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HOLLANDE 3 ANS: BILAN SANTE MEDECINE 2 sur 4
En guise de transition avec le précédent article, il me semble intéressant de citer un sondage qui montre que seuls 25% des français considèrent que le tiers payant est une priorité. Viennent avant, dans leurs préoccupations, les délais trop longs pour avoir un rendez-vous (dentiste, ophtalmologiste, ou spécialistes de certaines chirurgies...), dépassements d’honoraires... Selon un autre sondage 2 français sur 3 sont pour la mise en place du tiers payant... chacun en tirera les conclusions qu’il veut et qui peuvent être multiples et contradictoires.
(caricature faculté de médecine de Strasbourg- auteur illustrateur Carb - Domaine public)
POUR EN REVENIR AU TIERS PAYANT GÉNÉRALISÉ...
Après une réflexion plus approfondie, j’estime que la solution actuelle du tiers payant généralisée préconisée par la ministre Marisol Touraine n’est pas celle qui permettra de résorber de manière significative les inégalités en matière de santé pour tous et donc l’accès des 25 % de français qui renoncent aujourd’hui à se faire soigner car ils ne peuvent avancer l’argent nécessaire. Ils ne sont pas à la CMU* ou à l’ACS*. Ces 25 % (un peu plus de 15 millions) représentent ceux qui, en effet, sont un peu au dessus des seuils sociaux et ont donc peu de moyens.
6 à 7% des français n’ont pas du tout de mutuelle : surtout des jeunes, des personnes au chômage ou des retraités.
Le tiers payant généralisé ne touchera donc guère cette frange de la population qui si elle va chez le médecin devrait toujours avancer la part non remboursée par la sécurité sociale. Et je ne cite pas la consultation chez le spécialiste qui pourrait suivre une consultation de généraliste, certains médicaments peu remboursés, sans parler des lunettes, soins dentaires,... sur lesquels je reviendrai.
Plutôt que de prendre des mesures générales il conviendrait donc, au préalable, d’aller plus loin dans la réflexion pour traiter véritablement le problème de l’accès à tous les soins pour tous.
Nous ne devons pas nous contenter de mesures disparates prises sans une vision globale.
Comme pour l’impôt, les mesures générales actuelles amènent des franges de la population dont nombre de retraités, veufs ou veuves à revenus faibles ou plus que modestes à devoir payer cette année la taxe d’habitation qu’ils ne payaient plus depuis deux ou trois ans et les mettre dans des difficultés financières pour certains difficiles à surmonter. Est-ce là la justice fiscale tant claironnée ? J’y reviendrai aussi à une autre occasion.
Nos gouvernants sont obnubilés par le leitmotiv des économies à tout prix et de fait, abandonnent la vraie réflexion, celle plus fine dans ses applications d’une vision à long terme de l’avenir pour un service de santé pour tous les citoyens basé sur la solidarité nationale.
(auteur Geralt - domaine public CC0)
DES ECONOMIES A TOUT PRIX
Quand on est responsable de l’état, l’objectif doit être d’utiliser au mieux l’argent qu’on doit investir dans la santé. C’est le discours de nos politiques. On ne peut qu’être d’accord.
Qu’on nous dise aussi qu’il faut maîtriser les coûts pour pérenniser notre système de santé on peut le concevoir si cela n’était pas une sorte d’obsession répétée sans cesse jusqu’à nous abrutir pour faire croire que c'est la solution unique. D’où un certain nombre de mesures plus ou moins discutables pour ce faire mais non discutées allant jusqu’à la culpabilisation des patients ou des praticiens et qui est à mon sens une manière négative d’agir.
Comme je le disais dans la conclusion de mon dernier article : et si on allait plus loin que cette optique restreinte et négative de la santé et on essayait de mettre en avant l’idée qu’« ... au lieu de parler de déficit, on parlait de la Santé comme un investissement pour l’avenir ? »
Ça veut dire qu’il faut aller plus loin que la seule maîtrise des coûts médicaux et peut être prendre d’autres moyens pour agir non pour seulement des résultats à court terme mais plutôt pour améliorer notre système de santé à long terme et le rendre viable économiquement.
