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Refondation de l‘Ecole: Quel avenir? (Partie 4 : et la CO-EDUCATION ?)
Après avoir donné mon sentiment sur ce qu’il fallait faire à l’école primaire pour qu’une vraie dynamique de changement anime la refondation (voir mon écrit précédent), je voulais poursuivre la critique constructive de la loi en abordant le thème de la coéducation. Et après avoir défendu la revalorisation du métier et des conditions de travail de l’instituteur (trice) et du professeur d’école et souhaité que l’on redonne à ces personnels la considération qu’ils sont en droit d’attendre de l’état, je veux aborder la place des parents dans la coéducation.
La loi affirme « La promotion de la « coéducation » est un des principaux leviers de la refondation de l’école. Elle doit trouver une expression claire dans le système éducatif et se concrétiser par une participation accrue des parents à l’action éducative dans l’intérêt de la réussite de tous les enfants. Il convient de reconnaître aux parents la place qui leur revient au sein de la communauté éducative. »
Très belle affirmation avec laquelle on ne peut être que d’accord. Mais la pratique de coéducation impliquant l’école et la famille est concrètement difficile à mettre en place si on en reste aux pratiques actuelles qui se doivent donc d'évoluer.
Je me souviens de la citation qui avait été le point de départ d’un échange que j’ai eu l’honneur d’animer sur le sujet lors du congrès 2011 de la FCPE Nord :
« La coéducation ne doit pas être une théorie de plus dont on parle mais qui ne se concrétise pas ou peu. »
Car tel est bien le constat que l’on peut faire actuellement.
De coéducation on a beaucoup parlé de tout temps. Le mérite de la loi est de la considérer et de vouloir qu’elle se développe.
Avant que de poursuivre, je me permets d’avancer une définition mais aussi quelques constats faits sur le terrain. Je reviendrai plus tard sur quelques pistes de réflexion émises par des parents pour qu’eux aussi soient considérés comme les acteurs de cette coéducation et pas des pièces « rapportées » qu’on accepte parce qu’on ne peut faire autrement.
EDUCATION, CO-EDUCATION
Je retiens pour ma part la définition suivante qui est celle de la FCPE*: « La coéducation, c’est le partage des responsabilités éducatives entre la famille et les autres éducateurs potentiels. Elle commence au moment où l’enfant est confié par ses parents à des tiers, crèche, assistante maternelle... Elle se poursuit jusqu’à celui où, lycéen, et même étudiant, il partage sa vie entre sa famille et d’autres espaces éducatifs. Pendant toute cette période, un principe s’impose, c’est le jeune qui est au centre du processus éducatif. Les parents sont les premiers acteurs de la coéducation. Toute la difficulté de la coéducation réside dans l’obligation constante de la recherche d’une entente et d’une complémentarité entre les différents éducateurs (parents, enseignants et intervenants) dans le respect de la spécificité et du rôle de chacun. »
Pour qui est sur le terrain, qu'on soit parent (élu ou non) ,enseignant ,animateur, élu local, on sait donc bien que l'oeuvre n'est pas facile.
UN APERCU DE LA SITUATION ACTUELLE ou QUELQUES CONSTATS
Les relations entre parents , enseignants ou autre intervenant éducatif se traduisent souvent par une forme de « coexistence pacifique" où chacun garde un peu ses distances: une sorte de pacte non exprimé ou discuté pour se cotoyer sans forcément alller très loin dans la communication. D'autres appellent cela une "paix armée". Pour qui se préoccupe de voir ce qui se passe sur le terrain, le constat des attitudes de ce qu'on pourrait appeler "défiance réciproque" par exemple entre les parents et les enseignants a été souvent fait. Les relations entre parents et enseignants peuvent parfois déboucher sur des conflits. (Ceci dit sans vouloir généraliser car il existe des endroits où le dialogue est plus approfondi avec des compréhensions qui facilitent les relations. )
C’est cette relation qu’il faut essayer d'améliorer pour avancer.
La place que prennent les parents à l'école publique n'est souvent que symbolique.
Il y a bien les représentants de parents d'élèves élus mais ils ont parfois des difficultés à se faire entendre ou à intervenir ou être associés aux décisions ou même à mobiliser les parents. Les raisons de cet état sont multiples.Et il ne s'agit pas ici de jeter la pierre à quiconque. Chacun y a ses responsabilités.
