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L'ÉROSION DE LA LOI 1905: LES RESPONSABLES
Grands discours sur la laïcité, mesures prises à l’école, formation des enseignants, débats éculés sur l’uniforme à l’école, le service civique, voire militaire... on entend tout et parfois n’importe quoi de la part de certains députés, ministres...pour défendre la laïcité, la citoyenneté, les valeurs de la république, la loi de 1905...
Le problème est que depuis le vote de la loi de 1905, nombre de ceux-là même qui auraient dû la défendre à savoir les législateurs et les gouvernants n’ont eu de cesse que de la grignoter et c’est flagrant quand on voit ce qu’il en reste aujourd’hui.
(Humour. Caricature de Jean-Baptiste Bienvenu-Martin, Ministre de l'instruction publique, auteur Charles Léandre, bibliothèque nationale de France, Séparation des Eglises et de l'Etat en 1905, Domaine Public)
Depuis 1905, les partis et certains hommes et femmes politiques participent en effet à l’érosion de la loi et par conséquence affaiblissent la LAICITE. Ils prennent comme prétexte une certaine tolérance au gré des évènements pour ne pas « fâcher » quelques clans ou lobbies religieux, électoralisme oblige. Nombre de faits me semblent le prouver. J’y reviendrai.
LA LAICITÈ A ÉTÉ AFFAIBLIE PAR LA COLLUSION DES POLITIQUES ET DES RELIGIEUX
On voit aujourd’hui où nous a mené cette collusion des politiques et des religieux tout au long des décennies, ce laxisme sous forme de concessions faites aux autorités religieuses et à la religion en général notamment en faisant régresser la loi de 1905 pilier de la laïcité.
Certains politiques de droite comme de gauche parlent même de laïcité ouverte , positive comme si le seul mot LAÏCITÉ ne suffisait pas. Cette seule expression de « laïcité ouverte ou positive » jette la confusion dans les esprits. Cela voudrait dire qu’il y a une laïcité fermée ! C’est ce que dit, avec raison, le philosophe Henri Pena-Ruiz qui raconte la collusion du politique et du religieux à travers les âges. (Libération, édition numérique du 23 avril 2011). Il trouve cela insultant. « Quand on parle des droits de l’homme, on ne dit pas des droits de l’homme ouverts. De même, quand on défend la justice, on ne parle pas d’une justice ouverte. Toute l’histoire montre que ceux qui défendent la laïcité dite ouverte ou positive sont partisans de privilèges publics pour la religion. »
J’en suis tout à fait d’accord et à la recherche des faits on peut le prouver ce que je ferai plus tard dans un prochain article avec quelques exemples.Certains trouveront sans doute que je suis un « laïcard » athée comme ils disent, qui veut « bouffer du curé » à tout propos.
Que nenni, citoyen laïque, je suis tout simplement et dans mes propos il n’y a nulle attaque contre les croyants ou les incroyants mais tout simplement des constats qui montrent les tentatives souvent réussies de nos élus nationaux pour grignoter, en fonction du climat électoral ce qui dans la laïcité gêne le politicien en prise avec ses démons du pouvoir.
(Avers et le revers du Grand Sceau de la République française REPUBLIQUE FRANÇAISE ET UNE démocratique indivisible. Jean-Jacques Barre - L'Illustration , 28/10/1848- Domaine public)
Depuis 1905, les lois proposées par les parlementaires ou les gouvernements puis, hélas, votées n’ont eu de cesse d’affaiblir de manière très significative la loi 1905 de la séparation de l’église et de l’état et par la même affaiblir la laïcité.
La loi sur la séparation des Eglises et de l’Etat est pourtant une valeur fondatrice essentielle de notre République. Elle est néanmoins, aujourd’hui encore, confrontée au développement de revendications culturelles et religieuses, souvent d’ordre identitaire.
C’est pour cela qu'elle doit être appliquée avec détermination, sans laxisme, telle qu’elle a été promulguée et pour ne rien céder aux tentations du communautarisme larvé.
Elle n’a besoin ni d’être durcie, ni d’être modifiée, ni d’être contournée par des dispositifs réglementaires comme on l’a fait jusqu'à présent et parfois de manière insidieuse car c’est l’affaiblir.
DES RELIGIONS, DES INSTANCES RELIGIEUSES ET DE LEURS RESPONSABILITÉS
Il ne suffit pas de convertir au judaïsme, au catholicisme ou à l’Islam comme le font les structures, instances, responsables, animateurs religieux. C’est effectivement leur job mais il leur faut aussi condamner, en expliquant, les idéologies et les pratiques qui n’ont rien à voir avec les principes humanistes des religions. Cela commence à se faire sous l’effet du choc des derniers attentats. Mais il faudra aller plus loin.