Car actuellement les mesures à court terme notamment de restrictions budgétaires imposées détruisent nombre de capacités du système de prise en charge des soins et vont tendre à agrandir les inégalités devant la santé : urgences, médecine à deux voire trois vitesses, maternités supprimées, réforme des études médicales, déremboursement de médicaments dits de confort, restriction budgétaires dans les hôpitaux entrainant un manque de personnels, de matériels de base pour soigner,...
L’économie voulue des réformes en cours n’entrainera t-elle pas une pas une dégradation de notre système de santé du fait d’une vision à court terme des résultats visés ? C’est à craindre.
(la théorie du baquet ** - auteur Lamiot - lic CC BY-SA 3.0)
Le gouvernement actuel comme ses prédécesseurs est dans une logique de réduction des dépenses sociales au profit des économies à réaliser pour payer la dette aux Banques.
En ce sens, François Hollande trahit ceux qui ont voté pour lui en abandonnant l’esprit d’un projet de gouvernance qui soit au profit de la population et se fait l’allié de la finance qu’il devait « combattre » dixit lui même dans son discours du Bourget en 2012 : « Dans cette bataille qui s’engage, je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance. » (A relire http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/election-presidentielle-2012/sources-brutes/20120122.OBS9488/l-integralite-du-discours-de-francois-hollande-au-bourget.html)
Ceci pour dire que François Hollande a choisi la mauvaise direction. Si dette il y a, ce sont ces politiques et gouvernements qui l’ont créée par leur incompétence à prévoir à long terme les évolutions de notre pays et des besoins de ses habitants. Pour ma part, j’ai l’impression et la quasi-certitude qu’on réforme avec comme seul objectif de faire des économies en cette période où il faut redresser les finances de l’Etat.
Enfin, pour remettre les choses à leur place : le déficit de l'assurance maladie n'existe pas. Le “trou" de la sécurité sociale est une invention des politiques relayée par les médias pour simplifier les explications d'une gestion qui n'est pas des plus claires. En réalité, il n'y a pas de déficit mais des besoins de financements qui ne sont pas assurés, ce qui n'est pas la même chose. Les comptes de la sécurité sociale sont compliqués et nos politiques simplifient les choses en parlant de "trou", de déficit parce qu'ils ne veulent pas donner les vraies explications qui montrent qu'en réalité l'argent destiné à l'assurance maladie ou à la sécurité sociale ne rentre pas toujours comme il le devrait.
Je préciserai donc que la sécurité sociale n'a pas à faire de bénéfice ou de déficit car ce n'est pas une entreprise. Le terme déficit est donc erroné. Il faut plutôt parler de "besoins" en financement pour faire face à l'évolution de ce que doit être notre protection sociale. S'il y a plus de personnes âgées, il ne faut pas sorti de l'ENA pour savoir qu'il faudra plus de financement et les rechercher plutôt que de vouloir faire des économies pour amoindrir cette protection et toucher à notre modèle social qui a su faire face à la crise en amortissant les difficultés. Tout cela n'empêche d'ailleurs pas de réfléchir à ce qui, comme dans tout système étatique, ne fonctionne pas bien et qu'il faut rectifier.
Pour faire rentrer des cotisations pour la sécurité sociale, il faut créer des emplois et les entreprises ont donc à se mettre en oeuvre pour ce faire au lieu de redemander une fois de plus des baisses de cotisations ce qui pour la sécurité sociale est un manque à gagner. Supprimer la part patronale des cotisations pour les prestations familiales a été une erreur.
DES ÉCONOMIES POUR GACHER DES MILLIARDS DE FONDS PUBLICS ?
Où sont les milliards qui ont été attribués de manière très généraliste pour l'aide à l'emploi?
Pourquoi attribue-t-on des aides à des grosses entreprises qui paient un taux de taxes inférieur à celui des petites entreprises?
Pourquoi les entreprises qui n'exportent pas sont-elles concernées?
Cet argent à quoi a-t-il été employé?
