• LES GRIGNOTAGES DE LA LOI DE 1905 ET LA LAÏCITE - 3/6

    LES GRIGNOTAGES DE LA LOI DE 1905 ET LA LAÏCITE - 3/6Chacun, un peu curieux pourra trouver sur le net et dans les livres d’histoire sérieux, le déroulé chronologique des compromissions ou contournements faits par nos législateurs et gouvernants pour aider les écoles confessionnelles à reprendre du poil de la bête y compris en allant plus loin que la loi DEBRE de 1959.

    Problème de point vue dira-t-on. En tout cas c'est l'opinion que je me suis faite en faisant mes recherches et je suis en droit de me poser la question de savoir si tout cela est bien conforme aux principes initiaux de la loi de 1905 qui est en quelque sorte grignotée et affaiblit considérablement la laïcité.

    Pour mémoire on peut , entre autres, citer la loi Guy Guermeur de 1959 qui étend le financement de l'enseignement privé à toutes les dépenses matérielles d’enseignement sous certaines conditions. Les classes élémentaires privées purent ainsi recevoir un financement des communes à condition de répondre à un besoin que l’école publique ne pouvait pas satisfaire en matière d’accueil des enfants de la commune.

     ( Domaine Public, Loi de séparation des Églises et de l'État. Page 1 - Archives Nationales - AE-II-2991.jpg                                                                                        image  modifiée distorsion P. Patte 01/03/2015)

    Le grignotage s’est poursuivi par l’aide à l’investissement : Des institutions scolaires privées obtiennent que leurs emprunts pour des restructurations ou des agrandissements soient cautionnés par des collectivités territoriales, alors que les dépenses d’investissement des établissements privés n’ouvrent légalement droit à aucune caution sur fonds publics. Un assouplissement de la loi a été obtenu qui permet le cautionnement avec des plafonds. Même si loi interdit encore toute subvention publique à tout investissement scolaire privé, on voit bien que tout cela n’est que façade et que tout est fait pour donner plus de moyens y compris de manière indirecte aux écoles confessionnelles.

    Avant que de revenir à la situation actuelle, je me permettrais de faire un petit retour particulier en arrière qu’on peut mettre en correspondance avec le présent notamment à propos du manque de courage ou de conviction de la gauche pour enrayer cette montée en puissance de l’école catholique favorisée par les législateurs et les gouvernements qu’ils ont soutenus. Et sous la législature actuelle le gouvernement et ceux qui le soutiennent laissent amplifier la voilure de l’église catholique qu’il considère comme un interlocuteur dans le domaine de l’enseignement.

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    (Robert Fabre, Georges Marchais et François Mitterrand sur la tombe de l'Union de la gauche, caricature de Maurice Tournade en 1980.  téléversé par Frederic Tournade, création 3.02/2015, CC BY-SA 4.0)

    LA GAUCHE AU POUVOIR EN 1981 A TRAHI SES ENGAGEMENTS PAR LACHETE ELECTORALISTE

    A un moment de l’histoire, en 1981 on aurait pu croire que le « Programme commun de gouvernement » des partis de gauche (PS, PCF, MRG) concernant l’éducation allait être appliqué : « Un grand service public, national et laïque. La nationalisation : tous les secteurs de l’enseignement initial et une part importante de l’éducation permanente seront réunis dans un seul service public, laïque, dépendant du ministère de l'Éducation nationale. (...) Les établissements privés — qu’ils soient patronaux, à but lucratif ou confessionnel percevant des fonds publics seront en règle générale nationalisés ».  

    Mais le gouvernement de gauche, bien qu’ayant la majorité absolue au Parlement n’eut pas le courage d’appliquer son Programme commun de gouvernement de 1977 qui devait donc abroger les dispositions anti laïques des lois Marie, Barangé, Debré et Guermeur. 

