• Nicole BELLOUBET MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE - 2 -

    J’essaie maintenant d’examiner ce que le trio à la tête de l’éducation nationale nomme le « choc des savoirs », avec le dernier arrêté au Journal officiel qui instaure la mise en place en « 6e et en 5e en français et en math des enseignements en groupe qui répondront au niveau et au besoin des élèves ». Ajoutons y le fameux pacte ATTAL censé répondre à la hausse des salaires prévue par le « Grenelle » de l’éducation à savoir une meilleure rémunération conditionnée au respect d’objectifs définis par le niveau central et on peut mesurer le malaise qui s’installe au sein des équipes enseignantes que non seulement on n’écoute pas mais qu’en plus on veut rouler dans la farine pour faire croire que l’on va résoudre le problème des non remplacements des absences et des postes non pourvus tout en faisant croire aux parents que les solutions sont trouvées et que si ça ne marche pas ce sera sans doute de la « faute » des enseignants qui ne veulent pas travailler plus.

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    Domaine public

    QUEL ACCUEIL !…

    Le moins qu’on puisse dire c’est que la mesure ne fait pas recette chez la grande majorité des syndicats et des associations de professeurs de français et de mathématiques.

    Le choix de la mise ne place de ce processus est dénoncé comme contrevenant à l’expérience des professeurs et à tous les résultats de recherches. Lors de son colloque du 28 novembre 2023, « Agir sur les inégalités sociales de l’école à l’enseignement supérieur », le Conseil scientifique de l’éducation nationale (CSEN) lui même , affirmait son opposition au découpage en groupes de niveau par la voix des chercheurs présents. Après que le ministre de l’Éducation nationale qui était Gabriel Attal annonçait la mesure, trois des chercheurs démissionnaient mais l’arrêté était publié quand même, une manière de montrer en quelque sorte que des avis des spécialistes , le ministre n’en avait cure…

    Et madame BELLOUBET de conclure que ce Gabriel Attal voulait elle le voulait.

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    L’AVIS DES CHERCHEURS ET DES REPRÉSENTANTS DES ENSEIGNANTS

    L’Afef, association française pour l’enseignement du français ,énonçait clairement que les groupes de niveau – tels que voulu par Gabriel Attal, « c’est la désorganisation programmée des classes de collège contre laquelle l’AFEF tient à s’élever ».

    Malgré tout cela, le pouvoir organise une campagne de communication sur le choc des savoirs alors qu’à l’évidence toute la recherche est contre. C’est un pied de nez à ceux dont c’est le métier d’enseigner , c’est un pied de nez aux chercheurs dans une grande manifestation de ce qu’on pourrait appeler un populisme assumé qui fait passer en force une organisation autoritaire qu’on veut faire passer aux yeux du public comme la solution aux problèmes d’acquisition des élèves. Il en est de même de la labellisation des manuels scolaires sur laquelle je reviendrai ultérieurement car tout est lié dans la stratégie actuelle du gouvernement concernant l'éducation.

    Et pourtant, selon nombre de chercheurs et de professeurs la mise en place des groupes de niveau ce sont des conséquences graves et nuisibles aux élèves. Je relève 

    - une aggravation de l’apartheid scolaire,

    - la stigmatisation d’élèves par l’institution elle-même,

    - le naufrage des pédagogies coopératives,

    - des progressions uniformisées,

    - des suppressions d’options ou de dispositifs pour récupérer des moyens,

    - le renoncement au rôle essentiel de professeur principal,

    - la fin des dynamiques de projets,

    - les cloisonnements disciplinaires,

    - des conditions de travail dégradées,

    - une évaluation problématique,

    - un désarroi de nombre d’enseignants quant « au sens de leur métier »

    Mais apparemment tout cela n’a pas été concerté avec les partenaires et acteurs de l'ÉCOLE par un pouvoir qui se contente d’en rester à une idéologie simpliste et rétrograde qui peut plaire au grand public.

    Néanmoins, la FCPE*, première association des Parents d’élèves de l’école Publique, se joint aux actions et à la pétition de l’ensemble des syndicats enseignants.

    ON LA TROUVE ICI  : https://www.mapetition.org/non-choc-savoirs/index.php )

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    Il y est exposé :

    que « le ministère s'entête à vouloir mettre en place le projet conservateur et passéiste du « choc des savoirs ».Ce projet est néfaste à l’École pour les élèves et pour les personnels. Au lieu d’en guérir les maux, il renonce à les voir et va les accroitre.

    La pétition

    "- dénonce l’évident tri social des élèves en organisant les cours de mathématiques et de français en groupes de niveau, ce qui va immanquablement accentuer les inégalités scolaires ;

    - la remise en cause le droit égal d’accès à la poursuite d’étude pour tous les élèves, principe fondateur de l’École publique, en conditionnant l’accès direct au lycée par la mise en place de classes prépa-seconde en LGT ou LP pour les élèves admis en classe de seconde mais échouant au diplôme national du brevet au lieu de fournir tous les moyens nécessaires pour la réussite des élèves – la désorganisation des collèges par la réorientation de l’utilisation de la marge, accentuant encore les inégalités, la détérioration des emplois du temps et la réduction ou la suppression d’enseignements disciplinaires, de dédoublements ou d’options ;

    - la dégradation considérable des conditions de travail par la grande insuffisance des postes et la surcharge des classes ;

    - la remise en cause de la liberté pédagogique avec des méthodes, des manuels et des progressions communes imposés ;

    - dépossession pour les enseignant·es de leur expertise professionnelle notamment par l’imposition d’évaluations nationales standardisées à tous les niveaux.

