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PROPOS VACHES MAIS VRAIS
Dans la continuité de la prise de conscience de la maltraitance des animaux, cette fois-ci « payante » pour ceux qui les maltraitent, il convenait de poursuivre par un autre "coup de gueule" quant aux dérives de la production intensive en matière agricole avec la mise en place de la "Ferme des 1000 vaches" véritable usine de production de lait .
La FNSEA, organisation syndicale d’agriculteurs, si elle ne met pas en avant ce modèle d’exploitation affirme néanmoins qu’elle défend « la liberté d’entreprendre » tout en regrettant que ce soit un patron du BTP (Bâtiment et travaux Publics) qui lance ce projet.
La confédération paysanne s‘est opposé avec force au projet en dénonçant l’industrialisation de la production de lait.Beaucoup de riverains de la « ferme » usine se sont rassemblés au sein d’une association nommée « Novissen » pour exprimer leurs craintes des conséquences sur l’environnement.
Cette "ferme usine" est une première en France. Les fermes françaises sont composées en moyenne d'une cinquantaine de vaches. Ça n'est plus la même échelle et on est en droit de penser que tout le paysage de la production laitière pourrait changer si cette industrialisation prenait son essor. Elle est à mon sens inadaptée à nos régions de production et casserait le côté familial des exploitations qui convient pourtant très bien à nos contrées agricoles tant du point de vue de l'environnement et des paysages qu'elle préserve, que du point de vue de la qualité du lait et des produits laitiers dérivés et notamment les fromages.
(Vaches charolaises en France, auteur Kevin Girard, travail personnel, 09/05/2010, Domaine public)
LA FERME DES 1 000 VACHES
Je ne suis pas un naïf, il faut du lait et il faut produire pour se nourrir. Mais quand je vois, comme d’autres qui s’insurgent, la manière dont on veut mettre en place un nouveau dispositif de production de lait une fois encore de manière intensive, je suis en droit de me poser certaines questions et d’être en désaccord avec ce nouveau système qui a beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages sauf peut-être pour ceux qui en tireront une manne financière. Ce qui n’est pas sûr d’ailleurs. En effet, les investissements sont lourds et engageront les exploitants pour de nombreuses années, exploitants qui seront tributaires de l’agro alimentaire pour nourrir les animaux. Quant aux finances dégagées de l’achat par EDF de l’électricité très subventionnée produite par la méthanisation, cela durera-t-il ?
A ce que j’ai pu en percevoir de cette industrialisation de la production du lait, c’est mettre des vaches ensemble dans un même lieu couvert (500 autorisées maintenant, 1000 plus tard) pour les nourrir puis les traire 3 fois par jour et produire donc un maximum de « lait ».
Je suis allé à l’information auprès de sources sérieuses qui montrent qu’il y a « lait de vaches » et «lait de vaches».
Si on en reste aux fondamentaux, la vache est un ruminant qui doit se nourrir majoritairement d'herbe pour la production de lait. C’est pourquoi le bon sens a tout simplement promu la pratique de donner l'occasion à ces animaux de sortir dans les pâturages aussi souvent que possible et l’été bien sûr tous les jours. C'est ce qui se passe dans nos différentes régions de production au sein des fermes familiales.
Pendant l’hiver, mais aussi en été dans les régions où la sécheresse est fréquente, les pâturages sont remplacés par les fourrages récoltés et conservés pour cet usage, notamment le foin qui est de "l’herbe fauchée et séchée au soleil puis récoltée et rentrée au sec", selon un savoir-faire précis des éleveurs. Il existe aussi les fourrages broyés et stockés dans un silo où ils se conservent en maintenant les qualités nutritionnelles et d’autres possibilités de nourritures par transformation de produits naturels. Ce sont les ensilages.
Disposer pour chaque vache d’un grand espace pour qu’elle puisse se nourrir de manière équilibrée et s’ébattre est fondamental. Une exploitation digne de ce nom fournit 80% des aliments à son bétail. De leur côté, les bêtes nourrissent le sol par le lisier, le fumier ce qui permet aux prairies de disposer de ce qu’il faut pour renouveler leurs potentiels de production herbeuse. On appelle cela un équilibre propice à préserver les territoires...et les paysages.
Avec l’industrialisation, ces saines pratiques disparaitront et on fait courir le risque de rompre les équilibres et de laisser en jachère des hectares de terres qui avec l’élevage traditionnel conserve son utilité et ses qualités.Pâturages dans la vallée de la Tardes, Crocq, Creuse, France, auteur Croquant -travail personnel, CC BY 3.0
DU LAIT ou DU LAIT ? LEQUEL ?
