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REFONDATION de l’ECOLE: les vacances d’été.
La FCPE (Fédération des Conseils de Parents d’Elèves) réactive le débat sur les vacances d’été et l'organisation de l'année scolaire.
On peut lire son avis sur son site http://www.fcpe.asso.fr/index.php/actualites/item/828-il-faut-raccourcir-les-vacances-dete-dune-a-deux-semaines-.
Cette relance en direction du ministre de l'éducaion nationale appelle de ma part plusieurs réflexions.
Quand la FCPE affirme qu’il faut « lancer une véritable réflexion sur l'organisation de l'année des élèves » « qui nécessite l'association de tous les acteurs » on ne peut être que d’accord.
Quand elle dit « Ce débat…doit avoir lieu avant la publication des prochains calendriers scolaires annuels » et que « Seul un allongement de l'année permettrait de mieux étaler les heures de classe. Pour cela, il faut raccourcir les vacances d'été d'une à deux semaines. », cela me laisse très perplexe et circonspect.
Je m'explique.
(auteur Chris DHDR,GNU Free Documentation License version 1.2 et ultérieure)
VEUT-ON REFAIRE LE "COUP" DU DECRET SUR LES RYTHMES SCOLAIRES : PRECIPITATION ET CLIENTELISME ?
Il ne faudrait pas, une fois encore, comme pour la mise en place d’une nouvelle organisation de la semaine scolaire, faire une mise en place « à la va vite » d’une organisation de l'année scolaire qui ne reposera une fois de plus que sur les « sentiments » des uns et des autres sur les vacances d'été, sur des sondages qui ne sont basés que sur des « appréciations » pour ou contre et une fausse argumentation simpliste qui ne prend en compte que les bases habituelles et éculées du calcul du nombre annuel d’heures de cours que doivent effectuer les élèves.
La FCPE rappelle, avec raison, qu'il faut que la réflexion ne soit pas partielle et prenne en compte l'âge des élèves,les "fins d'années officieuses des collégiens ", le pont de l'ascension...« Pour leur réussite scolaire, leur bien-être, il est grand temps de modifier les rythmes de travail de plus de 12 millions d'élèves ! ».
Mais, sans une réflexion plus approfondie, ce ne sont que des mots. « Modifier les rythmes de travail » des élèves c’est d’abord modifier la qualité du rythme de travail des élèves : la précipitation avec laquelle on a voulu mettre en place le décret sur les rythmles scolaires qui a été approuvé par la FCPE nationale laisse perplexe. Il eut fallu plutôt que la FCPE défende une véritable refonte des rythmes hebdomadaires que le décret ne favorise pas du fait de son contenu opportuniste.
(image Emile Bernard - 1868/1941 - domaine public)
La FCPE n’a maheureusement pas fermement contesté les termes de ce décret qui privilégie le mercredi travaillé ce qui n’est pas en cohérence avec les résultats de travaux scientifiques incontournables. Le choix du mercredi matin « travaillé » n’est pas le bon. Il eut été meilleur de choisir le samedi ce qui évite la « désynchronisation » du week-end de deux jours qui dérégule vraiment l’horloge du rythme veille-sommeil des enfants. Cette dérégulation ne se rencontre pas le mercredi puisque les enfants, en général, ont à peu près le même rythme veille- sommeil que les autres jours de la semaine. Pourquoi donc privilégier le mercredi ? Parce que le gouvernement veut faire plaisir à l’électeur parent qui, selon les sondages, préfère le mercredi travaillé et que le samedi soit libéré ? La FCPE a-t-elle le même raisonnement ?
Il eut fallu demander une vraie information sur le sujet plutôt que s’appuyer sur les sondages préférentiels des parents non informés. Cette information a été plus qu'incomplète et le problème du sommeil par exemple n' a pas été approfondi.