    La gauche a raté là l’occasion de mettre en place un grand service public de l’éducation nationale ce qui aurait évité toutes les dérives futures et actuelles et remis chaque élève à égalité devant l’éducation en appliquant à plein une laïcité qui avait été dévoyée par les gouvernements précédents. En ne le faisant pas elle s’en rendue solidaire de tout ce qui avait été fait avant et par là même a continué de trahir l’esprit de la loi de 1905 et la laïcité qui a continué ensuite à être grignotée et mise à mal au fil des décennies jusqu’à aujourd’hui.

    La pression des mouvements catholiques et juifs n’ont pas été étranger à ce recul historique d’une gauche qui n’a pas eu le courage politique de prendre ses responsabilités pour le bien commun et a préféré cédé à l’électoralisme.

    Et depuis lors cela n’ a pas cessé, les gouvernements qui se sont succédés ont permis d’avancer vers la « parité » de l’enseignement privé avec l’enseignement public ce qui ne semble pas constitutionnel.

    Le gouvernement actuel et sa majorité continuent l’œuvre destructrice quoi qu’ils puissent déclamer sur la défense de l’école publique et la laïcité. J'y reviendrai...

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    ( Laiton la fonte « Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire » auteur, Tumi-1983 - Travail- domaine public)

    LES CONTOURNEMENTS DE LA LOI DE 1905...POUR FAVORISER L’ECOLE CATHOLIQUE SOUS LA LEGISLATURE SARKOZY

    Quelques faits sont significatifs. 

    Après avoir conquis la généralisation des contrats d’association même dans les communes où il restait des places à l’école publique, il restait à taxer les communes extérieures (celles qui ne sont pas le siège des écoles privées). Ce qui a été fait avec la loi CARLE** qui oblige les communes à participer au financement de la scolarité des enfants résidants sur leur territoire, mais scolarisés dans une école privée d’une autre commune

    Et puis on peut encore citer :

    En 2005 : Les Associations Familiales catholiques sont reconnues d’utilité publique. 

    En mars 2008 :  « La fondation pour l’école » chargée de réunir des fonds pour l’enseignement catholique privé est reconnue d’utilité publique. Elle va pouvoir bénéficier d’un régime fiscal dérogatoire (jusqu’à 75 % de déductions fiscales) et ainsi des sommes importantes seront financées par le budget de l’ état dont nos impôts pour alimenter les caisses des écoles privées.

    En avril 2009 : Bernard KOUCHNER, ministre des affaires étrangères, organise la signature, entre la République Française et le Saint-Siège, de la reconnaissance mutuelle des grades et des diplômes .

    En 2010, une deuxième fondation catholique est créée : LA FONDATION SAINT-MATHIEU .Cet exemple à propos de la fiscalité montre la continuité des détours pris pour favoriser le confessionnel au détriment des deniers publics et donc de la laïcité. 

    Une loi sur le mécénat de 1987 avait déjà mis fin à la laïcité fiscale. Celle-ci prévoit de déduire de ses impôts les dons faits aux cultes. C’est donc un contournement de la loi de 1905.

    Dans cette droite ligne de contournement, voici un exemple flagrant de l’action du puissant lobby catholique qui agit avec la connivence de ceux qui sont chargés de faire les lois et de les appliquer : La fondation St Mathieu pour le financement des écoles privés sous contrat d’association a été créée et reconnue d’utilité publique par décret du 16 février 2010. Un comble qui a son importance ! Cela permet aux donateurs de bénéficier d’une déduction fiscale de plus de 60 % lorsqu’ils apportent ainsi un don (Ça peut aller jusque que 75% pour les assujettis à l’ISF et jusque 50 000 euros de dons). "À partir des dons libres d’affectation qu’elle reçoit, la Fondation Saint Matthieu crée des aides remboursables qui sont attribuées aux établissements porteurs de projets, notamment immobiliers." (site de la fondation Saint Matthieu).

    Ces déductions sont un financement public déguisé pour l’école privée... puisque c’est bien l’état et donc le contribuable qui paye cette déduction.  Et tout cela en toute légalité. 