La religion agit parfois comme catalyseur d’un repli identitaire. Il est cherché des réponses qui « rassurent » et la religion peut en apporter sauf si elle est détournée par des fondamentalistes. C’est le lot, hélas, pour toutes les religions d’être dévoyées par certains qui sont contre la laïcité. C'est là où se trouve le combat à mener pour les responsables religieux que de remettre les choses à leur juste place c'est à dire en dehors de tout sectarisme et extrémismes.
Il ne suffit pas de clamer après les évènements du 7 janvier 2015 qu’ils respectent la laïcité et que les croyants acceptent de vivre la laïcité au sein de la république, il faut qu’effectivement les institutions religieuses montrent l’exemple à leurs coreligionnaires.
Les institutions religieuses devraient cesser de faire pression pour obtenir des faveurs de la république qui sont autant d’atteintes à la laïcité.
C’est ainsi qu’elles montreront qu’elles sont d’accord avec les règles laïques de la république plutôt que de vouloir les contourner et tenter, par la pression et le lobbying, des entorses sous prétexte de tolérance qu'on doit avoir à l'égard de certaines manifestations de leur religion dans le domaine public ou d'avantages dans le domaine éducatif ou les lieux de culte. Il ne suffit pas d'afficher un accord de façade.
Elles ont donc un rôle essentiel pour que mentalement elles aident nos concitoyens croyants à s'intégrer à la société française et accepter mentalement une évolution de la religion indispensable pour ce faire. C'est bien sûr le cas de la religion musulmane, plus nouvelle en France, mais c'est aussi valable dans certains cas pour les autres religions quand on constate certaines dérives.
(Divers symboles religieux, CC BY-SA 3.0 première version: Ratomir Wilkowski, convert to SVG: Cpicon92 Actual: Szczepan1990)
J'attends donc le travail que les instances religieuses ont à mener auprès de leurs coreligionnaires pour lutter contre le communautarisme et les dérives sectaires que nous connaissons aujourd'hui.
Les différents prêches à venir des religieux montreront si le jeu est joué.
Il en est de même des politiques en ce qui concerne leurs attitudes par rapport à la laïcité et le respect de la loi de 1905.
QUE DIT LA LOI DE 1905 ?
On peut donc rappeler quelques uns des articles essentiels de cette loi qu’on retrouve dans la constitution avec la déclaration des droits de l’homme qui complète ainsi les bases du fonctionnement laïque de notre république en proclamant la liberté de conscience et en garantissant le libre exercice des cultes. Elle pose donc le principe de séparation des Églises et de l'État.
Article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes [...] ».
Article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. [...] »
(Loi de séparation des Églises et de l'État. Page 1 - Archives Nationales - AE-II-2991, domaine public)
Cette loi se veut conforme à la devise républicaine. Par l'article 1er, l'État garantit la liberté de conscience, c'est-à-dire le droit de ne pas être croyant, et la liberté de culte si on l'est. Par l'article 2, l'État, les départements, les communes assurent leur neutralité à l'égard des citoyens, en refusant d'accorder des avantages spécifiques à certains en raison de leurs pratiques cultuelles. "La religion n’engage que le croyant, et l’argent public, provenant des athées comme des croyants, ne doit être consacré qu’aux services publics communs à tous : hôpitaux publics, écoles publiques, maisons publiques de la culture, crèches publiques, etc...."
J’ajoute en guise de rappel, qu’avant la loi de 1905 qui n’est pas arrivée comme cela du jour au lendemain, il y a eu des lois qui ont concouru en quelque sorte à la préparer.
Ainsi dans le domaine scolaire, à titre d’exemple non exhaustif, il ne faut pas oublier qu’à partir de 1879 des lois importantes ont été promulguées pour organiser l’école publique avec, notamment, un certain Jules Ferry. On peut citer la loi du 11 mars 1882 qui pose une pierre fondamentale de la laïcité : « L'instruction religieuse ne sera plus donnée dans les écoles publiques, (…) Les écoles primaires vaqueront un jour par semaine, en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner à leurs enfants, s'ils le désirent, telle instruction religieuse … ». Le respect des citoyens croyants ou non croyants avait enfin pris corps en ne soumettant pas tous les enfants à une instruction religieuse obligatoire pour tous mais en la permettant en dehors de l’école pour « ceux qui le désirent ». Quoi de plus normal ?
Tout cela est finalement très simple et on se demande bien pourquoi on ne s’y est pas tenu pour défendre la laïcité permise par son application d’autant qu’elle a été élaborée avec un esprit de compromis et non contre les religions, bien au contraire.
Je me permets de faire référence à l’historien Jean Paul SCOT qui, depuis 2002, a centré ses études autour de la laïcité. Il énonce un certain nombre de principes clairs auxquels à mon sens nombre de politiques, politiciens et de religieux feraient bien de se référer pour se rafraichir la mémoire et faire le point ce qu’est la laïcité française et la nécessité de la respecter. En disant cela, je ne me situe pas en donneur de leçons mais j’invite plutôt à faire comme moi des recherches pour s’éclaircir les idées et à retrouver les valeurs fondamentales de notre république qu’on peut parfois oublier consciemment ou inconsciemment par clientélisme ou électoralisme.
