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A PROPOS DE LA LAÏCITÉ - 3 sur 4
Venons-en au prédécesseur de François Hollande, Nicolas Sarkozy, président de la République de 2005 à 2012. On remarquera qu’effectivement, dans le domaine de l’Education, une certaine continuité s’est faite sous François Hollande pour consolider ce qu’avait mis en place Nicolas Sarkozy (et ses prédécesseurs) pour favoriser l’essor et le financement des établissements privés en faisant de ceux-ci, officiellement des concurrents de l’école publique.
(Loi de séparation des églises et de l’État. Page 1 - Archives Nationales - AE-II-2991, domaine public)
NICOLAS SARKOZY
Voici quelques faits significatifs montrant les contournements de la loi de 1905...pour favoriser l’école catholique sous la législature Sarkozy. Je les reprends de mes écrits précédents sur ce même blog en y ajoutant quelques précisions qui montrent bien notamment la continuité de l’esprit de grignotage de la laïcité. (Entre autres : http://quaiducitoyen.eklablog.fr/la-laicite-a-geometrie-variable-de-nicolas-sarkozy-a115194636)
Après avoir conquis la généralisation des contrats d’association même dans les communes où il restait des places à l’école publique, il restait à taxer les communes extérieures (celles qui ne sont pas le siège des écoles privées). Ce qui a été fait avec la loi CARLE qui oblige les communes à participer au financement de la scolarité des enfants résidant sur leur territoire, mais scolarisés dans une école privée d’une autre commune. Le président Hollande n’est pas revenu sur cette loi.
(C’est cette loi qui permet donc aujourd’hui à Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale d’Emmanuel Macron, en instituant l’école obligatoire à 3 ans, d’imposer aux communes le financement des écoles maternelles privées… Un hasard ? Que nenni. Je le disais le 9 septembre 2017 après la prise de fonction du ministre : « Le fait que monsieur Blanquer était le directeur général de l'enseignement scolaire (DGESCO) de Luc Chatel au ministère de l'Éducation nationale ne me rassure pas, non plus que la nomination d’ autres membres du cabinet de Luc Chatel. Jean-Michel Blanquer a inspiré par exemple le projet de repérage des élèves présentant des risques pour les apprentissages dès la maternelle... C’est aussi un fidèle du think tank Institut Montaigne qui a toujours défendu un courant libéral de l’enseignement. Je crains donc que la privatisation du service public de l’Éducation Nationale ne soit « en marche » ou tout au moins en route vers un renforcement de l’école privée. » )
Le 20 décembre 2007, au palais de Saint-Jean de Latran, au Vatican, Nicolas Sarkozy, président de la République française, ne refuse pas, bien au contraire, d’être intronisé « chanoine honoraire »* Il prend possession de sa "stalle"** lors d'une cérémonie d'intronisation très religieuse. A cette occasion, il déclare que « la laïcité n'a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n'aurait pas dû ».
<-- (photo transformée de Moritz Hager, CC BY-SA 2.0 )
(Stalles du chœur de l'église abbatiale de Moyenmoutier (xviie siècle) auteur Ji-Elle, domaine public)
Il invente le concept de « laïcité positive » et de manière stupéfiante pour tous les laïques affirme : « un homme qui croit est un homme qui espère. L'intérêt de la République, c'est qu'il y ait beaucoup d'hommes et de femmes qui espèrent (...) ». Espérance que la République, sorte de monstre froid, aux valeurs morales déconnectées de toute transcendance, ne saurait nourrir ... Et puis je veux dire également que, s'il existe incontestablement une morale humaine indépendante de la morale religieuse, la République a intérêt à ce qu'il existe aussi une réflexion morale inspirée de convictions religieuses. D'abord parce que la morale laïque risque toujours de s'épuiser quand elle n'est pas adossée à une espérance qui comble l'aspiration à l'infini. Ensuite et surtout parce qu'une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité.