    (De la même manière d’ailleurs pour les officines de cours privés qui permettent au contribuable d’avoir une déduction fiscale sur les montant des cours privés payés pour un enfant et donc de l’argent public qui finance des cours privés)

    Et tout cela va se poursuivre sous la législature suivante...

    On y vient...au prochain épisode. 

     

    ** Loi Carle : Les députés ont entériné le 28 septembre 2009 un texte modifiant le financement des écoles privées: les municipalités seront désormais tenues de financer des écoles privées d’autres communes, si leurs résidents ont choisi d’y scolariser leurs enfants.

     5400 écoles privées sont concernées. Ce qui représente 500 millions d’euros de fonds publics.

    La loi Carle finance les désertions en cas de « carence » de l’école publique –ce mot est bien souvent utilisé aujourd’hui – on ne comble pas cette carence, mais on transfère la demande et les moyens vers l’école privée. Allons plus loin. Il ne s’agit même plus de combler la carence, mais de l’organiser. Tout cela entraîne ensuite des fermetures...

    Comment le maire d’une petite commune qui se débat pour conserver son école publique, ses classes, après son bureau de poste, peut-il accepter cet aspirateur à élèves qu’est l’obligation de financer le départ des enfants qui en auront les moyens vers l’école privée voisine ?

    Comment un maire de banlieue, qui se bat pour maintenir un équilibre social dans sa commune et un équilibre scolaire dans ses classes, peut-il accepter cet aspirateur à enfants « les plus nantis », comme on dit ?

    La loi Carle prétend encadrer les cas dans lesquels la commune aura l’obligation de contribuer aux dépenses de l’école privée de la commune voisine.

    La loi Carle s’applique ans quatre cas bien spécifiés dont certaines relèvent de la convenance personnelle.: 

    Le 1er motif porte sur l’absence de capacité d’accueil dans la commune de résidence. Ce critère pourrait sembler justifié, mais ce serait oublier le principe issu du préambule de la Constitution de 1946 qui dispose que« l’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés, est un devoir de l’État ». Il devrait, en conséquence, n’y avoir aucune commune ou regroupement dépourvus d’école publique.

    D’autre part, le texte de 46 impose que l’enseignement soit laïque. Les collectivités locales ne peuvent donc pas sous-traiter leurs obligations scolaires à des associations rattachées à un culte (le plus souvent le cas des établissements privés). Désormais, il n’y aura plus de véritable contrainte puisqu’il n’y aura plus besoin de l’accord du maire.

    Il subsiste bien trois autres contraintes pour justifier les dérogations scolaires : 
    1 - raisons médicales 
    2 - obligations professionnelles des parents lorsqu’ils résident dans une commune qui n’assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants. Mais que recouvre réellement cette catégorie ? S’agit-il uniquement des cas ou les deux parents ont des horaires décalés, ou bien est-ce déjà la porte ouverte aux convenances personnelles ? Pourquoi la proposition n’impose-t-elle pas que la garderie et le service de restauration soient bien assurés dans l’école d’accueil ? 
    3 - la scolarisation d’un frère ou d’une soeur dans une école privée d’une autre commune  : exemple même du motif pour convenance personnelle. Il suffit qu’une famille ait, pour une raison relevant de son seul choix, scolarisé son premier enfant dans une école privée d’une autre commune pour que la scolarisation de l’ensemble de la fratrie dans ce même établissement soit imposée à la commune de résidence. 

    Le maire ne pourra même pas vérifier au préalable que les conditions légales sont respectées.

    Le préfet, se substituant au conseil municipal et au maire, pourrait ainsi obliger la collectivité à financer. Par leur caractère obligatoire et automatique ces dispositions législatives contreviennent au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Elles font de surcroît primer l’intérêt particulier sur l’intérêt général.

    Comment justifier auprès des contribuables qu’une commune se voie obligée de fermer un e classe ou une école car quelques parents auraient décidé de placer leurs enfants dans la commune voisine ?

    (Source position SNUIpp sur la loi Carle)

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