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DE PEILLON A HAMON ... RIEN DE NOUVEAU POUR LE MOMENT !
Après la nomination du nouveau gouvernement, je me suis, bien sûr, intéressé aux intentions du nouveau ministre de l’Education nationale, Benoît HAMON qui succède à Vincent PEILLON.
J’ai aussi attendu la déclaration de politique générale à l’assemblée nationale du nouveau Premier ministre Manuel VALLS. Je ne voulais pas m’exprimer sans connaître les intentions du gouvernement en matière éducative et comptait donc sur des précisions quant à l’avenir de la refondation de l’école. De plus, j’aurai aimé savoir de quelle manière nous allions sortir de la situation lamentable créée dans les écoles par le décret des rythmes dits « scolaires » et si on allait avoir une modification de ce décret qui, pour de nombreuses raisons est complètement inadapté pour l’intérêt des enfants/élèves. J’ai eu l’occasion de dire pourquoi sur le présent blog ( entre autres http://quaiducitoyen.eklablog.fr/vincent-peillon-ministre-du-periscolaire-communal-a103919758 )
J’ai pu en effet consacrer de nombreuses pages, sur mon blog, à cette refondation annoncée par Vincent PEILLON. J’ai pu donner les raisons qui, à mon sens, plaidaient pour une vraie refondation étant, pour l’essentiel, en accord avec les objectifs initiaux fixés par le ministre et le président de la République.
LES DECLARATIONS DE MANUEL VALLS ET DE BENOIT HAMON
Benoit Hamon, le nouveau ministre de l’Education nationale a affirmé , lors d’une de ses premières déclarations, vouloir poursuivre la mise en place de la refondation de l'Ecole et qu'il était "attentif à toutes les remarques, les contributions, pour améliorer les choix que nous avons engagé." "Je ne fermerai la porte à personne mais j’écouterai ce qui peut relever aussi du court terme mais en tout cas le court terme ne m’amènera jamais à dévier ce qui doit être à long terme notre objectif : la lutte contre les inégalités dans les écoles, les collèges et dans les lycées, l ‘amélioration du bien être des élèves. Ca passe par des taux d’encadrement qui sont meilleurs, ça passe par des rythmes scolaires qu’il faut aménager en fonction des élèves, ça passe par la lutte contre le harcèlement, ça passe par des professeurs qui apprennent mieux leur métier avant d’arriver dans les écoles. » "Dans ma priorité accordée à la lutte contre les inégalités, je souhaite m'attaquer à tout ce qui fait violence et obstacle au bien-être des élèves les plus fragiles à l'école (...) Or l'amélioration du bien-être des élèves passe par une augmentation du taux d'encadrement, par les rythmes scolaires et par la qualité de la professionnalisation des enseignants",« Améliorer les conditions d’études des enfants, les conditions dans lesquelles ils possèdent les apprentissages fondamentaux, acquièrent une culture, des compétences, des connaissances. Et tout cela aujourd’hui, nécessite un temps long ».
Somme toute, une déclaration qui pouvait bien augurer de l’avenir.
J’ai entendu, ensuite, ce mardi, Manuel Valls, Premier ministre affirmer
"l’aménagement des rythmes scolaires est une bonne réforme" que "Le décret sur les rythmes est maintenu"... qu’il proposait un "assouplissement du cadre des rythmes" qu’il n’ y aurait "ni retrait, ni report, ni libre choix. L'assouplissement vise à l'application pleine et entière du texte du 24 janvier 2013 qui cadre la réforme des rythmes scolaires." . Il y a donc une ’"obligation maintenue pour toutes les communes d'appliquer le texte à la rentrée 2014".
DES PAROLES MAIS AUCUN CHANGEMENT EN VUE
Tout est dit : Monsieur HAMON ne va pas, en effet, rectifier de manière profonde les erreurs de son prédécesseur, tout au moins en ce qui concerne ce décret.
Je rappelle que seules 17% des communes (4 000) sont passées à la semaine de quatre jours et demi dès la rentrée 2013. Les communes restantes soit 93% (20 000) devront appliquer le décret pour la rentrée 2014.
Il aurait été possible et facile de rectifier les incidences du décret en donnant du temps et en commençant par le réécrire pour en rectifier les erreurs pourtant évidentes et lui apporter la souplesse et les directives nécessaires pour que de vrais projets élaborés en vraie concertation soient décidés là où cela n'a pas été fait. Mais non, le nouveau gouvernement se satisfait d’organisations horaires déposées pour la prochaine rentrée.
Ne pas réécrire le texte du décret et annoncer « des assouplissements » tout en maintenant l’application dès la rentrée 2014 des « rythmes scolaires » ce sera au mieux laisser passer par dérogation quelques projets innovants qui ne sont pas dans « les clous » du texte du décret. C’est déjà ça mais c’est très largement insuffisant.
On constate bien là l’aberration créée par un décret « carcan » qui ne permet pas d’agréer des projets élaborés de manière vraiment concertés, sérieux et qui apporteront une amélioration pour les apprentissages des élèves dans le cadre de rythmes mieux adaptés pour leur vie quotidienne et qui recueillent l’aval de tous les partenaires locaux et pas de la seule municipalité. Dans le même temps, des organisations horaires municipales et ne reposant sur aucun vrai projet collectif mais entrant dans le moule d’un décret, n’auront aucune difficulté à exister.