Les chercheurs de l’INRA ( l'Institut national de la recherche agronomique) ont étudié les conséquences de l’alimentation des vaches sur la qualité de la matière grasse du lait. Je n’entre pas dans les détails qu’on trouvera aisément sur le site de cet organisme. Il semble que l’herbe verte, qu’elle soit d’été ou d’automne, est la meilleure pour la production d’un lait qui réponde à l’ensemble équilibré des critères nutritionnels.
Quelle qualité donc accorder à ce lait fabriqué par des animaux qui ne mangeront plus aucune herbe mais des produits venant notamment de l’importation comme le soja ?
N’y aura-t-il pas plus d’ antibiotiques injectés aux animaux pour éviter les épidémies dues à une forte concentration d’animaux au mètre carré et qui se retrouveront dans le lait avec routes conséquences que l’on connaît notamment l’aggravation de la résistance des bactéries? C’est bien la peine de faire des campagnes pour l’utilisation raisonnable des antibiotiques en prescription: « Les antibiotiques, c'est pas automatique ».
La question se pose donc de savoir de quelle manière est produit le lait que nous achetons et avec quel lait sont produits les fromages et les multiples produits lactés qu’on offre à la consommation..
Le choix nous sera-t-il vraiment laissé de le savoir avec un étiquetage approprié et qui permette la traçabilité?
L’USINE DES MILLE VACHES : UNE ABERRATION SOCIO-ECONOMIQUE
1000 vaches ça représente en réalité 1 750 bovins qui vivront dans et autour de cette « ferme » car il faut aussi assurer le roulement de remplacement des vaches qui seront vite épuisées et qui seront ensuite destinées à être abattues pour faire de la viande. On appréciera là aussi la qualité de ce que sera cette viande de pauvres bêtes n’ayant jamais connu plus que 10 M2 pour s’ébattre et nourries exclusivement de farines et autres produits agro alimentaires et soja importé, bien sûr, dont on sait bien qu’ils sont loin d’être exempts de pesticides et qui sont en majorité des OGM.
(Original uploader was SlimVirgin at en.Wikipedia, autorisation PD-USGOV, domaine public)
Les inconvénients sont donc nombreux : Je ne fais que reprendre ici les remarques que j’estime justifiées de ceux qui s’opposent à cette industrialisation:
- baisse de rachat du prix du lait aux petits exploitants par le jeu de la concurrence d’où disparition de petits exploitations et donc affaiblissement de l’économie des villages, suppressions d’emplois
- disparitions de pâturages au profit de l’épandage des « scories » de la méthanisation sur de très grandes surfaces. Certes, la méthanisation permet de générer de l’électricité rachetée (fort cher d’ailleurs) par EDF et permet donc, entre autres, de financer la baisse du prix du lait et de faire là aussi des profits qui n’ont rien à voir avec une exploitation laitière traditionnelle dont le travail doit être rémunéré par la vente du lait. Le système de méthanisation choisi ne me semble pas le bon : il n’est pas admissible que l’on "gèle" plus de 2700 hectares pour épandre les résidus de la méthanisation. Tout cela nécessitera aussi, comme le font remarquer nombre de riverains ,un transport intensif générateur de pollution tant au niveau bruit qu’au niveau circulation des moyens de transports : bonjour le bilan carbone !
- les risques de pollution de tels épandages (résidus d'azote) pour le sol et l’environnement et notamment les nappes phréatiques.
Je pense que la ferme des 1000 vaches est le modèle même d’une aberration économique et sociale destructrice d’un savoir faire de nos traditions rurales d’élevage et de production laitière qui font la qualité de notre terroir.
ET LES VACHES DANS TOUT CELA ?
Après toutes ces considérations économiques, financières, environnementales et gastronomiques, j’en viens au problème important pour l’animal : ses conditions de vie.
(Vache au pré 01, auteur Vassil — Travail personnel, Domaine public)
Ces bêtes qui ne verront jamais un brin d’herbe seront considérées comme des « machines à lait », un sous-produit industriel... au service de la rentabilité. Les responsables de la mise en place de tel projet ont beau affirmer que les conditions respectent l’animal, ce ne sont que des mots et des normes qui, à l’image de celles des cages aménagés des poules pondeuses, ne sont qu’hypocrisie de technocrates. Quand on a un peu de bon sens, on peut se rendre compte que ces animaux ne seront pas bien traités et que leur vie sera écoeurante de monotonie et de tristesse infinie.