Cette place des parents dépend des enseignants, des équipes pédagogiques, des directeurs ou chefs d’établissement mais aussi de l'investissement des parents ce qui n'est pas toujours chose aisée à obtenir surtout si les conditions ne sont pas réunies pour qu'il y ait de vrais échanges. Mais même si les conditions sont là la chose n'est pas aisée. Des parents ont aussi la crainte de se déplacer physiquement dans les locaux de l’école.
Concrètement on peut constater la présence de représentants des parents au conseil de l'école ou au conseil d’administration, conseil de discipline… des réunions et des rencontres entre les parents et les enseignants. Il exite aussi les différents liens et différentes voies de communication possible entre les parents et les enseignants :omme le carnet de correspondance, les réunions, la possibilité de consulter certains éléments de situation de l'elève par le biais du site de l'établissement...
Mais les échanges sont souvent très formels.
Il me semble qu'il y a la nécessité de considérer toute action éducative - que ce soit celle des parents, des enseignants ou d’autres intervenants - comme indissociable des autres. La coéducation nécessite une clarification des rôles respectifs afin d'éviter les malentendus en répondant à la question : « Qu'est-ce que la coéducation implique pour chaque parent, équipe éducative de l’école, partenaires socio-éducatifs…? »
Quand on veut mettre en place un projet d’organisation hebdomadaire, il faut, à mon avis, essayer de répondre à cette question incontournable si on veut donner du sens au projet qui sera construit. Cela demande donc qu’aucun des partenaires ne soit laissé de côté. Quand on y arrive, il faut ensuite mobiliser les moyens d'arriver à des résultats positifs. Cela demande du temps, de l'énergie , du suivi ... Et puis il y a la vie qui court et les préoccupations diverses et variées de chacun dans la précipitation du quotidien... Ceci dit sans vouloir y trouver des excuses.
J’y reviendrai.
QUE VA APPORTER LA LOI SUR LA REFONDATION POUR FAVORISER LA CO-EDUCATION?
La nouvelle organisation du rythme de la semaine scolaire aurait dû être le premier acte concret de l’avancée vers la coéducation en élaborant des projets inter partenariaux cohérents, concertés prenant en compte justement la complémentarité des actions éducatives : celles de l’école, des parents et des intervenants du milieu socio-éducatif. En l'espèce, il y a donc eu une occasion manquée de bien démarrer. Le lieu par lequel il aurait fallu commencer à impulser la réflexion sur les projets était le conseil d’école car c’est cette structure qui peut rassembler les représentants de tous les partenaires éducatifs.
Le décret sur les « rythmes scolaires » a fait tout l’inverse car il n’a en aucun cas favorisé le partenariat, préférant laisser, de fait, la possiblité aux seules collectivités locales l’initiative de mettre en place des activités périscolaires ou des garderies. On a préfèré, dans certains endroits, privilégier le service aux parents plutôt que de réfléchir avec les parents, les équipes pédagogiques, les animateurs socio-culturels à des projets co-éducatifs véritables permettant des organisations et des actions réfléchies , concertées et coordonnées … Souvent, on n’ a pas bien saisi les objectifs de la refondation car on s‘est fixé sur l’organisationnel d’une semaine scolaire fixée par un décret qui est d’ailleurs paru, de manière incohérente, avant le débat sur la loi. Et puis, la priorité n' a pas été donnée à une vraie information sur les rythmes et leurs enjeux pour l'équilibre des enfants.
C’était mettre la charrue devant les bœufs.
( photo huile sur toile de Rudolf Koller (1828–1905), source The Yorck Project: 10.000 Meisterwerke der Malerei, sous licence GNU Free Documentation License, reproduction et image du domaine public)
Mais il est toujours temps de rectifier et puis près de 78 % des écoles ont encore devant elles une année pour construire. Il faut rester optimiste car nombre de collectivités, d'équipes pédagogiques ont déjà montré la voie ou veulent prendre le temps de construire de vrais projets. Mais pour cela il faudra la mobilisation de chacun notamment pour s'informer, informer et constuire.
Le texte de loi me fait, par ailleurs, me poser un certain nombre de questions auxquelles il faut des réponses si on ne veut pas que tout cela reste une fois de plus dans le domaine du slogan.
