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LA LAÏCITÉ A GÉOMÉTRIE VARIABLE DE NICOLAS SARKOZY
Un maire UMP, celui de Chalon-sur-Saône, a décidé de supprimer les menus de substitution dans les cantines scolaires de sa ville. Cela fait, bien sûr, le BUZZ.
Ce maire a décidé de revenir sur une pratique très ancienne (30 ans) qui permettait à tous les enfants de sa ville de déjeuner ensemble, quel que soit le menu du jour. C’est une entorse à la laïcité a-t-il clamé pour se justifier.
( Cuisine populaire pour enfants par Max Liebermann, 1915, domaine public)
LAICITE OU PRETEXTE DE STIGMATISATION ELECTORALISTE ?
Comment peut-on nous faire croire que c’est au nom de laïcité qu’on ne donne plus la possibilité aux enfants de bénéficier d’un repas de substitution alors que cela fait plus de 30 ans que cela se pratique sans que cela posât le moindre problème mais au contraire permet à tous les enfants de manger normalement équilibré et qui évite une certaine stigmatisation.
Car il me semble qu'il s’agit ici non pas de laïcité mais bien de stigmatisation qui est dans l’air du temps pour des raisons électoralistes, stigmatisation des musulmans qui est l’apanage du front national et devient de plus en plus celui de l’UMP qui veut récupérer des électeurs.
Je dois dire, pour avoir exercé dans plusieurs communes, que cette pratique du repas de substitution est courante depuis de nombreuses années. Il n’est pas ici question de faire préparer des repas casher ou halal ce qui serait effectivement entrer dans le domaine du religieux. Cela permet à tous les enfants de manger à la même table ce qui est essentiel. On peut dès lors trouver des solutions pour ce faire comme de permettre de choisir un repas avec ou sans viande ce qui va d'ailleurs permettre des choix variés quels que soient les enfants sans entrer dans des considérations de religion.Question : dans les cantines de cette ville (et dans combien d’autres cela existe !) réserve –t- on le vendredi au plat de poisson ? Une vieille habitude chrétienne qui n’a plus qu’une signification coutumière. Il faudrait donc interdire le poisson d’être mangé le vendredi dans la cantine concernée. Cela est-il dans les intentions « laïques » du maire ?
Un ancien président de la république, Nicolas SARKOZY, nouveau « leader » de l’UMP, soutient et défend la position du maire adhérent de son parti.
Curieusement, cela arrive donc en pleine campagne électorale des départementales ce qui me semble permettre au « leader » du dit parti d’envoyer un message même pas subliminal aux électeurs du front national qu’il dit vouloir par ailleurs « récupérer ». Et tous les moyens sont bons.
Il affirmera ainsi sans honte pour soutenir le maire « laïc» :
«Si vous voulez que vos enfants aient des habitudes alimentaires confessionnelles, vous allez dans l’enseignement privé confessionnel ».
Monsieur Sarkozy, par ses propos, indique que les enfants juifs doivent donc aller manger "casher" dans les cantines des écoles juives, les musulmans manger "halal" dans les cantines des écoles musulmanes qui,soit dit en passant, ne sont pas nombreuses et qu'il faudrait multiplier donc. Il ne se pose pas la question de savoir si dans ces écoles privés confessionnelles sous contrat subventionnés par l'état - et qui ont l'obligation d'accueillir tous les élèves en respectant leur croyance ou non croyance- un élève qui n'est ni juif ni musulman aurait l'obligation de manger casher ou halal s'il veut manger à la cantine. Sans doute préconiserait-il que, dans ce cas, il aille à l'école publique ou à l'école privée catholique où on mange du poisson le vendredi ce qui est sans doute plus laïque. Vive la laïcité "ouverte" celle qui conduit les petits français à ne pas pouvoir manger ensemble à l'école publique! Du grand n'importe quoi!
Il ajoute : "La République est laïque et nous refusons absolument, c'est notre tradition, c'est notre façon de vivre, c'est notre idéal, qu'on fasse la différence entre des personnes, dans le service public, en fonction de leur appartenance religieuse ou leurs origines" ( propos sur TF1).
Belle leçon de laïcité, en effet que de vouloir, une fois de plus, envoyer les enfants d’une école de la république dans des écoles confessionnelles que monsieur SARKOZY et ses amis de l’UMP (RPR et autres noms du même parti) n’ont eu de cesse d'en favoriser le développement au détriment de l’école publique qu’ils ont affaiblie notamment lors de la précédente législature où ils étaient au pouvoir.
