• Refondation de l’Ecole : quel avenir ? (partie 3: l'ECOLE PRIMAIRE)

    Refondation de l’Ecole : quel  avenir ? (partie3)Je continue ma  revue du projet de loi sur la refondation qui est maintenant votée et adoptée  par la majorité à l’assemblée nationale.

    Il n’y aura donc que peu de changements avec le texte d’origine et toutes les remarques que j’ai pu faire, ici même,  tout au long de la tenue des débats sont encore d’actualité.

    On peut constater de bonnes intentions au niveau de la loi : accueil des enfants de 2 ans en maternelle, comptabilisation des enfants dans les prévisions d’effectifs, une redéfinition de la santé scolaire, des précisions importantes sur la considération du handicap, la formation initiale … Il s’agira de mettre en face les moyens de la politique annoncée

    A suivre donc de près.

    Dans mon article du 4 juin, j’énonçais quelques avis quant à la nécessité de vraiment considérer l’école primaire comme une priorité.  J’y reviens  aujourd’hui. Si on veut que la refondation se lance et atteigne des objectifs, il faut absolument que les intentions soient suivies de faits concrets.

    Outre la refonte indispensable et prioritaire des programmes pour qu'ils soient adaptés et cohérents, la formation initiale mais aussi continue, il faut que la  priorité à l’école primaire et aux moyens soit effective afin d'y mener de véritables changements.

    Cela passe par la motivation des acteurs: équipes pédagogiques des écoles, parents, élus des collectivités locales, animateurs...

    Dans son discours à la Sorbonne, le président de la république  a  déploré  des journées actuellement surchargées pour les élèves.  "La réforme des rythmes" scolaires "n'est pas la clef de tout", mais "c'est le levier de la réussite".  

    Je l’ai dit de nombreuses fois, le décret  sur les rythmes teinté d’«  électoralisme »  est arrivé et il  n’a pas été, malheureusement, corrigé par la loi.  

    Ce n’est pas un levier mais un frein à la réussite de la refondation. Je m’en suis déjà expliqué.  La refondation des rythmes n’est pas bien lancée. Chacun  utilise le terme « rythme » avec des perceptions différentes dont beaucoup n’ont rien à voir avec l’intérêt des enfants. (voir mes textes antérieurs sur le sujet)

    Refondation de l’Ecole : quel  avenir ? (partie 3: l'ECOLE PRIMAIRE)Cela  apporte une grande difficulté pour qu’ il y ait de véritables changements significatifs dans l’organisation de la semaine pour les enfants, à l’école primaire.  Le décret  freine effectivement de vrais projets  entre les partenaires ou quand la collectivité locale n’a pas compris ou voulu comprendre ce que sont les rythmes des enfants et qu’elle ne fait que mettre en place de manière presqu’unilatérale des dispositifs périscolaires.    

    Pour les autres écoles, et heureusement elles sont nombreuses,  les conseils d'école ont encore une année scolaire pour exiger la concertation sur des projets qui prennent en compte l’intérêt des élèves.

    C’est là qu’il faut se mobiliser et ne pas attendre. Il est encore temps, pour les conseils d’école  et les équipes pédagogiques, d’essayer d’impulser de vrais projets collectifs entre partenaires.

    Pour cela, il faudrait que l’information sur les rythmes de l’enfant soit bien faite, que l’on explique bien partout l’importance du sommeil, l’importance d’éviter les ruptures du rythme de week-end pour que les décisions soient prises en toute connaissance de cause et pas sur la seule base égoïste des préoccupation des adultes – parents ou enseignants ou élus des collectivités -. Seule une vraie information sur les rythmes peut permettre de prendre des décisions éclairées d’organisation hebdomadaire pour l’intérêt des enfants.

    La seule manière d’agir pour que le décret ne soit plus un carcan c’est de demander des dérogations pour que, par exemple, le samedi soit travaillé et que la répartition horaire de la journée corresponde à un vrai projet de prise en charge cohérent des enfants.   Dans la mesure où ces organisations  seront solidement argumentées dans le cadre d’un projet vraiment concerté, il  sera difficile pour l’éducation nationale de refuser  une vraie dynamique qui fait évoluer l’école dans le bon sens.

    Ceci dit avec optimisme. 

    Reste qu’il faut savoir si les acteurs de terrain n’ont pas été découragés par le carcan du décret, la difficulté de se faire entendre par telle ou telle collectivité locale ou le peu de considération que le ministère fait de la fonction d’instituteur et de professeur d’école.

     

    Je le disais le 4 juin 2013 (http://quaiducitoyen.eklablog.fr/refondation-de-l-ecole-quel-avenir-1-a91532571)

    LA PRIORITE A L’ECOLE PRIMAIRE C’EST AUSSI  REVALORISER LA FONCTION D’ENSEIGNANT DU PREMIER DEGRE .

