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VACANCES SCOLAIRES : LE RETOUR
La ministre de l'Éducation nationale vient d’annoncer sa volonté de modifier le calendrier scolaire des prochaines années.
Le prétexte de cette modification tient, selon elle, à la réforme territoriale, les embouteillage de vacances, ... La rentrée scolaire serait fixée le 1er septembre ...
Se sont empressés de réagir les représentants de station de ski qui ont le soucis de ne pas perdre d’argent... A les écouter, il faudrait fixer les vacances scolaires en fonction des intérêts des vacances de ski pour ne pas perdre 3% de chiffre d’affaires ce qui veut dire en gros que les intérêts économiques devraient primer sur l’intérêt de l’élève. Je rappelle que les vacances d’hiver concernent 8% de la population.Station de ski de Goulier Neige au cœur des Pyrénées ariégeoises, vallée de Vicdessos. AuteurFpasian- Travail CC BY-SA 3.0)
Peut-être faudrait –il plutôt développer les classes de neige pour qu’un maximum d’enfants s’initient et profitent des sports d’hiver avec en plus un travail scolaire de qualité et motivant. Je l’ai pratiqué et tous les élèves concernés étaient ravis notamment ceux qui n’auraient pas pu aller « à la neige » faute de moyens. Bien sûr cela nécessiterait peut-être des aides pour les communes qui ont le moins de ressources. Mais pourquoi pas ? Ce serait peut-être plus utile que les subventions indument versées aux écoles privées qui n’appliquent pas les rythmes scolaires ou les communes qui ont des organisations peu utiles pour ces mêmes rythmes. Fermons la parenthèse.
ET SI ON POUSSAIT LA REFLEXION UN PEU PLUS LOIN ?
Je reprendrai donc les remarques que j’ai déjà énoncées en 2013 sur le sujet lors de la mise en place des rythmes dits « scolaires ».
Je ne reviens pas dans le détail sur le lamentable décret sur les rythmes scolaires hebdomadaires de Vincent Peillon , mal revu et corrigé par Benoit Hamon et continué d’être mis en application par l’actuelle ministre de l’éducation nationale. J’ai longuement démontré les inepties de ce décret qui n’ont rien apporté sur le fond pour la prise en charge pédagogique des élèves en classe. De plus, il est constaté que la fatigue des élèves n’a pas été atténuée. Bref c’est un fiasco sur lequel il serait plus que temps de revenir si on veut que la refondation avance.
Au passage, donc, concernant la « fatigue des élèves »ci après un extrait des conclusions d’une enquête réalisée par le SNUIpp (Syndicat majoritaire des enseignants du premier degré) auprès de 16 764 enseignants et publié ce 10 février 2015 : (http://www.snuipp.fr/IMG/pdf/SNUIPP_Rythmes_presse_V5.pdf)
« Premier enseignement, 74% estiment que les difficultés liées au temps périscolaire impactent négativement le temps scolaire en terme de fonctionnement de l’école mais aussi d’attention et de fatigue des élèves. Ainsi, le périscolaire est mis à l’index, jugé très inégal d’une ville à l’autre, parfois mal organisé, parfois sans locaux adaptés, parfois bruyant et parfois même synonyme de garderie. C’est en maternelle que les critiques sont les plus vives : organisation chaotique de la journée, difficulté pour les élèves à identifier les différents temps morcelant la journée, temps de repos et de sieste insuffisants ou tronqués, allongement du temps passé en collectivité avec des effectifs trop lourds. Au final, c’est l’accumulation de tout cela qui conduit les enseignants à s’inquiéter de la fatigue et de la baisse d’attention de certains élèves sur le temps de classe. Et comme les effectifs restent aussi chargés, comme les programmes scolaires toujours aussi lourds n’ont pas encore changé, seuls 9% des enseignants constatent un effet bénéfique sur les apprentissages. »
(auteur Nemo Licence: CC0 Public Domain)
A suivre donc d’autant que contrairement à ce que dit le ministère, tout n’ a pas été fait dans la concertation et qu’on n’a pas tenu compte des retours d’expériences ou remarques des conseils d’école ou des enseignants : Selon une enquête réalisée auprès de 8 000 enseignants ou équipes d’école et publiée en février 2014 par le même syndicat il est constaté que « Plus de la moitié des conseils d’école n’ont pas été écoutés, des propositions d’organisation consensuelles ont été « retoquées » par les DASEN au motif qu’elles n’entraient pas dans le cadre rigide du décret . »
Bref, écouter ceux qui sont chargés au quotidien de faire vivre l’école ne semble pas être à l’ordre du jour des divers ministres qui se sont succédés à l’éducation nationale. On voit le résultat.