"Le summum de cette plaidoirie que j’estime anti laïque fut quand il donna sa conception de la transmissions des valeurs qu’en tant qu’ancien instituteur, professeur des écoles et directeur, j’ai été ébahi d’entendre :
« Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie ». Pour lui donc, le prédicateur qui évangélise est supérieur à l'instituteur qui éduque !
Comment voulez-vous qu’un président qui s‘exprime ainsi en représentant de la République puisse défendre la Laïcité et être crédible !
( image créée par P. Patte à partir de l'image symbole de la république française créée par TaniaPS , CC BY-SA 3.0)
Et puis on peut encore citer :
En 2005 : Les Associations Familiales catholiques sont reconnues d’utilité publique.
En mars 2008 : « La fondation pour l’école » chargée de réunir des fonds pour l’enseignement catholique privé est reconnue d’utilité publique. Elle va pouvoir bénéficier d’un régime fiscal dérogatoire (jusqu’à 75 % de déductions fiscales) et ainsi des sommes importantes seront financées par le budget de l’ état dont nos impôts pour alimenter les caisses des écoles privées.
En avril 2009 : Bernard KOUCHNER, ministre des affaires étrangères, organise la signature, entre la République Française et le Saint-Siège, de la reconnaissance mutuelle des grades et des diplômes.
En 2010, une deuxième fondation catholique est créée : LA FONDATION SAINT-MATHIEU .Cet exemple à propos de la fiscalité montre la continuité des détours pris pour favoriser le confessionnel au détriment des deniers publics et donc de la loi de 1905 et la laïcité.
Une loi sur le mécénat de 1987 avait déjà mis fin à la laïcité fiscale. Celle-ci prévoit de déduire de ses impôts les dons faits aux cultes. C’est donc un contournement de la loi de 1905.
Dans cette droite ligne de contournement, voici un exemple flagrant de l’action du puissant lobby catholique qui agit avec la connivence de ceux qui sont chargés de faire les lois et de les appliquer : La fondation St Mathieu pour le financement des écoles privées sous contrat d’association a été créée et reconnue d’utilité publique par décret du 16 février 2010. Un comble qui a son importance ! Cela permet aux donateurs de bénéficier d’une déduction fiscale de plus de 60 % lorsqu’ils apportent ainsi un don (Ça peut aller jusque que 75% pour les assujettis à l’ISF et jusque 50 000 euros de dons). "À partir des dons libres d’affectation qu’elle reçoit, la Fondation Saint Matthieu crée des aides remboursables qui sont attribuées aux établissements porteurs de projets, notamment immobiliers." (site de la fondation Saint Matthieu).
Ces déductions sont un financement public déguisé pour l’école privée... puisque c’est bien l’état et donc le contribuable qui paye cette déduction. Et cela en toute légalité.
(De la même manière d’ailleurs pour les officines de cours privés qui permettent au contribuable d’avoir une déduction fiscale sur les montant des cours privés payés pour un enfant et donc de l’argent public qui finance des cours privés)
Et tout cela va se poursuivre sous les législatures suivantes sans remise en cause y compris par les socialistes...
Ainsi une circulaire du 19 février 2008 autorise le développement des carrés confessionnels dans les cimetières ce qui est en quelque sorte une violation de la loi du 14 novembre 1881. Un rapport d’information du sénat pose bien le problème :
« Le principe de neutralité des cimetières semble aujourd'hui fragilisé par certaines demandes religieuses. Pour les satisfaire, les communes sont conduites, et même incitées par le ministère de l'intérieur, à créer des carrés confessionnels dans une situation de relative insécurité juridique. »
(On peut trouver le rapport du Sénat ici http://www.senat.fr/rap/r05-372/r05-37223.html)
Là aussi c’est encourager le communautarisme…
La concurrence de l’école publique s’organise... et se poursuivra sous François Hollande et Emmanuel Macron. Les structures de reconnaissance officielle de la concurrence se mettent en place. La loi de 1905 continue d’être détournée.