Aberrant !
Et c’est aussi continuer de laisser aux collectivités locales la main mise sur l’organisation hebdomadaire en entérinant un décret qui ne permet pas aux équipes pédagogiques d’avoir leur mot à dire pour l’organisation du temps scolaire qui, dans de nombreuses villes, leur est imposée par la collectivité locale.
A la rentrée 2014, on aura fait rentrer les 20 000 autres communes dans le moule du décret sans qu’il y ait une once de changement.
L’ASSOUPLISSEMENT ANNONCEE EST UNE MASCARADE
Dire que « Le cadre réglementaire sera assoupli après les concertations nécessaires avec les enseignants, les parents et les élus." alors que « l’assouplissement ne concerne en rien la date d’application de la réforme, qui s’appliquera dans toutes les communes à la rentrée, Il n’y a donc ni report, ni retrait, ni libre choix." c’est, vu le temps qu’il reste à courir d’ici la fin de l’année, se moquer des parents et des enseignants et faire croire à une concertation qui n’aura pas le temps de se mener.
La fin de l’année scolaire avec sa surcharge de travaux à faire dans les écoles (passage de classes, orientation, ...) n’est pas propice à permettre de revenir sur des projets dans le cadre d’une vraie concertation de tous les partenaires. Une vraie concertation ne se fait pas à la va vite et rien ne pourra changer sans cela. Pour 2014, nombreux sont encore les projets qui n’ont pas été vraiment concertés, l’organisation retenue par le DASEN étant dans la quasi totalité de cas celle proposée par la commune.
Le compte-rendu d’une enquête publié le 12 février 2014 par le SNUIpp/FSU, syndicat des enseignants du premier degré est riche d’enseignements à cet égard:
(http://www.snuipp.fr/IMG/pdf/2014_02_12_contre_rapport_snuipp_rythmes_tip_top-20140212164055.pdf)
Il a été réalisé après les retours de questionnaires de 3 568 enseignants qui ont dû appliquer la réforme à la rentrée 2013 et 3906 écoles qui devront l’appliquer en 2014. Un nombre très significatif de retours. Les résultats de cette enquête donne une idée de ce qui s’est réellement passé sur le terrain et de manière nuancée pour nombre d’écoles. Le ministre ferait bien de la lire et d’y réfléchir et d’interroger ses services départementaux.
Ainsi, j'y relève, entre autres, que
- pour 2013, 60 % des enseignants attestent qu’il n’y a eu pas de prise en compte de l'avis du conseil de leur école
- pour 2014, 72 % des Conseils d'école ont été consultés. Mais, parmi eux, 31,29 % n'adhèrent pas au projet remonté par la mairie. Ils sont donc moins d’un sur deux au final à avoir donné leur accord.
L’enquête relève d’autres nombreux points positifs et négatifs qu’il aurait été bon d’au moins prendre en considération.
En définitive, à mon sens, cela montre que l’information et la concertation se devraient d’être poursuivies en modifiant profondément le texte du décret pour apporter
- plus de directives sur la manière d’organiser l’élaboration, la concertation et la décision partagée pour aboutir à des projets consensuels pour améliorer le vie des enfants/élèves
- plus de souplesse pour organiser les temps d’activités des enfants dans la semaine en supprimant le carcan horaire journalier et hebdomadaire qui y est actuellement fixé, libérer les équipes pédagogiques de contraintes qui brident les possibilités d’autonomie
- tenir compte des recommandations des chrono biologistes sur le rythme –veille sommeil et de faire obligation d’une vraie information sur le sujet auprès des parents , enseignants et élus avant que soient prises toutes décisions
Soit Messieurs Valls et Hamon sont conscients de toutes ces réalités mais malgré cela font ce qu’il faut pour que rien ne soit remis en cause dans les communes pour ne « pas faire de vagues » et c’est pour cela qu’on oblige à une application du décret à la prochaine rentrée au lieu de laisser du temps pour rectifier. On va juste permettre des dérogations pour certains « projets innovants » pour essayer de calmer la contestation qui a gagné celles et ceux qui ont travaillé des projets innovants mais qui n’entrent pas dans le carcan du décret.
On ne veut pas admettre qu’il y a eu erreur et qu’on a perdu deux années au cours desquelles on a complètement sapé la motivation et la confiance des parents et des enseignants du fait d’un décret technocratique, électoraliste et partisan.
Soit les ministres et leurs conseillers sont complètement déconnectés des réalités du terrain ce qui est tout aussi grave.
Dans ce cas, avant de prendre des décisions pour une réforme de cette importance et faire des déclarations, il serait bon qu'ils prennent le temps d'étudier les dossiers et d’écouter au lieu de déclarer que de toute façon on ne reviendra sur rien.
Ne pas revenir sur le décret c’est continuer de faire avorter la Refondation car rien ne changera pour des milliers d’école qu’on continuera d’enfermer dans des organisations horaires qui ne répondent pas aux objectifs d’améliorer notamment les conditions d’apprentissages des élèves pour qu’ils réussissent mieux.