Dans le numéro du 2 décembre 2010 du « Courrier International », groupe "le Monde" j’ai d'ailleurs lu un article très édifiant intitulé « Triste comme une vache à lait dans une usine laitière » et qui est le fruit d’un reportage sur une « mégaferme » en Californie. (http://www.courrierinternational.com/article/2010/12/02/triste-comme-une-vache-dans-une-usine-laitiere )
Parmi les informations que j’y ai trouvées je relève simplement les conditions de vie des vaches : mamelles enflées, gavées d’hormones de croissance et d’antibiotiques, titubantes, traite à la chaîne, épuisement, ..... En bref, comme le laisse entendre le titre de l’article, une vie de « tristesse » et raccourcie sans aucun des plaisirs que peut et doit avoir une vache qui fait son travail dans une ferme ordinaire : se reposer tout en ruminant l’herbe l’été, se dégourdir les pattes, produire du lait de manière normale et non forcée....
POUR CONCLURE : DE LA RESPONSABILITE DU GOUVERNEMENT
Pour conclure ....provisoirement, il est navrant de constater que dans un pays de tradition agricole et culinaire comme la France et à une époque où il serait plus opportun de parier sur la qualité, et non sur la quantité, nous avons un ministre de l’agriculture qui autorise la mise en place d’une exploitation « usine » comme celle des 1000 vaches.
Il ne suffit pas de clamer : « la France est un grand pays ». Le gouvernement ferait bien de permettre que sa grandeur soit conservée et dans ce cas précis faire que soient respectés l’animal « vache » et les petits exploitants qui essayent de produire de la qualité. Il faut pour cela préserver la richesse des pratiques de notre patrimoine rural plutôt que de se calquer sur le modèle des « fermes-usines à lait » défendu depuis 2009 par la commission européenne.
Il faut dire que le processus de mise en place de telle structure s’est accéléré avec l’annonce pour 2015 de la disparition des quotas laitiers qui stabilisaient la production. Ce ne sera donc plus le cas et on passera du côté de la loi des marchés non régulés, la concurrence des prix qu’il faut baisser pour vendre tout en faisant des profits exagérés et tant pis pour ceux qui ne seront pas compétitifs à savoir les petites structures qu’on va continuer de faire disparaître pour réduire le choix du consommateur à boire du lait d’une vache qui n’aura jamais vu les prés ni mangé un brin d’herbe.
Cette suppression des quotas laitiers pour 2015 a été acceptée à Bruxelles par le gouvernement français. Ce sont bien les prémisses de la mise en place de la destruction des petites unités de production laitières au profit de ces usines dans le cadre d’une restructuration de la filière laitière.
Un peu d’histoire : En 1984, la France comptait 385 000 exploitations laitières. On est passé à 90 000 en 2009 et il en reste actuellement 60 000. Les estimations les plus optimistes en prévoient 30 000 en 2025. Cela montre bien que nos gouvernants qu'ils soient français ou européens comptent sciemment sur le départ des petits producteurs découragés par les prix d'une concurrence avec des "fermes usines". On donne déjà des primes de cessation d’activité. Il sera donc difficile de trouver du lait et des produits laitiers et des fromages de qualité pour tous.
Pourtant, l’Europe avec l’accord de ses états, une fois encore, s’égare : Les « usines à lait » mises en place au Danemark (La commissaire européenne qui a lancé l’idée de l’abandon des quotas laitiers était danoise) semblent avoir des difficultés avec des agriculteurs très fortement endettés et des épidémies nombreuses parmi les vaches des « usines ». La situation est telle que l’on reviendrait en arrière pour des pratiques plus traditionnelles et par exemple la sortie des vaches vers les pâturages à la belle saison ...
Ce sont autant de raisons pour ne pas mettre le petit doigt dans l’engrenage idiot d’une industrialisation de la production laitière comme on l’a autorisé avec la ferme des mille vaches et que le gouvernement, s'il est responsable de notre avenir, doit absolument arrêter sauf à laisser la porte ouverte à une gangrène qu'ils sera difficile ensuite de combattre.
Nous ne devons pas importer ce modèle technocratique destructeur sur notre territoire.
Il est du rôle de l'Etat et de son gouvernement de protéger les "savoirs faire" de nos exploitants agricoles et de ne pas être complices d'une destruction de la qualité de nos produits fermiers et de la maltraitance accrue des animaux qui assurent notre alimentation et que nous devons respecter.
« LES BARBARES* ETAIENT DANS LA RUE A NANTES...A QUAND LA FERMETURE DU CHAUFFAGE AU MINISTERE DU LOGEMENT ? »
Tags : ferme des mille vaches, ferme usine, maltraitance des animaux, environnement, industrialisation production de lait, méthanisation