C’est ainsi que les législateurs et les gouvernements qui se sont succédé jusqu’à nos jours ont laissé s’organiser l’enseignement catholique qui grâce à eux devient peu à peu officiellement concurrentielle de l’enseignement public.
L’enseignement catholique se transforme un peu à la fois au fil des années en structure de plus en plus ecclésiastique.
Fin 2008, il devient « un service national de la conférence des évêques de France » au lieu d’être sous tutelle d’une commission informelle de l’épiscopat encadrée par un évêque et se transforme en une entité au service direct de l’Église catholique. Le nouveau statut de l’enseignement catholique de juin 2013 stipule entre autres : « Les dispositions du présent Statut déterminent les règles et principes qui s’appliquent aux écoles appartenant à l’Enseignement catholique en France et aux instances et institutions dont ces écoles sont dotées pour gérer de façon harmonieuse leurs relations et intérêts. »
La preuve en est, depuis, des interventions du secrétaire général de l’enseignement catholique nommé par la conférence épiscopale qui intervient sur nombre de sujets. Tout cela est accepté par l’État.
POUR TERMINER SUR LA MANDATURE SARKOZY
…Et faire le lien avec les autres, il est constaté qu’aucun politique au pouvoir ou des pouvoirs des mandats suivants jusqu’à nos jours ne conteste cette nouvelle organisation dont ils deviennent les complices dans la mesure où ils l’acceptent.
Pourtant seuls, d’après la loi Debré, les établissements privés sous contrat, un à un, sont institutionnellement reconnus, mais pas un réseau de l’enseignement catholique.
La suite avec le président Emmanuel MACRON, dans la plus pure des continuités avec ses collègues depuis des décennies … Il n’est qu’à rappeler entre autres, son intervention en avril 2018 à cette CONFÉRENCE DES ÉVÊQUES DE FRANCE que j’ai citée plus haut… pour s’en convaincre et lors de laquelle il ouvre la porte à la prise en considération par l’État des dogmes de l’Église ce qui est inadmissible.
J’y reviens.
* Le roi de France et, par héritage, le président de la République, est chanoine de droit de plusieurs églises.
Il est ainsi premier chanoine de l'archibasilique de Saint-Jean-du-Latran.C'est son titre canonial le plus important et le plus connu : celui de la basilique Saint-Jean-de-Latran (l'une des quatre basiliques majeures de Rome, siège de l'évêché de Rome, dont l'évêque n'est autre que le pape), en vertu d'une fondation de Louis XI de 1482 renouvelée par Henri IV en 1604, qui en devint le premier chanoine en donnant à Saint-Jean-de-Latran l'abbaye de Clairac, en Agenais (aujourd'hui département du Lot-et-Garonne). Cette fondation fut restaurée sous forme de bourse par Napoléon III, qui rétribue à partir de 1863 un remplaçant au chœur (poste supprimé en 1871 mais refondé depuis : actuellement, le poste de chanoine français est occupé par Mgr Louis Duval-Arnould). Les présidents Georges Pompidou, François Mitterrand et François Hollande se sont abstenus de prendre possession de la stalle, sans avoir officiellement refusé ce titre "par tradition". Nicolas Sarkozy, en revanche, se fit nommer lors d'un service dans la basilique le 20 décembre 2007. (source Wikipédia)
** Les stalles sont les rangées de sièges, liés les uns aux autres et alignés le long des murs du chœur des cathédrales ou églises collégiales et abbatiales, divisant les moines ou chanoines en deux groupes pour le chant (ou la récitation) alternative des psaumes de l’office divin. Ils ont la caractéristique de permettre deux positions : ou bien « assise » ou bien (si le siège est relevé) debout, avec appui sur une « miséricorde ». (source wikipédia)
Tags : Laïcité, Nicolas Sarkozy, école privée, loi Carle