Je ne citerai que quelques unes de ses conclusions de bon sens qui s’appuient sur les faits de l’histoire que j’extrais d’une de ses conférences, à Versailles, le 30 novembre 2005 intitulée « Comprendre la loi de 1905 » :
« La loi de 1905 n'a pas été la victoire d'une " laïcité de combat " car elle a été conçue et adoptée par l'action des champions de la liberté de conscience en dépit des cléricaux et des antireligieux. Elle n'a pas été un compromis entre les partisans de la liberté de pensée et les défenseurs de la liberté de religion. D'ailleurs, aucune religion, pas plus le christianisme que l'islam, ne porte en elle spontanément la laïcité, mais toute religion doit et devra s'y adapter.
La loi de 1905 n'a pas été une " loi de transaction ", ni un " pacte laïque " négocié de puissance à puissance entre l'État et les Églises. Elle a été un acte souverain de la République. Il est donc tendancieux d'opposer aujourd'hui ses défenseurs qui ne seraient que des " laïcistes impénitents " et " archaïques " et les partisans d'une " laïcité ouverte ", d'une " nouvelle laïcité ", d'une " laïcité moderne " réclamant un " nouveau pacte laïque " et la renégociation de la loi avec tous les cultes. C'est faire injure aux laïques et raisonner d'un point de vue néo-clérical ».
Cela me semble tout à fait juste et remet chaque chose à sa place.
LES LÉGISLATEURS ET LES GOUVERNANTS N'ONT PAS À NÉGOCIER LA LAÏCITÉ
Il n’y a en effet rien à négocier car ce serait porter atteinte de nouveau aux principes même de la loi et de la laïcité. Cela a déjà été trop fait depuis 1905.
Aux élus de la république et ses gouvernants de se ressaisir pour reconstruire ce qui a été détruit y compris en revenant sur un certain nombre de compromissions et de dérives injustifiées et injustifiables.
Cela vaudra mieux que d’essayer d’entretenir la confusion dans les esprits entre des laïcités qu’ils ont inventées et qui n’existent pas puisqu’ils en détournent l’esprit même.
Halte à l’hypocrisie et à l’opposition artificielle entre la laïcité dite "ouverte" et la laïcité dite "de combat". La liberté est la liberté, elle n’est pas ouverte ou de combat. Par contre on combat pour défendre la liberté.
Il n’y a pas de « laïcité de combat » mais bien un combat pour défendre la laïcité qui n’a besoin d’aucun autre qualificatif sauf si on veut l’insulter.
Ceux qui ajoutent « ouverte » n’ont d’autre idée que de vouloir la détourner pour établir de nouveaux privilèges publics pour les religions. J’y reviendrai.
Il n’y a, de la même manière, pas lieu de dire « liberté religieuse » comme on l’entend souvent ou « liberté athée » comme on ne l’entend jamais mais « liberté de conscience »...qui convient pour tous les citoyens.
Ainsi chacun sera plus au clair et fera face à ses responsabilités.
Car chacun d’entre nous est responsable de la laïcité et de son respect. C’est pourquoi il ne faut pas se laisser abuser par ceux qui veulent en détourner le sens.
Le grignotage ou l'érosion de la loi de 1905 a donc été faite, ceci de manière incontestable dans le passé mais aussi aujourd'hui. J'ajoute que le comportement de certains personnages publics et d'état me posent question sur leur conception de laïcité et la manière de la défendre.
C'est l'objet de mon prochain écrit.
«À chaque fois qu'on défend la laïcité en France et dans le monde, on progresse. »- JLB. auteur image : TaniaPS - propre travail, CC BY-SA 3.0)
REFLEXION DE DERNIERE MINUTE:
J'ai appris ce jour qu'il existait maintenant en France un parti nommé "Union des démocrates musulmans de France". Je rapproche cela du "Parti Chrétien Démocrate", l'autre parti qui contient aussi dans sa dénomination une étiquette "religion". Je me suis déjà posé la question de l'existence de tels partis qui veulent intervenir dans la vie publique et peuvent prétendre se présenter aux élections y compris présidentielles. Quels sont leurs objectifs? En ce qui concerne le parti de madame Christine Boutin, j'ai déjà pu constater de quelle manière elle intervenait par ses prises de position sur fond d'idéologie catholique et religieuse notamment. Je n'ai pour ma part pas tranché, ma réflexion devant s'approfondir en étudiant les positions de ces partis. J'y reviendrai.
Tags : Loi de 1905, religieux, politiques, collusion, Laïcité