J’attends avec impatience la réaction de notre ministre de l’éducation nationale à cette enquête. Fermeture de la deuxième parenthèse.
Je répète néanmoins ce que je disais il y a deux ans déjà et qui est toujours d’actualité:
« Une vraie refondation ne sera possible que si on abandonne tout de suite le débat actuel et tronqué des vacances scolaires.
Les préoccupations des vacances doivent venir après l’essentiel : Les contenus de l’instruction, la pédagogie, les rythmes journaliers, ceux de la semaine et de l’année. Le problème n’est donc pas pour l’instant de discuter du raccourcissement ou non des vacances d’été, de savoir qui cela va avantager ou pas - parents, professeurs, tourisme...- (comme on le voit sur certains forum) mais bien de mettre tout à plat et construire de manière sensée les dispositifs avec lesquels les enfants et les jeunes vont être pris en charge à l’école en équilibre avec leurs autres moments de vie. »
Pour l’instant tout cela n’a été qu’amorcé (programmes) ou n’a pas avancé et on revient sur l’éternel débat superficiel : zonage pas zonage, raccourcissement des vacances scolaires, préoccupation des acteurs du tourisme et intérêts économiques..., rentrée pour tous le 1er septembre.
Avec ce dernier point annoncé comme si cela était fondamental, on sent encore pointer le gadget complétement à côté de la plaque. En quoi commencer le 1er septembre est à mettre en avant alors qu’on n’a pas traité l’essentiel du sujet des rythmes annuels des périodes de repos et que les rythmes hebdomadaires ne fonctionnent pas bien? Et si le 1er septembre tombait un dimanche ? un vendredi ? N’importe quoi. Pourquoi ne pas commencer un lundi quelque soit la date. Mais ce n’est vraiment pas un sujet majeur.
( Les trois zones de vacances scolaires en France, CC BY-SA 3.0, Téléversé par Ash Crow)
ET SI ON SE PREOCCUPAIT VRAIMENT DE L’INTERET DES ELEVES
Je ne ferai donc que répéter ce que j’ai déjà écrit lors de la mise en place du décret sur les « rythmes scolaires » car à mon sens il n’y a pas d’autre moyen que de traiter le sujet.
On entend parler de réduire le nombre d’heures de classe par jour, pourquoi pas. Cela irait dans le bon sens mais à condition aussi de considérer l’ensemble des rythmes des enfants y compris extra scolaires. Le problème est donc de savoir pour quoi faire et ce qu’on y met. Dans l’état actuel de la réflexion et de la mise en œuvre du décret Peillon sur les rythmes qu’il faut absolument réécrire car il n’a pas pris en compte l’intérêt des élèves par pur soucis électoraliste, on est plutôt au point zéro sur le sujet.
Ainsi certains avancent par exemple qu’on pourrait passer à 23 heures de classe hebdomadaire au lieu de 24 et même à 20 heures à condition de rattraper cela sur les vacances et en particulier les petites.
Pour une réduction d’une heure semaine cela voudrait dire des petites vacances raccourcies de 36 heures (36 semaine X 1h) soit donc environ 7 jours à récupérer sur une année... Quand on sait que ces petites vacances sont nécessaires pour le repos des enfants....
Quand on imagine de passer à 20 heures par semaine, soit une réduction de quatre heures, cela veut dire 144 heures (4h X 36h) à rattraper ou environ 28 jours soit environ 7 semaines à retirer des vacances...
Quand ? Cela-a-t-il été bien réfléchi? On peut en douter. Du grand n’importe quoi d’une réflexion décousue basée sur des schémas éculés.
Tout cela n’est pas pris par le bon bout.
La réduction du temps de vacances est pour moi actuellement une proposition sans étude de fond.
Et personne ne semble aller dans ce sens pour rester sans doute dans les mêmes schémas éculés qui ne remettent rien en cause.
(Un cadran solaire à Saint Rémy de Provence, en France, photo personnelle 2012, domaine public)
LES VACANCES SCOLAIRES SONT A REVOIR SUR DES BASES NOUVELLES
Il faut cesser d’aller dans le sens du simplisme qui n’appelle pas à une vraie réflexion sur le sujet et ne pas mettre la charrue une fois encore avant les bœufs pour aller vite…et dans le mur d’un faux changement.
Les préoccupations des vacances doivent venir après l’essentiel : les contenus de l’instruction, la pédagogie. Tout cela n’est pas encore abouti ni même pour certains domaines commencé. D’autant que cela concerne tous les degrés d’enseignement.