    Tout cela se fera au détriment des élèves les plus fragiles et socialement défavorisés.

    Le risque important de voir apparaître des classes de niveau en collège est dénoncé."

    Il est donc demandé de manière unanime l’abandon de ce projet de réforme et un investissement massif pour l’École publique et la réussite de tous les élèves.

    LES CARENCES DES GROUPES DE NIVEAU

    La recherche est unanime : ça ne fonctionne pas. La recherche montre que les groupes de niveaux ne rehaussent pas le niveau.

    Ainsi, le Centre national d’étude des systèmes scolaires  le Cnesco** « analyse et accompagne des politiques et pratiques éducatives. Il vise « à améliorer la connaissance des systèmes scolaires français et étrangers afin de créer des dynamiques de changement dans l’école, au profit de la réussite de tous les élèves. »

    Le CNESCO a fait une synthèse sur la différenciation pédagogique (2017) et a étudié les mécanismes de différenciation structurelle, tels que le redoublement, les classes de niveau, les filières, et explore les résultats de recherches sur leurs effets. Cette synthèse souligne que le redoublement, bien que parfois observé comme une amélioration à court terme, se révèle inefficace et préjudiciable à long terme, accentuant les inégalités socio-affectives. De même, le regroupement des élèves par aptitude en classes de niveau ne montre pas d’effet spécifique sur la qualité des apprentissages, mais creuse les inégalités entre les classes.

    Malgré cela , le Premier ministre et sa ministre de l’Education nationale persistent dans l’erreur de vouloir mettre en place des groupes de niveau à la rentrée prochaine.

    Madame Belloubet et monsieur Attal ne connaissent pas le terrain de l’éducation, ne tiennent aucun compte des recherches faites et de l’expérience des enseignants sur le terrain à preuve justement cette persistance à vouloir faire des groupes de niveau tout en réduisant les moyens en nombre d’enseignants pour la rentrée prochaine malgré les annonces faites sur le sujet.

    En effet , comme le résume clairement le CNESCO, « Aucun élève n’apprend de la même manière et au même rythme, mais tous doivent maîtriser les connaissances et les compétences du socle commun. Pour faire face à cet enjeu, il n’existe pas une « recette pédagogique » unique qui s’imposerait à tous les enseignants, pour tous les âges des élèves et quelle que soit la discipline enseignée.

    Derrière la notion de différenciation pédagogique se cache une multiplicité de pratiques et de dispositifs pertinents pour faire face à l’hétérogénéité dans les classes. La conférence de consensus a montré que certaines conditions sont indispensables pour que ces pratiques et ces dispositifs soient efficaces. »

    On trouvera la synthèse du travail mené ici : https://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2017/04/Differenciation_dossier_synthese.pdf

    J’en conclus qu’instituer les groupes de niveau c’est figer les élèves dans une structuration de l’enseignement qui ne permettra pas aux élèves de progresser du fait même du carcan rigide qui sera imposé, la solution simpliste de croire que l’on changera de groupe si on progresse n’étant qu’une utopie irréalisable.

    La solution est de donner aux enseignants les moyens de pratiquer une pédagogie différenciée basée sur la constitution de groupes temporaires au sein d’un groupe classe en fonction des besoins des élèves et aux effectifs adaptés selon des processus pédagogiques multiples et donc du personnel en nombre, une formation des personnels entre autres, toute chose que le système éducatif actuel ne donne pas.

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    PAGAILLE, DÉCOURAGEMENT,SÉGRÉGATION, FANTASME ET AUTORITARISME

    Outre la pagaille structurelle et pédagogique que la mise en place des groupes de niveau va créer dans les établissements , la ségrégation parmi les élèves et la destruction de tout un travail pédagogique organisé par nombre d’enseignants et le découragement de ceux -ci , les moyens humains nécessaires qui devraient être mis pour aider à la prise en charge des élèves ne seront pas donnés mais, de plus, il est annoncé la suppression de près de 2500 postes à la rentrée prochaine.

    J’ajoute, et ce n’est pas le moindre, que l’imposition des méthodes, des manuels et des progressions communes que veut instituer le gouvernement remet en cause la liberté pédagogique des enseignants de même que l’imposition d’évaluations nationales standardisées à tous les niveaux dépossède ceux-ci « de leur expertise professionnelle » comme le souligne la pétition lancée par les organisations syndicales et soutenue par la FCPE.

    C’est très grave. 

    J’y reviens.

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    Image Snudi-FO

    * Le point de vue de la FCPE sur « le choc des savoirs » et les groupes de niveau  :https://www.fcpe.asso.fr/actualite/la-fcpe-refuse-le-tri-des-eleves

    ** (Le Cnesco est le fruit d’un partenariat entre le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse (MENJ) et le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), auquel il est rattaché, au sein du laboratoire Formation et apprentissages professionnels (Foap), depuis le 1er septembre 2019.)

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