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Refondation de l’école : un rapport intéressant mais…
Publié le 5 octobre, le rapport contient en germe des objectifs qui sont à première vue assez intéressants pour que l’école avance vers une refondation.Après une première lecture des 50 pages du rapport , on peut dire qu’il faudra approfondir un certain nombre de points notamment sur les rythmes , le statut et la formation initiale et continue des enseignants, le lycée et le baccalauréat pour lesquels les propositions sont plus que courtes.
La réflexion permet des avancées et amène des préconisations intéressantes mais cela ne va pas assez loin pour changer en profondeur notre système éducatif.
“La refondation sera pédagogique ou ne sera pas ».
C’est une affirmation fondamentale qui montre que ceux qui ont travaillé ont bien compris l’objet de la refondation et c’est un bon signal pour la suite pourvu qu’on tienne compte de certaines de leurs propositions.
Il est clairement affirmé qu’il faut changer ce qui se passe en classe et qu’il faut donc faire évoluer les pratiques pédagogiques.
L’instauration d’une formation continue obligatoire pour les enseignants est affirmée.
Quelques préconisations importantes sont faites :
- « plus de maîtres que de classes » pour permettre aux équipes pédagogiques de travailler autrement et mieux;
- remplacer le redoublement « par d’autres modes de remédiations » et que l’aide personnalisée intègre le temps scolaire ordinaire et que le travail personnel soit fait à l’école. C’est en cohérence avec ce qui précède;
- l’évaluation : « rénover notre système d’évaluation – qui produit trop souvent de la démotivation et de la mésestime de soi – pour aider les élèves à progresser en développant leur confiance en eux. De même, il est indispensable de repenser la gestion actuelle des conflits et de mettre en œuvre des sanctions pédagogiques et responsabilisantes qui ne conduisent pas à un processus d’éviction du système scolaire. L’École que nous voulons bâtir doit conjuguer bien-être psychologique et qualité des apprentissages pour la réussite de tous.» C’est bien aussi en cohérence avec la pédagogie à installer pour une école où les élèves se sentent mieux et avancent dans la positivité. »
- La liaison école et collège : Des propositions intéressantes qui font espérer qu’on va aller plus loin que tout ce qu’on a déclaré sur le sujet et qui n’a jamais vraiment abouti : la fameuse liaison CM2-sixième par exemple, long serpent de mer qui a déroulé ses anneaux aux longs de nombreuses décennies sans jamais réussir à les immobiliser pour mettre en place des pratiques pérennes. Ce qui ne veut pas dire que les enseignants ne s’y sont pas essayés mais on ne leur en a guère donné les moyens. Idée intéressante : Les professeurs du collège pourraient enseigner à l'école élémentaire et réciproquement. Pas si simple mais pourquoi pas.
- L’école dès deux ans est réaffirmée. Mais il y a encore un affinement à faire sur le sujet. A mon sens il faut aller vers un droit ce qui ne l’est pas actuellement mais pas une obligation. Il faut bien déterminer les conditions d'une scolarisation réussie à cet âge. C’est du cas par cas et rien ne servira de décréter l’école à 2 ans pour tous les enfants : il faut tenir compte des conditions de vie de l’enfant, ne pas arriver à des journées de 10 heures hors de la maison ou dans la même enceinte « école ». L’accueil des élèves à deux ans doit se faire en étroite concertation avec les parents et doit être bénéfique à l’enfant.
- Zones d’éducation prioritaire : Il semble que l’on se dirige vers une suppression des zones d’éducation prioritaire au profit de moyens adaptés en fonction des difficultés des élèves, au pourcentage d’enfants défavorisés. Il n’y aurait plus de seuil ce qui serait une bonne nouvelle.
A suivre de très près pour la prochaine rentrée scolaire lors de l’attribution des moyens et donc très bientôt puisque l’on va arriver dans les périodes des différentes étapes de la préparation de cette rentrée.
Sur les moyens, la vigilance c’est maintenant !
Lycée : Insuffisant.
Le rapport ne donne pas l’impression que cela a été travaillé et c’est dommage.
On ne dit rien sur le baccalauréat, sur ce qu’il y aura avant.
Une préconisation intéressante : "parallèlement à la seconde professionnelle spécialisée, une seconde professionnelle de détermination qui permettra aux élèves de découvrir plusieurs spécialités avant d'arrêter leur projet d'orientation.".
On remettrait en fonctionnement les structures du type conseil de vie lycéenne.Il est en effet urgent de faire que ce qui existe pour que les lycéens et les colègiens puissent vraiement utilser ce que les textes mettent à leur disposition et qui dans nombre d'établissements ne fonctionne pas ce qui est dommage.
Mais ce n’est pas avec si peu de propositions qu’on refondera le Lycée.
Les rythmes : une analyse insuffisante, des oublis majeurs, des imprécisions.
Des préconisations qui vont dans le bon sens mais on sent bien que c’est un point très sensible.
Sans vouloir dire que le résultat est le même que les conclusions du comité de pilotage mis en place par Luc Chatel, on n’a guère avancé.Si on arrive à proposer la diminution du nombre d’heures de cours dans la journée, on ne va pas assez loin dans la différenciation de l’attention et la capacité d’apprendre des élèves selon leur âge et les moments de la journée comme si tout un pan des études sur les rythmes de vie de l’enfant et des jeunes était oublié. Il est vrai que cela est complexe mais c’est incontournable.