    Pour préciser mes propos , cela veut dire donner aux instituteurs et professeurs d’école la considération qu’ils sont en droit d’avoir et donc permettre de  donner à l’école primaire la vraie priorité de changement.

    Il ne suffit pas de clamer « vous devez être les acteurs de la refondation ». C’est un peu facile. Quand on veut avoir des exigences de résultats, il faut y mettre les vrais moyens.

    Pour apporter quelques précisions aux propos de mes autres écrits ,  je crois que  tout est à remettre à plat dans l’organisation de la prise en charge des élèves  et l’exercice du métier d’enseignants du premier degré.  Il faut le faire avec les personnels.

    Cela va bien au-delà des considérations salariales qui néanmoins font partie de la remise en place d’une école primaire qui ira de l’avant, ce qui dans la situation actuelle qu’on lui fait, n’est pas possible.

    Refondation de l’Ecole : quel  avenir ? (partie 3: l'ECOLE PRIMAIRE) Cela passe d’abord par une redéfinition du service des « maîtresses et maîtres d’école », de leurs horaires, de la considération qu’on doit avoir des tâches qu’ils ont à accomplir, qu’on soit enseignant, directeur d’école (et la plupart du temps  les deux à la fois), des moyens qu’on doit mettre à l’école primaire pour agir dans l’intérêt de l’enfant. 

    A cela il faut ajouter, bien entendu, l’élément indissociable à savoir la formation continue qu’on leur a progressivement suppriméIl faut espérer que celle-ci ne se limitera pas au dispositif  M@GISTÈRE* qui doit accompagner la formation continue des professeurs des écoles. Ce serait très insuffisant et réducteur de ce que doit être une vraie formation dont l'objectif doit être de renouveler les pratiques pédagogiques au service des élèves. En la matière, il y a beaucoup à faire...  

    Enfin, il faut , en toute justice, aligner le salaire et les horaires  avec ceux qui ont le même statut à savoir les professeurs du second degré.

    Je vais redire ce que j’affirmai dans un de mes écrits d’octobre 2012 en faisant un peu d’histoire… ce qui est parfois nécessaire  :

    « Il est plus que temps de redonner confiance à ce personnel  (les instituteurs et professeurs des écoles) qui accomplit le plus grand nombre d’heures de service de la catégorie des professeurs avec des charges de travail importantes. Il n’y a par exemple aucune justification à ce qu’ils fassent 27 heures  alors que leurs collègues profs de collège et de lycée en font 18 ou 20(Je rajoute : Ils n’ont, de plus, pas droit comme les professeurs du second degré à  1 200 euros annuels  qui est une prime d’indem­nité de suivi et d'orientation des élèves : rien   justifie cette différence de traitement). 

    Refondation de l’Ecole : quel  avenir ? (partie 3: l'ECOLE PRIMAIRE)En passant, je me permets de rappeler que cela fait des décennies que cela dure et on a toujours méprisé ce corps des enseignants du premier degré  et ceci de la part de tous les gouvernements.  On a même créé la fonction de professeurs d’école (en 1989)  sans prendre  en considération les compétences acquises durant de longues années de pratiques   des instituteurs pour ne pas faciliter la revalorisation de leur fonction si ce n’est au prix d’un concours interne indigne.  Michel ROCARD 1er ministre et   Lionel JOSPIN Ministre de l’Education nationale de l’époque  ont fait ce qu’il fallait pour diviser le personnel du premier degré pour faire de la « bonne gestion » et des économies sur le dos des personnels en place.  Certains syndicats d’enseignants du premier degré et du second degré  ont malheureusement  accepté  ce qu’on peut appeler une compromission faite sur le dos des instituteurs.

    Depuis, les divisions - y compris parmi les professeurs des écoles- n’ont pas cessé de se faire  en alternant de multiples solutions d’avancements ou de stagnation  de carrière au gré des années en se basant sur une  formation initiale mouvante dont on ne peut dire  qu’elle s’est vraiment améliorée au fil des ans.  

    On sait comment cela s’est terminé ces dernières années, en  faisant disparaître toute formation  et en ne se fondant, pour lancer les jeunes enseignants parmi les élèves, que sur les connaissances non adaptées d’un diplôme nommé « Master ».  « Master », en français « Maître » ce qui est un comble. On se demande "Master" de quoi : En tout cas, pas de la connaissance des enfants et de la pédagogie. Ceci dit sans vouloir dévaloriser cette génération d’enseignants qui ont dû affronter le métier sans les armes qu’on aurait dû leur donner. Ceci aussi pour des raisons d’économies... »

    Les organisations syndicales professionnelles d’enseignants doivent faire une priorité  de la revalorisation de la fonction de professeur des écoles.   

    Donnons donc aussi aux personnels du premier degré les moyens de la réussite en revalorisant leurs conditions de travail et d’abord  par le temps nécessaire pour travailler dans le cadre d’une  souplesse d’organisation adaptée et  une autonomie des équipes pédagogiques en fonction de projets locaux concertés en partenariat.  