On est en droit de se poser la question : Pourquoi a-t-on changé de ministre ?
L'APPEL AU BOYCOTT PAR Jean François COPÉ
Jean-François Copé, patron de l'UMP, vient d’appeler au BOYCOOT de la réforme des " rythmes scolaires" sous prétexte qu’elle est intenable financièrement pour les communes. C'est un point de vue qu'il avait déjà d'ailleurs exprimé auprès du précédent ministre.
Je répète ce que je disais le 27 septembre 2013: « Je ne pense pas que le problème soit d’abord celui du financement même s’il est vrai que si on veut faire quelque chose de qualité, il faut que les finances suivent. Le problème est surtout celui de l’élaboration concertée d’un projet global qui met l’enfant au centre des préoccupations et les moyens qu’on veut décider localement de mettre en place. Pour le financement, c’est aussi ensuite une question de choix local que de faire un effort accompagnant la politique nationale.
Le véritable problème est plutôt celui de la conception que l’on peut avoir au moins des rythmes « scolaires » ou plutôt des rythmes de vie des enfants ce qui serait mieux. De cela monsieur Jean-François COPE ne dit pas un mot ce qui n’est pas étonnant. Il n’ a rien à proposer : son ex-majorité a montré largement par les actes sa médiocrité quant à l’intérêt des enfants et des jeunes élèves de ce pays. Elle a appuyé une gestion comptable en matière d’éducation en prenant les élèves et les enseignants pour des pions » au service de la « sainte gestion »… je n’ai pas dit « saine gestion ».
Je rappelle que monsieur COPE et ses amis ont soutenu, sous la présidence de Nicolas SARKOZY, la mise en place à la hussarde, juste avant les vacances scolaires, de la semaine de quatre jours avec les effets que l’on connaît sur la fatigue des enfants notamment …mais pas que. En supprimant le travail le samedi matin , sans d’ailleurs aucune vraie concertation, son ami, le ministre Xavier DARCOS a alourdi la journée scolaire et a obligé à un rythme nouveau, celui de la coupure inadéquate du week-end. Tout cela, non pas dans l’intérêt de l’enfant mais pour frotter dans le sens du poil l’électeur parent qui a donc pris le pli qu’on lui imposait, de manière insidieuse, d’avoir les enfants à la maison deux jours en fin de week-end, la plus mauvaise des solutions pour l’enfant en matière de rythme veille –sommeil. Tout le mal vient de là.
(Sur ce dernier point de la rupture de rythme veille-sommeil le décret de monsieur PEILLON ne fait pas mieux.)
Monsieur Copé demande aussi «aux maires de l'UMP ou des autres partis d'avoir le courage de refuser la réforme des rythmes scolaires qui n'a aucun contenu pédagogique».
Je me permets donc de rappeler qu’ à cette époque, la majorité de monsieur COPE a voté tous les budgets régressifs de l’éducation nationale du gouvernement Fillon. Il en a résulté la suppression de postes que l'on connait et l’accroissement des effectifs par classe dans tous les degrés, la suppression de postes de maîtres spécialisés dans les RASED laissant sur le bord du chemin des milliers d’élèves en grande difficulté, la régression de l’accueil des enfants en maternelle…etc… » ... tout cela sans doute pour aider à une meilleure prise en charge des élèves et pour améliorer la pédagogie !
Le gouvernement actuel a commencé à réparer cette destruction massive des moyens pédagogiques.
(licence Public Domain CC0)
Oui, quand j’entends parler monsieur Copé de « pédagogie »... je suis mort de rire et force m’est de rappeler, pour terminer avant que je ne m'étrangle, que le gouvernement qu’il a soutenu a supprimé la formation des maîtres.
Mdr (Mort de rire) ou lol (Laughing out loud) …mais pas trop tant c’est lamentable !
Ne perdons pas la mémoire et ne nous laissons pas abuser par des déclarations politiciennes et électoralistes de ce tonneau que l’on connaît bien puisqu’on a essayé de nous les faire boire jusque la lie.
POUR CONCLURE ...de manière optimiste
Je ne suis pas du tout convaincu de la détermination du « nouveau gouvernement de combat » pour mettre en place la refondation de l’école sauf à ce qu’il change de "fusil d‘épaule" face aux évidences nuisibles d’un décret qui a fait avorter les prémisses de la refondation. Car si la réforme des rythmes ne fait pas toute cette refondation, elle en est une des conditions de sa réussite.
A monsieur le ministre de l’éducation nationale et au Premier ministre de faire démentir cette impression en mettant en accord les actes avec les objectifs initiaux de la refondation de l'Ecole.
J’y reviendrai... y compris sur la manière de modifier un décret inadapté pour une vraie réforme des rythmes de vie des enfants et des jeunes et bien entendu sur les avancées - qui ont été ralenties - de la Refondation dans son ensemble.
Patrick Patte
Tags : Vincent PEILLON, Benoit HAMON, Manuel VALLS, rythmes scolaires, refondation de l'école