Il aurait aussi été normal, de la part de la FCPE nationale, d’avoir des exigences quant à la concertation et la construction de vrais projets d’organisation sur le terrain : dans nombre d’écoles , les conseils d’école (et donc les parents et les enseignants) se sont retrouvés devant le fait accompli d’organisations hebdomadaires décidées par les collectivités locales et qui n’ont pas pu être discutées et qu’ils doivent subir ,approuvées qu’elles le sont par certains DASEN*. Il y a eu, certes ,souvent, information des parents et des enseignants sur des organisations décidées par les collectivités locales, mais souvent aussi aucun vrai travail de fond sur les projets entre les partenaires de l’école.
Ce qui suit, je l’ai déjà dit mais la répétition me semble plus que jamais nécessaire. Quand j’ai entendu la FCPE exiger que les communes mettent en place les activités extra scolaires dès la rentrée prochaine, je n’ai pu m’empêcher de dire que c’est la porte ouverte à la précipitation, aux conflits des équipes pédagogiques avec les collectivités locales et que ce serait prendre le risque de plaquer des dispositifs sans réflexion collective. C'est ce qu'on constate ici et là. Les conditions d’un accueil périscolaire de qualité ne se mettent pas en place " à la va vite" si on veut qu’elles soient de véritables activités éducatives complémentaires. Veut-on tout résumer à une «garderie», comme c'est déjà souvent le cas, lors d'une plage horaire qui suivra la fin de la classe ?
Si l'ambition est de faire vivre de "«vrais» temps sportifs, culturels et pédagogiques" il faudra recruter des personnels compétents pour mettre en œuvre des objectifs élaborés par tous les partenaires éducatifs et qui s’articuleront avec tous les autres objectifs des temps de la journée et de la semaine de l’enfant et du jeune. Les tentatives du gouvernement pour faire baisser le taux d’encadrement des animateurs des activités périscolaires ne plaide pas en la faveur d’une amélioration de la qualité (un animateur pour 14 enfants âgés de moins de six ans (contre 10 actuellement) et un animateur pour 18 enfants âgés de six ans et plus (au lieu de 14 actuellement).
C’est donc une exigence de qualité des projets d’organisation partenariaux qu’il faut avoir. Je rappelle que la nouvelle organisation amène une manne financière non négligeable aux collectivités locales. Cette manne servira-t-elle vraiment une modification profonde des rythmes pour le bien des élèves ? On peut, dans certains endroits, en douter quand on voit certaines organisations proposées. Pas sûr que la fatigue globale journalière de l’enfant ait été une vraie préoccupation des adultes. Ne devrait-on pas conditionner l’aide à la réalité d’un vrai projet concerté et construit avec l’ensemble des partenaires éducatifs ?
Ce n’est pas ce qui est fait.
J’ajoute que même si on arrive à proposer la diminution du nombre d’heures de cours dans la journée (mais c’est souvent de l’ordre ridicule de la demi-heure), on ne va pas assez loin dans la différenciation de l’attention et la capacité d’apprendre des élèves selon leur âge et les moments de la journée comme si tout un pan des études sur les rythmes de vie de l’enfant et des jeunes était oublié. Il est vrai que cela est complexe mais c’est incontournable.
Les exemples de dérives nées de la superficialité des projets seront très faciles à citer si nécessaire.
VACANCES SCOLAIRES : A REVOIR SANS PRECIPITATION ET SUR DES BASES NOUVELLES
C’est vrai qu’il faut revoir l’organisation de l’année scolaire et donc aborder le sujet des vacances scolaires. Mais une fois encore, il faut cesser d’aller dans le sens du simplisme qui n’appelle pas à une vraie réflexion sur le sujet et ne pas mettre la charrue une fois encore avant les bœufs pour aller vite…et dans le mur d’un faux changement.
(symbole information, auteur Amada 44, domaine public)
Les préoccupations des vacances doivent venir après l’essentiel : les contenus de l’instruction, la pédagogie. Tout cela n’est pas encore abouti ni même commencé. D’autant que cela concerne tous les degrés d’enseignement. On ne peut se contenter de vagues approximations basées sur les avis subjectifs des parents, des enseignants ou des professionnels du tourisme. Le conseil supérieur des programmes vient juste d’être créé. Encore faut-il qu’il travaille avec efficacité (voir mon article du 5 juin 2013) et qu’on lui laisse le temps de le faire.