On affirme la nécessité d’une alternance sept semaines de travail, deux semaines de repos. C’est une bonne chose.
Le passage à 4 jours et demi sur la semaine n’est pas une révolution. Ça existait avant et ça marchait mieux que la semaine de 4 jours mise en place par le ministre Darcos qui "a installé" certains parents et certains enseignants dans des habitudes de rythmes adultes du week-end qui sont néfastes aux élèves, surtout ceux qui n’ont pas la chance d’avoir une vie sociale facile. Il est dommage que les conclusions du rapport sur ce sujet ne retiennent que 4 jours et demi avec possibilité de dérogation le samedi. C’est incomplet.
Le problème du calendrier annuel des vacances est posé sans plus.
La liaison entre la pédagogie et le rythme des élèves n’est pas faite au mieux de ce qu’elle devrait être et on risque d’avoir une refondation ratée parce qu’on reste dans les mêmes schémas traditionnels.
Pour aller plus loin…
La vraie réflexion ne doit pas être de vouloir refonder l’école sur les seuls chiffres et critères désuets habituels : on veut garder par exemple 840 heures de cours par an. Pourquoi ?
Si on observe ce qui existe en la matière en Europe et ailleurs, on s’aperçoit que des pays ont un nombre d’heures de travail obligatoire annuel inférieur à ceux de la France et pour certains d’entre eux de bien meilleurs résultats.
Une vraie refondation doit révolutionner les rythmes et la pédagogie en osant bousculer les systèmes en place.
Il faut commencer par les choix des programmes et des objectifs qui doivent refléter les priorités nationales d’instruction et ce qui doit être enseigné aux élèves en fonction de leur âge.
Une vraie refondation ne sera possible que si on abandonne tout de suite le débat actuel et tronqué des vacances scolaires.
Les préoccupations des vacances doivent venir après l’essentiel : Les contenus de l’instruction, la pédagogie, les rythmes journaliers puis ceux de la semaine et de l’année.
On doit partir pour cela de l’optique que ce n’est pas la quantité et donc notre nombre d’heures de travail annuel qui est le plus important. C’est prouvé quand on voit les meilleurs résultats obtenus dans d’autres pays comme par exemple la Finlande (608 heures annuelles pour les 7 à 8 ans, 640 pour les 9 à 11 ans), le Japon ( 709 heures et 770, l’Allemagne ( 635 et 790). En France c’est 840 pour les 7 à 8 ans et 902 pour les 9 à 11 ans. « Dans le primaire entre 2001 et 2006, la France est passée du 18e au 27e rang, avec 32% des écoliers français jugés faibles ou très faibles pour une moyenne européenne de 25%. »( OCDE 2010)
Il faut donc avant toute chose considérer la qualité de ce qui sera fait durant ces heures, avec la cohérence et le contenu nécessaire des programmes:
- la journée scolaire doit avoir une durée progressive et qui augmente en fonction de l’âge des élèves ce qu’on ne trouve pas dans le rapport
- Le nombre minimum de séquences hebdomadaires d’enseignement doit remplacer la préoccupation « étroite » des adultes des 4 jours et demi, du samedi ou mercredi matin libéré et ce en fonction du nombre d’heures d’enseignement qui aura été décidé
- l’encadrement pédagogique : qualité, cadre,…le rapport s’attaque au problème. Il reste à mettre en place une formation initiale et continue des enseignants de haute qualité en y mettant les moyens. Il y a des expériences riches d’enseignement qui doivent le permettre pour avancer rapidement.
- Il faut s’attaquer à la difficulté scolaire dès qu’elle apparaît, grâce à l’intervention d’enseignants spécialisés : on n’a fait l’inverse jusqu’à présent en réduisant les moyens des RASED. Sur ce point le rapport n’en parle pas ou est très imprécis
- le recours à des dispositifs de soutien scolaire, une évaluation positive et non stigmatisante des acquis des élèves ce vers quoi le rapport se dirige dans ses préconisations
- revoir donc les programmes, les matières obligatoires des programmes, les objectifs que l’on se fixe et la cohérence de ces programmes, des acquis de la maternelle à la terminale
Ensuite et seulement ensuite, on pourra choisir le nombre d’heures annuelles de travail des élèves en fonction de leur âge et des acquis nécessaires.
Pour conclure provisoirement
Il faudra un budget de l’enseignement scolaire bien déterminé et programmé permettant d’effectuer des réformes de fond sur une période de cinq ans et mettre en place un véritable plan de refondation de l’école qui doit être annoncé clairement et détaillé dans toutes ses étapes. Ceci ne peut en effet se faire que dans un climat de confiance et d’explications et de concertation notamment avec les parents d’élèves et les enseignants.
L’erreur serait d’en rester sur les seuls aspects réducteurs
- du rythme hebdomadaire 4 jours et demi avec samedi ou mercredi matin travaillé
- des vacances d’été, les zonages
comme cela se fait depuis le début des travaux sur la refondation et qui ne sont que des préoccupations d’adultes ou de lobbies divers et variés qui masquent les véritables changements à faire.
Les prochaines déclarations du président de la république et du ministre de l‘Education nationale montreront ou non si la refondation de l’école sera ou ne sera pas.
A suivre …
Patrick PATTE
Tags : rapport refondation de l école, rythmes, vacances scolaires, lycée, programmes, pédagogie