute autre considération et fait les dégâts que chacun connait. La faute à notre système de cumul des pouvoirs, à la mauvaise représentativité de la population par notre parlement...
Et Vincent Peillon de continuer de flatter les maires dans « le sens du poil », en faisant des annonces. Ainsi il assure que le financement pour mettre en place des activités se poursuivra en 2014. Mais, en aucun cas, il n’annonce qu’il faudra des conditions bien précises pour que ses financements soient octroyés. Ces conditions devraient être, en premier chef, basées sur des projets cohérents réellement construits avec les enseignants et les parents. On continuera donc de financer les collectivités locales y compris pour des aberrations d’organisations non concertées.
Il annonce l’affectation de « 300 agents supplémentaires à l'accompagnement des maires, et en priorité des maires ruraux" pour appliquer les nouveaux rythmes.
Ce rafistolage ne changera rien au fond. Il sert tout juste à essayer de calmer la grogne de certains élus municipaux. Ces agents sont inutiles s’il s’agit d’appliquer le décret actuel. Consacrons plutôt les crédits à mettre plus de maîtres dans les classes plutôt que de les perdre pour appliquer une mauvaise réforme.
Comme je le disais sur ce blog , le 23 septembre 2013, « pour certaines communes, la mise en place n’a rien à voir avec une amélioration ni des rythmes scolaires ni des rythmes tout court et cela se résume, ... , à une réduction de temps scolaire journalier d’environ ¾ d’heure reportée le mercredi je jour le plus mauvais choisi pour les rythmes veille sommeil...La modification des rythmes hebdomadaires est, en bref, bien plus un fiasco qu’une réussite dont on peut se féliciter comme le ministre le fait. »
J’ajoute que tout cela n’apporte rien pour améliorer la prise en charge des élèves à l’école durant de soi-disant nouveaux « rythmes scolaires » sur les bases d'une organisation uniquement horaire d'une semaine « carcan ». Celle-ci ne laisse plus guère de liberté d'organisation pédagogique innovante des rythmes et activités de la semaine à l'école.
Monsieur Peillon fait un grand discours devant les maires de France pour affirmer que le primaire est une priorité. Mais il ne suffit pas de dire que "Pour inverser ce mouvement" - celui du déclin scolaire et l'accroissement des inégalités- il faut donner "la priorité au primaire", faire "en sorte qu'il y ait des professeurs devant les élèves", former les enseignants, "être capable de transformer les pédagogies" et refaire les programmes. Encore faut –il mettre les actes en corrélation avec les discours.
Je renvoie à mes écrits de septembre sur le sujet dans lesquels je détaille mes doutes quant aux actes (http://quaiducitoyen.eklablog.fr/vacances-scolaires-le-debut-de-la-reflexion-repoussee-en-2015-pour-cha-a100034386 )
Le ministre parie sur la concertation avec tous les intervenants. "Chaque fois que ça marche, il y a eu dialogue" dit-il. Le problème est que son décret a été rédigé de telle manière à ce que rien n’institue le dialogue et le projet partenarial concerté.
Monsieur le ministre de "l’Education nationale" essaie tout juste d’éteindre les feux auprès des maires des collectivités locales.
POUR AVANCER ET EVITER LA CATASTROPHE
La seule solution pour avancer : geler la réforme actuelle des rythmes scolaires, remettre l’école le samedi matin comme on le faisait avant la semaine de 4 jours de Darcos ce qui pour les collectivités locales n’accroitra pas les dépenses et remettra les pendules à l’heure.
Faire une nouvelle rédaction du décret qui prend en compte la mise en place d’une vraie semaine qui se débarrasse de tout électoralisme et laisse la place à l’intérêt de l’enfant, aux possibilités souples d’une organisation horaire hebdomadaire basée sur de vrais projets concertés . Un seul cadre pour cela : une semaine de cinq jours avec le samedi matin travaillé tout en laissant la possibilité d’étendre sur un sixième jour le mercredi. Ainsi on débloquera le carcan et on permettra les initiatives pédagogiques.
A partir de là, une obligation : la construction de projets locaux cohérents construits dans la concertation entre tous les acteurs de la prise en charge des enfants et des élèves en prenant en compte tous les temps de l’enfant et en les harmonisant. Le projet devra être adopté en conseil d’école et recevoir l’approbation des instances académiques pour être financé et mis en œuvre. Il devra être mis en place sur une durée définie avec, dès le départ, la détermination de critères clairs d’évaluation permettant de modifier et d’infléchir si nécessaire le projet en fonction du vécu.