On doit partir de l’optique que ce n’est pas la quantité et donc notre nombre d’heures de travail annuel qui est le plus important. C’est prouvé quand on voit les meilleurs résultats obtenus dans d’autres pays comme par exemple la Finlande (608 heures annuelles pour les 7 à 8 ans, 640 pour les 9 à 11 ans), le Japon (709 heures et 770, l’Allemagne (635 et 790). En France c’est 840 pour les 7 à 8 ans et 902 pour les 9 à 11 ans. « Dans le primaire entre 2001 et 2006, la France est passée du 18e au 27e rang, avec 32% des écoliers français jugés faibles ou très faibles pour une moyenne européenne de 25%. »(OCDE 2010)
Il faut donc avant toute chose considérer la qualité de ce qui sera fait durant ces heures, avec la cohérence et le contenu nécessaire des programmes.
Je l’ai déjà dit dans un de mes écrits précédents : (http://quaiducitoyen.eklablog.fr/refondation-de-l-ecole-quel-avenir-2-a91985793 )
« En plus d’être clairs, ces programmes doivent être débarrassés des redondances et des inutilités et donc enfin - ce qui est réclamé depuis longtemps par les enseignants- faisables dans un nombre d’heures annuelles à déterminer.
Il faut le faire en articulant bien maternelle, élémentaire, collège et lycée (et prévoir le passage et la préparation par exemple vers l’université).
Cela doit permettre aux enseignants de ne pas faire" la course pour finir le programme" et laisser sur le chemin celles et ceux des élèves « qui ne suivent pas ».
C’est aussi très étroitement lié à la pédagogie et aux moyens de mise en œuvre de la prise en charge des élèves en difficulté."
Demander un allongement de l’année scolaire ou un raccourcissement des vacances n’ a donc aucun sens tant que le nombre d’heures annuelles de cours n’aura pas été établi en fonction de ce que les élèves doivent apprendre dans le cadre d’une organisation hebdomadaire des rythmes qui respecte l’équilibre de l ‘enfant et du jeune. On n’en est pas encore à ce niveau d’autant que le collège et le lycée doivent aussi être traités en remettant en cause , je l’espère, les conceptions souvent vieillottes des organisations, emplois du temps et pédagogies dans le second degré.
Les vacances sont des ruptures de rythme. Il est prouvé qu’une semaine de vacances c’est insuffisant car les rythmes commencent à se stabiliser après une semaine. Deux semaines sont donc plus favorables pour tirer un bénéfice des vacances. Il est dit aussi que la période de travail ne doit pas excéder sept semaines. Mais ce n'est pas si simple et il faut tout considérer y compris les mois ou périodes de moindres ou de bonnes capacités biologiques et les ruptures de rythme importantes causées par les jours fériés à certaine période comme par exemple le mois de mai. Et bien d'autres choses encore sont à soulever.
(Un cadran solaire à Saint Rémy de Provence, en France, photo personnelle 2022, domaine public)
Si tout cela n'est pas examiné sérieusement et en faisant l'objet d'une vraie information publique, demander la mise en place d’un nouveau calendrier scolaire relève de la même précipitation que celle qui a présidé à la mise en place du décret sur les « rythmes scolaires ». Cela n'est ni cohérent ni sérieux et n'aidera pas les enfants et les jeunes.
Refonder l’école ce n’est pas regarder par le petit bout de la lorgnette, ici en l’occurrence les vacances d’été, mais traiter le problème en étudiant tous les tenants et aboutissants d’une vraie refondation dans le cadre d’une certaine cohérence : pédagogies, programmes, rythmes pour déterminer ce qui serait le mieux pour les élèves.
La refondation de l’école ne doit pas être « ratée » et bâclée pour cause d’impatience voire de lobbyings, de clientélisme ou d'électoralisme. Pour une fois, travaillons sérieusement.
Patrick PATTE
Tags : refondation de l' Ecole, FCPE, Vacances scolaires, rythmes scolaires, programmes scolaires