Cette affirmation dit tout le contraire de la laïcité. Elle est à la fois une invite au communautarisme et sert à montrer du doigt la population musulmane en se plaçant sur le même terrain que le Front national et de son électorat.
Monsieur SARKOZY n’a aucune leçon de laïcité à nous donner lui qui, lors de ses fonctions présidentielles, n’a pas su être un président qui a défendu la laïcité de la république. C'est en tout cas ma conviction quand j'observe les faits et les déclarations.
Quelques rappels me semblent donc nécessaires.
Je suis un ardeur défenseur de la laïcité, celle sans qualificatif. Mais je suis aussi un ardeur pourfendeur de l’hypocrisie de tous ces politiciens qui me semblent utiliser le terme laïcité au gré de leur intérêts virevoltants selon des échéances électorales.
Mes derniers écrits ont été pour défendre la laïcité et la loi de 1905 que nombre d’hommes politiques de tous bords ont bafouée au profit de leurs intérêts électoralistes. Les faits le prouvent. J’en ai cité quelques uns que je ne suis pas le seul à avoir détectés. (Voir mes articles précédents sur le sujet)
LA LAICITE SELON NICOLAS SARKOZY
En ce qui concerne monsieur Nicolas SARKOZY qui se veut être « chantre de la laïcité », j’ai en mémoire nombre de ses actes et attitudes qui montrent qu’en réalité il n’est pas le laïque qu’il veut faire croire.Je peux citer : suppression de la carte scolaire et de postes d'enseignants dans l’enseignement public, financement par l'État du développement des établissements privés dans les banlieues en mettant en avant « la liberté de choix ». En faisant voter le plan banlieue « Amara » il a permis de créer cinquante écoles privées de plus... toutes catholiques. Pour Nicolas Sarkozy, réformer l’école c’est permettre que l’école privée puisse concurrencer l’école publique ce qui est contraire à la loi de 1905 et va même à l’encontre de la loi DEBRE de 1959. (Voir mes écrits précédents). Il a même été étudié un « chèque éducation » pour le privé qui n’a pas heureusement eu le temps d’être mis en place.
Le 11 juin 2007, à l’Elysée, Nicolas Sarkozy annonce un assouplissement de la carte scolaire, dès la rentrée de septembre 2007 comme si cela était une urgence nationale alors que les parents du public ne sont pas demandeurs et notamment la première fédération, la FCPE. Un mois plus tard, il fixe une mission au ministre de l’éducation nationale qui montre à l’évidence son soucis de favoriser la concurrence de l’école privée avec l’école publique : « S'agissant de l'enseignement sous contrat, qui répond à certaines attentes des familles, vous ne dissuaderez pas les établissements privés de s'installer dans des quartiers en difficulté et, au contraire, vous soutiendrez, lorsqu'ils existent, de tels projets d'installation, dans le respect des grands équilibres nationaux. »
Avec sa « laïcité positive », il essaye de gommer ses tentatives de démolition de l’école publique.
François Fillon son premier ministre a fait adopter la loi Carle qui oblige les communes à financer les établissements scolaires confessionnels pour des élèves dont les parents ont choisi de mettre leur enfant dans une école privée hors de la commune de résidence… Le privé échappe aussi à toute carte scolaire... Très laïque tout ça: Liberté ... de contourner la loi de 1905, égalité...surtout pour faire payer les autres contribuables pour un choix personnel, fraternité...du moment qu'on ne se retrouve pas avec les autres élèves de l'école publique afin de pouvoir se retrouver entre soi, catholiques, juifs ...Ce ne sont que des exemples parmi d’autres.
Le 20 décembre 2007, au palais de Saint-Jean de Latran, au Vatican, Nicolas Sarkozy, président de la République française, ne refuse pas, bien au contraire, d’être intronisé « chanoine honoraire »* Il prend possession de sa "stalle"** lors d'une cérémonie d'intronisation très religieuse. A cette occasion, il déclare que « la laïcité n'a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n'aurait pas dû ».