Il n’y a pas de honte à admettre qu’on a mal rédigé un texte et qu’on remet tout à plat pour avancer de nouveau avec des étapes, une méthode, un vrai plan d’action sans précipitation.
Cela évitera l’échec inéluctable actuel de la réforme des "rythmes" et malheureusement de la refondation de l'Ecole dans son ensemble.
PISA* EST DE RETOUR
Et, cette fois encore, il est annoncé une baisse des résultats pour les élèves français. Encore faut-il avoir par rapport à ces études une certaine distance sur la manière dont on choisit les critères d'évaluation. Mais ce n'est pas nouveau. On peut juste noter que pour les élèves favorisés l'école française fonctionne bien. Pour les autres ... Il faut donc bien constater que nous avons un système éducatif ségrégationniste et élitiste qui n'aide pas suffisamment les élèves à s'en sortir quand ils ont des difficultés. Rien de nouveau...
(Pour le détail de cette étude --> http://www.oecd.org/pisa/keyfindings/PISA-2012-results-france.pdf)
Il faut quand même bien dire qu'à force de réformes souvent contradictoires, le maintien continue d'une ségrégation de statuts entre les personnels , une mauvaise formation des enseignants puis suppression de la formation, les diplômes universitaires des profs comme garant d'une formation pédagogique qu'ils n'ont pas, les tentatives répétées de réduction de moyens de traitement de la grande difficulté (RASED), une réforme des lycées inexistante, des programmes manquant de cohérence, la non prise en charge réelle et immédiate de nombre d'élèves pour traiter la difficulté ordinaire, un système universitaire qui a encore pour nombre d'universités une formation obsolète,... - et j'en passe - ces résultats ne m'étonnent pas.
En bref, nous payons ou plutôt les élèves payent les erreurs d'une politique de l'éducation qui, depuis de nombreuses années, n'a pas de continuité dans le temps, chaque ministre à son tour utilisant les études de PISA ou d'autres études pour faire passer ses conceptions, laisser son nom à des réformes qui n'ont fait que continuer à multiplier les incohérences . Le résultat est là avec des élèves laissés sur le bord du chemin avec leur difficulté et des jeunes qui sortent chaque année sans la formation dont ils auraient besoin pour trouver un travail.
Là, ce n'est pas le gouvernement et le ministre actuel qui sont en cause. Vincent PEILLON et François Hollande ont déclaré vouloir lancer la refondation de l'Ecole ce qui était une annonce sans précédent qui pouvait donner l'espoir , qu'enfin, on allait mettre en place une politique éducative sur le long terme dont le pays a besoin et au centre des priorités politiques.
Hélas, comme de coutume, la politique politicienne a pris le pas sur les grandes ambitions et même si des chantiers ont été entrepris sur la formation, les programmes, la pédagogie, les actes et la détermination ne sont pas à la hauteur du projet.
Il n'est cependant pas trop tard pour concrétiser ces espoirs pour mener une politique à long terme de refondation de notre Ecole. François Hollande peut de manière historique changer l'incohérence de nos politiques passées pour faire une vraie politique d'avenir de notre système éducatif.
Il ne suffira pas de se contenter d'utiliser PISA pour dire que les gouvernements précédents ont la responsabilité des mauvais résultats éducatifs actuels. On le sait depuis longtemps. Cela n'apportera rien au débat véritable qu'il faut avoir sur l'Ecole dans le pays et rien au niveau des solutions qu'il faut apporter.
A François Hollande et à son ministre de l'Education nationale de prendre de la hauteur et les véritables moyens de la mise en oeuvre de la reconquête éducative de manière claire et affirmée et en se plaçant au delà des petites manoeuvres politiciennes stériles de tout bord.
Cela permettra d'enfin entamer et poursuivre le chemin d'une refondation qui doit être menée avec détermination et sans visée électoraliste mais dans la cohérence et construite sur le long terme avec tous les acteurs qui se doivent d'en être et en priorité les élèves, les parents et les enseignants en s'appuyant aussi sur la richesse des expériences de celles et ceux qui oeuvrent sur le terrain depuis parfois des décennies.
L'avenir des enfants et des jeunes est à ce prix.
*PISA: acronyme anglais pour Programme for International Student Assessment, ensemble d'études de l' OCDE visant à mesurer les performances des systèmes éducatifs des pays membres. (source Wikipédia)
(cour de récréation, image domaine public)
« Pour un vrai changement … dans l’action fiscale et socialeVincent PEILLON: deux annonces fondamentales »
Tags : refondation de l'école, PISA, politique de l'éducation nationale, rythmes scolaires