On ne peut se contenter de vagues approximations basées sur les avis subjectifs des parents, des enseignants ou des professionnels du tourisme.
On doit partir de l’optique que ce n’est pas la quantité et donc notre nombre d’heures de travail annuel qui est le plus important. C’est prouvé quand on voit les meilleurs résultats obtenus dans d’autres pays comme par exemple la Finlande (608 heures annuelles pour les 7 à 8 ans, 640 pour les 9 à 11 ans), le Japon (709 heures et 770, l’Allemagne (635 et 790). En France c’est 840 pour les 7 à 8 ans et 902 pour les 9 à 11 ans. « Dans le primaire entre 2001 et 2006, la France est passée du 18e au 27e rang, avec 32% des écoliers français jugés faibles ou très faibles pour une moyenne européenne de 25%. »(OCDE 2010)
Il faut donc avant toute chose considérer la qualité de ce qui sera fait durant ces heures, avec la cohérence et le contenu nécessaire des programmes.
Je l’ai déjà dit dans un de mes écrits précédents : (http://quaiducitoyen.eklablog.fr/refondation-de-l-ecole-quel-avenir-2-a91985793)
« En plus d’être clairs, ces programmes doivent être débarrassés des redondances et des inutilités et donc enfin - ce qui est réclamé depuis longtemps par les enseignants- faisables dans un nombre d’heures annuelles à déterminer.
Il faut le faire en articulant bien maternelle, élémentaire, collège et lycée (et prévoir le passage et la préparation par exemple vers l’université).
Cela doit permettre aux enseignants de ne pas faire" la course pour finir le programme" et laisser sur le chemin celles et ceux des élèves « qui ne suivent pas ».
C’est aussi très étroitement lié à la pédagogie et aux moyens de mise en œuvre de la prise en charge des élèves en difficulté."
Demander un allongement de l’année scolaire ou un raccourcissement des vacances n’a donc aucun sens tant que le nombre d’heures annuelles de cours n’aura pas été établi en fonction de ce que les élèves doivent apprendre dans le cadre d’une organisation hebdomadaire des rythmes qui respecte l’équilibre de l‘enfant et du jeune.
On n’en est pas encore à ce niveau d’autant que le collège et le lycée doivent aussi être traités en remettant en cause, je l’espère, les conceptions souvent vieillottes des organisations, emplois du temps et pédagogies dans le second degré.
Les vacances sont des ruptures de rythme. Il est prouvé qu’une semaine de vacances c’est insuffisant car les rythmes commencent à se stabiliser après une semaine. Deux semaines sont donc plus favorables pour tirer un bénéfice des vacances. Il est dit aussi que la période de travail ne doit pas excéder sept semaines. Mais ce n'est pas si simple et il faut tout considérer y compris les mois ou périodes de moindres ou de bonnes capacités biologiques et les ruptures de rythme importantes causées par les jours fériés à certaine période comme par exemple le mois de mai. Et bien d'autres choses encore sont à soulever.
Si tout cela n'est pas examiné sérieusement et en faisant l'objet d'une vraie information publique, demander la mise en place d’un nouveau calendrier scolaire relève de la même précipitation que celle qui a présidé à la mise en place du décret sur les « rythmes scolaires ». Cela n'est ni cohérent ni sérieux et n'aidera pas les enfants et les jeunes.
Je conclus comme j’ai conclu mes propos en 2012 :
« Refonder l’école ce n’est pas regarder par le petit bout de la lorgnette, ici en l’occurrence les vacances d’été, mais traiter le problème en étudiant tous les tenants et aboutissants d’une vraie refondation dans le cadre d’une certaine cohérence : pédagogies, programmes, rythmes pour déterminer ce qui serait le mieux pour les élèves.
La refondation de l’école ne doit pas être « ratée » et bâclée pour cause d’impatience voire de lobbyings, de clientélisme ou d'électoralisme. Pour une fois, travaillons sérieusement. »
CONCERTATION a dit la ministre. On connaît la chanson: Le ministre Vincent PEILLON avait beaucoup parlé de la concertation avec tous les intervenants. "Chaque fois que ça marche, il y a eu dialogue" disait-il. Le problème est que son décret a été rédigé de telle manière à ce que rien n’institue ni oblige au niveau de chaque commune le dialogue et le projet partenarial concerté. De nombreux exemples l'attestent dans les faits.
Alors, concertation oui mais il faudrait peut-être changer de méthode et travailler vraiment dans l’intérêt des enfants et des jeunes et néanmoins élèves, ceci en tenant compte de l'expérience et de l'avis des acteurs du terrain.
Tags : vacances scolaires, tourisme, rythmes scolaires, refondation de l'école, élèves