Avec la loi sur la refondation, où sont les nouveaux droits des parents et de leurs représentants, quel sont les moyens qui vont être mis en œuvre pour la promotion de la coéducation? On ne peut dire que le sujet a été vraiment traité de ce point de vue.
La loi reconnait, certes, qu'il est prévu, dans tous les établissements d’enseignement, un espace à l’usage des parents d’élèves et de leurs délégués". Il faut espérer que le décret d’application va donner obligation aux collectivités territoriales que cet espace soit créé dans les écoles, collèges et lycée là où ça n'existe pas déjà. Pour le moment la loi est vague sur ce sujet. Et puis même s'il y a des lieux, cela ne suffit pas.
Où est le statut des représentants des parents pour leur permettre d’exercer leur fonction de représentation : membre des conseils d’administration, conseil d’école, … ? On ne constate dans le texte de loi aucune avancée à ce niveau. On aurait promis que serait créée une mission sur la place des parents d'élèves et le statut de leurs délégués. Il faudrait peut-être accélérer les choses.
Malgré les propositions de modifier la loi, les députés et les sénateurs n’ont pas non plus voulu revenir sur le fait que les parents puissent en dernier ressort décider de l’orientation de leur enfant.
Enfin, dans les écoles primaires, il semble que l’on supprime le comité de parents.
La FCPE nationale, première organisation des parents, a émis des propositions mais en définitive n'a exprimé que peu de réserves sur le projet de refondation. Même si elle s’est félicitée de nombreuses avancées et d’intégration d’amendements au projet de loi, il y a des manques et des flous qu’il aurait fallu demander d’éclaircir. J’espère que la FCPE nationale sera plus offensive sur le sujet de la coéducation qu’elle ne l’a été jusqu’à présent. Mon impression est aussi que, comme le ministre dans son décret, la FCPE nationale n'a pas voulu contrarier les parents notamment quand il s'agissait de parler du samedi ou du mercredi travaillé. C’est un sujet hautement sensible. On le voit bien dans la rédaction du décret.
Il fallait mettre en exergue que l'objectif était de mettre en place des projets éducatifs construits en concertation avec tous les partenaires : équipes pédagogiques, parents, animateurs, collectivité locale. Il eut fallu mobiliser plus les parents et accentuer l’information nécessaire notamment sur les rythmes scolaires, le sommeil, les équilibres de vie nécessaires aux enfants. Cela aurait été profitable au débat.
POUR CONCLURE PROVISOIREMENT
La coéducation n’est pas évidente et c’est pour cela qu’il faut partout que ce soit un point central de la réflexion dans les écoles, collèges et lycées. Comment mettre la coéducation en place pour une vraie refondation qui réponde aux objectifs fixés par la loi ?
Le débat doit être dense et doit être lancé, animé notamment au sein des conseils d’école, conseil d’administration, des équipes pédagogiques, avec les parents, la collectivité locale, les animateurs. Il ne l’a pas été pour le moment.
Le projet global co-éducatif, comme l’organisation hebdomadaire qui doit en faire partie, doit reléguer au second plan les intérêts des adultes pour placer au premier plan ceux de l’enfant. Ce n'est pas hélas ce qui est constaté dans nombre d'endroits touchés par une mise en place à la prochaine rentrée scolaire.
Attention, il ne faut pas être que théorique et seulement rester sur le plan des idées. La réalité des situations montre que ce n’est pas si simple et qu’il convient de voir de quelles manières on peut amoindrir les conflits qui existent entre les adultes qui ont en charge chacun pour ce qui les concerne l’éducation de l’enfant. Comment évacuer l'égoïsme des adultes? Peut-être que le bon sens peut y aider.
Et il faut surtout ne pas oublier que la coeducation c'est l'affaire de tousles parents, y compris ceux qui n'osent pas, pour diverses raisons, franchir le seuil de l'école.
A suivre … car sur le sujet il y a encore beaucoup à échanger pour tenir compte de la réalité du terrain et avancer. Cette réalité est multiple et complexe et trouver des solutions positives n’est pas si simple. Au-delà des moyens , cela demande du temps et de la confiance réciproque entre les partenaires.
Tags : refondation école, parents, coeducation, rythmes scolaires