    Il faut donc aussi  donner aux enseignants du premier degré  les moyens humains, la formation et  les temps de concertation nécessaires pour changer leurs pratiques de prise en charge des enfants durant le temps éducatif scolaire. C’est aussi cela la pédagogie en mouvement.

    S’il y a eu des innovations pédagogiques de qualité, c’est parce que des enseignants se sont mobilisés pour travailler en dehors de leur temps de présence avec les  élèves. Et ceux-là n’ont pas compté leur temps. Les exemples sont multiples et la richesse des innovations qui fonctionnent incontestable. Peut-être qu'il faudrait qu'enfin on leur réserve la place qu'elles méritent dans les formations.

    Avec son décret carcan sur les rythmes « scolaires », le ministre Vincent PEILLON a raté l’occasion de commencer à revaloriser la fonction en  améliorant les conditions de travail des personnels du premier degré : Il fallait commencer par leur donner plus de temps pour  mieux se concerter.

    Refondation de l’Ecole : quel  avenir ? (partie3)L’exigence qu’on doit avoir  des enseignants  de travailler en équipe au quotidien, d’améliorer la prise en charge pédagogique qui n’est plus  seulement de type « un maître/ une classe » est fondamentale.

    Les heures   libérées sur le temps de présence des élèves auraient pu être l'occasion et l' un des moyens  d’amorcer le changement  plutôt que de  consacrer durant deux heures à l’encadrement d’ « activités complémentaires » après la classe .  

    Avec un meilleur temps de concertation, une formation continue ajoutés à une véritable mise en place "des maîtres en surnombre", on peut escompter avancer: pédagogies différenciées, une meilleure organisation pédagogique permettant de prendre en charge les difficultés ponctuelles et immédiates des élèves  qui tienne compte du rythme d’apprentissage de chacun, temps de relation avec les parents etc...

    Je termine  par le directeur d’école dont il faut assurer  les moyens d’exercer son travail qui n’est pas des moindres : animation de l’équipe, relations avec les collectivités, les parents ... Rien dans la loi ne  reconsidère la situation des directeurs d’école ni d'ailleurs leur formation. Pourtant leurs charges de travail n’ont cessé d’augmenter et ce sont eux qui auront à coordonner, au niveau de l'école,  la mise en place de la nouvelle organisation hebdomadaire dits des « rythmes scolaires ».

    Je suis obligé de dire que le ministère ou le ministre devraient peut- être mieux s’informer sur le fonctionnement réel au quotidien des écoles et la charge de travail demandée actuellement aux enseignants du premier degré. Cela lui permettrait peut-être de considérer ces personnels d’une autre façon qu’actuellement.  

    Refondation de l’Ecole : quel  avenir ? (partie 3: l'ECOLE PRIMAIRE)

    (auteur, Christopher Smart, 1771, Domaine public)

    Ce n'est pas une prime qui fera la motivation mais la revalorisation morale et matérielle effective de leur fonction et la confiance en leurs savoir-faire qu'ils ont acquis pour certains depuis de longues années. 

     Il ne faut pas oublier que les textes – et j’en ai connu beaucoup –  ne sont rien  sans  les acteurs de terrain du système éducatif. 

    Si  la motivation, la confiance et les moyens sont là, le texte portera ses fruits.

    C’est tout ce que je souhaite.

    C’est par tout cela  que passe aussi  la refondation et si le ministre Vincent PEILLON veut avoir des exigences de mobilisation du personnel, des résultats et de la réussite, il faut en mettre les véritables moyens et prendre les justes décisions.

     De toute manière, comme le constate le dernier rapport de la cour des comptes, «  la France connaît un profond malaise enseignant et une inquiétante crise d’attractivité du métier». C’est un fait et il faut agir.

    On me rétorquera, il n’y a plus d’argent. Question de choix politiques.  Je me suis déjà exprimé sur le sujet.

    Il serait donc bon de ne pas se contenter de mesurettes ou cataplasmes comme les primes mais bien de revoir, avec justice, l’ensemble du fonctionnement du service de tous les  enseignants notamment en tenant compte des conditions d’exercices qui peuvent être très variables d’un point du territoire à l’autre.     !

    Il ne faut pas, à mon sens, trouver de nouvelles primes et en jouer. Il faut des salaires qui doivent être les mêmes à statut égal et travailler au niveau des conditions du service à accomplir pour aider les élèves en fonction des difficultés rencontrées dans l’établissement.

    Mais ce n’est qu’un point de vue.

    A suivre…  LA PLACE DES PARENTS A L'ECOLE

     

    Patrick PATTE

     

    * dispositif M@GISTÈRE : http://cache.media.education.gouv.fr/file/06_Juin/46/1/Magistere_255461.pdf

    (merci à Caroline DL pour m'avoir communiqué ce lien dans son commentaire de l'article précédent)

      

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