(Stalles du chœur de l'église abbatiale de Moyenmoutier (xviie siècle) auteur Ji-Elle, domaine public)
Il invente le concept de « laïcité positive » et de manière stupéfiante pour tous les laïques affirme : « un homme qui croit est un homme qui espère. L'intérêt de la République, c'est qu'il y ait beaucoup d'hommes et de femmes qui espèrent (...) ». Espérance que la République, sorte de monstre froid, aux valeurs morales déconnectées de toute transcendance, ne saurait nourrir ... Et puis je veux dire également que, s'il existe incontestablement une morale humaine indépendante de la morale religieuse, la République a intérêt à ce qu'il existe aussi une réflexion morale inspirée de convictions religieuses. D'abord parce que la morale laïque risque toujours de s'épuiser quand elle n'est pas adossée à une espérance qui comble l'aspiration à l'infini. Ensuite et surtout parce qu'une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité."
Le summum de cette plaidoirie que j’estime anti laïque fut quand il donna sa conception de la transmissions des valeurs qu’en tant qu’ancien instituteur, professeur des écoles, j’ai été ébahi d’entendre :
« Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie ». Pour lui donc, le prédicateur qui évangélise est supérieur à l'instituteur qui éduque !
(photo transformée de Moritz Hager, CC BY-SA 2.0 )
Tout cela était bien dans la droite ligne de ce qu’il avait co-écrit en 2004, avec Thibault Collin dans un livre intitulé « Les religions, la République, l'espérance » dans lequel on peut lire : « Le besoin spirituel, l'espérance, ne sont pas satisfaits par l'idéal républicain. La République est une façon d'organiser l'univers temporel (...). Elle n'est pas la finalité de l'homme ». Une République qui « ignore le bien et le mal ».
A cette époque, il n’était pas Président de la république Française mais le 20 décembre 2007, il représentait la France en visite officielle et ses propos sont inacceptables pour celui dont le rôle est de défendre la république laïque et pas de faire l’apologie de la religion. Il est clairement sorti de son rôle de représentant d’un état laïc qui n’a pas à faire des religions le cœur des préoccupations républicaines.
Non, monsieur Sarkozy ne peut donc donner de leçon de laïcité...
Monsieur Sarkozy a une conception de la laïcité à géométrie variable selon les circonstances. On peut y ajouter en tout cas une conception de la laïcité dite «positive » qui en réalité est la porte ouverte au communautarisme dans lequel il voudrait peut-être installer la France, à la mode anglo-saxonne et si possible en affaiblissant l’école publique en donnant à l’école privée confessionnelle les moyens de la concurrencer.
Pour ma part j’estime que c’est trahir la laïcité comme d’ailleurs tentent de le faire actuellement certains anti laïques qui noyautent le parti socialiste.(http://quaiducitoyen.eklablog.fr/la-laicite-n-est-pas-negociable-a115041474)
J'y reviendrai.
* Le roi de France et, par héritage, le président de la République, est chanoine de droit de plusieurs églises.
Il est ainsi premier chanoine de l'archibasilique de Saint-Jean-du-Latran.C'est son titre canonial le plus important et le plus connu : celui de la basilique Saint-Jean-de-Latran (l'une des quatre basiliques majeures de Rome, siège de l'évêché de Rome, dont l'évêque n'est autre que le pape), en vertu d'une fondation de Louis XI de 1482 renouvelée par Henri IV en 1604, qui en devint le premier chanoine en donnant à Saint-Jean-de-Latran l'abbaye de Clairac, en Agenais (aujourd'hui département du Lot-et-Garonne). Cette fondation fut restaurée sous forme de bourse par Napoléon III, qui rétribue à partir de 1863 un remplaçant au chœur (poste supprimé en 1871 mais refondé depuis : actuellement, le poste de chanoine français est occupé par Mgr Louis Duval-Arnould). Les présidents Georges Pompidou, François Mitterrand et François Hollande se sont abstenus de prendre possession de la stalle, sans avoir officiellement refusé ce titre "par tradition". Nicolas Sarkozy, en revanche, se fit nommer lors d'un service dans la basilique le 20 décembre 2007. Il est d'ailleurs le premier chanoine divorcé dans l'histoire de l'Église catholique. (source Wikipédia)
** Les stalles sont les rangées de sièges, liés les uns aux autres et alignés le long des murs du chœur des cathédrales ou églises collégiales et abbatiales, divisant les moines ou chanoines en deux groupes pour le chant (ou la récitation) alternative des psaumes de l’office divin. Ils ont la caractéristique de permettre deux positions : ou bien « assise » ou bien (si le siège est relevé) debout, avec appui sur une « miséricorde ». (source wikipédia)
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