A ces quelques questions dont la liste n’est pas limitative, personne ne répond si ce n'est partiellement. On a quelques éléments des effets du CICE* pour certaines des entreprises mais si 120 000 emplois ont été créés ou préservés cela n'a pas infléchi la courbe montante du chômage... des emplois ont bien disparu dans le même temps parce qu’apparemment certaines entreprises n’ont pas joué le jeu du soi disant pacte de confiance ce qui était prévisible sauf à être naïf ce que je ne crois pas de nos politiques au pouvoir qui ont lancé le pacte de responsabilité. Le coup de poker hollandais n'a pas fonctionné ainsi que je l'avais prévu dans un de mes articles, le 24 janvier 2014
(http://quaiducitoyen.eklablog.fr/partie-de-poker-hollandais-a106113874) . J’y reviendrai pour le bilan à ce sujet.
( auteur Louis Wain (1860-1939), domaine public)
Il eut mieux valu consacrer une partie de ces milliards pour faire face aux besoins financiers de notre protection sociale.
On dira que je simplifie. C'est pourtant la réalité.
POUR MEMOIRE...UNE PERFUSION HORS DE PRIX
En 2014, le déficit du régime général de la Sécurité sociale était de 9,9 milliards d'euros ... dont 1,7 milliards pour la branche vieillesse et 6,1 milliards pour la branche maladie.
Quand on rapporte ce chiffre aux milliards prévus pour le CICE soit plus de 58 milliards d'euros à l’horizon 2017 avec un emploi créé grâce à ce mécanisme qui va ressortir à 190 000 euros de coût si la prévision de création d’emplois (300 000) est atteinte d’ici la fin du quinquennat. Les chiffres varient en fonction des sources : le coût le plus bas a été estimé par l’INSEE à 100 000 euros par emploi créé entre 2012 et 2014.
Pour rester dans le domaine de la santé, il s’agit ici d’une perfusion d'argent public pour créer des emplois privés... sans garantie de viabilité.
Un peu chère donc la perfusion !!!
Il faudrait revoir à la baisse le prix de ce traitement au coût encore plus exorbitant que des médicaments de certains laboratoires pharmaceutiques.
Il faut arrêter cette gabegie pour nos fonds publics et pour donner au moins le nécessaire à notre système de santé pour mieux fonctionner au lieu d’en détruire la qualité à petit feu.
Faisons le calcul : 6,1 milliards de soi-disant déficit de la branche maladie cela ne fait pour 60 millions de français qu’environ 100 euros par français par an.
A comparer aux milliards qui sont sans contrôle ...
Et puis, au lieu de mettre en place des mutuelles d'entreprises pour enrichir les actionnaires des compagnies d’assurances, pourquoi ne crée –t- on pas une mutuelle nationale universelle à côté de la sécurité sociale où chacun cotisera s’il n’a pas de complémentaire : 50% pour les entreprises et 50% pour les salariés. Sûr qu’on s’y retrouverait. Cela aurait aussi pour avantage de simplifier le système du tiers payant.
N’est-ce pas du rôle de l’Etat d’assurer l’égalité de l’accès aux soins pour tous les citoyens se manière simple et efficace ?
Une idée parmi d’autres....A suivre...pour ne pas continuer de se faire anesthésier...
(auteur Elkan, O., artiste, courtoisie de l'Académie de médecine, domaine public)
* couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), aide pour complémentaire santé (ACS)
** La "théorie du Baquet" rappelle que dans le baquet (métaphore d'un système, d'une organisation où tous les éléments auraient une importance égale), ce n'est pas la plus haute planche (chaque planche est la représentation métaphorique des sous-élément du système, ou de sa performance individuelle), mais la plus basse qui contrôle le niveau de l'eau (représentant métaphoriquement le résultat ou la performance globale). Le diagramme barre de gauche présente la même chose, mais en insistant moins sur l'importance relative des éléments les uns par rapport aux autres (par exemple pour les engrais NPK utilisés comme intrants, le manque d'un des 3 éléments fera que les autres ne seront pas utilisés de manière optimale par une plante). Dans le développement durable, tous les piliers sont importants... Il ne sert à rien d'être excellent sur l'économique et le social, si le pilier environnemental s'est effondré ; L'ensemble du système dysfonctionnera.. (source Wikipédia)