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Refondation de l’Ecole : la loi a été votée à l’assemblée nationale…
La loi a été adoptée par 320 voix contre 227. Ont voté « pour » la totalité des députés PS et RRDP(Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste) et 16 écologistes sur 17.
Malgré des avancées , la loi d’orientation et de programmation pour l’Ecole a des manques et certaines politiques nuisibles du précédent gouvernement seront poursuivies si elle reste en l'état.
Il faut aller plus loin et notamment en ce qui concerne le lycée et l'enseignement supérieur.
Très grave, la loi ne modifie pas le décret promulgué à la hâte sur les rythmes qui bloque et va bloquer la refondation parce que les dispositions prises ne sont pas cohérentes et laisse la porte ouverte à tout et n'importe quoi :périscolaire bouche trou, carcan des demi-journées, samedi en priorité non travaillé, décision prédominante de fait des collectivités locales dont certaines ne construisent qu'un cadre horaire sans projet avec les partenaires que devraient être les enseignants et les parents. Ces derniers sont d'ailleurs privés d'un certain nombre de droits antérieurs.
Les imprécisions, flous et autres oublis vont donner la part belle aux décrets qui préciseront les détails d'application. Cela peut laisser trop libre cours à des interprétations toujours dangereuses quand la loi n'est pas assez précise.Mais , on peut encore la faire modifier et l’améliorer puisqu’elle doit passer au Sénat au mois de juin 2013.
Examinons donc quelques points clés de cette loi dont certains auront besoin d'être modifiés ou précisés. Les députés auraient dû mieux s'informer des réalités vécues du système éducatif et prendre mieux en compte le travail qui a été fait lors des réunions de préparation de la refondation de l'été dernier.
"La loi fixe la PRIORITE AU PRIMAIRE ». C’est une bonne chose.
"Il est donc nécessaire de réaffirmer LE PRINCIPE DU COLLEGE UNIQUE à la fois comme élément clé de l’acquisition, par tous, du socle commun et comme creuset du vivre ensemble. Le collège unique est organisé autour d’un tronc commun qui nécessite des pratiques différenciées adaptées aux besoins des élèves". C'est aussi une bonne orientation.
" L’EGALITE DES TERRITOIRES passe par une affectation prioritaire des moyens attribués en faveur des territoires en difficulté pour permettre un rééquilibrage". C’est affirmé mais il manque les détails et une véritable réflexion et un plan d’actions.
La loi recrée le CONSEIL SUPERIEUR DES PROGRAMMES en charge de la définition des programmes et du socle. C’est essentiel. Quand les programmes seront bien construits, articulés en cohérence, on dépassera très vite les débats stériles précoces sur les vacances scolaires qui n’ont pour le moment pas lieu d’être car basés sur des subjectivités et du « vent », celui de l’opportunisme des adultes.
Il faut le faire en articulant bien maternelle, élémentaire, collège et lycée et je dirai même Université, degré où il y a aussi une grande rénovation à faire. Cela doit permettre aux enseignants de ne pas faire" la course pour finir le programme".
"la création des ECOLES SUPERIEURES DU PROFESSORAT ET DE L'EDUCATION (Espe) [en remplacement des IUFM]" est inscrite . Il est dommage que ce texte indique une continuité avec les IUFM. Il aurait plutôt fallu parler de rupture. Ce n’est pas seulement en transférant automatiquement les personnels IUFM vers les Espe qu’on fera évoluer la formation des IUFM. Rien ne sera fait si les enseignants ne se forment pas aux pédagogies de la réussite et si la formation des maîtres n’est pas une formation solide, bien construite et qui prend le temps d'être faite. La formation des enseignants doit donc être pensée et élaborée non pas seulement avec les acteurs actuels des inspections générales ou de l’Université ou les seuls « penseurs » ou personnalités nationales mais aussi avec des vrais praticiens et chercheurs qui s’appuient sur des réalités et des méthodes nouvelles ou non, expérimentées sur le terrain dans les écoles ,et qui doivent confronter leurs idées. Il doit en sortir un véritable projet national de formation aux pédagogies adaptées aux élèves de France. La liberté et l'innovation pédagogique doivent reprendre tous leurs sens et être boostées. On doit en faciliter l' intégration dans la formation et ne pas en rester aux seules recettes traditionnelles .Et cela doit être vite mis en place, ce qui est possible si on y met les moyens opérationnels et qu’on casse les lourdeurs administratives ou les freins d’une bureaucratie nationale inadaptée. Elle doit aussi être construite avec les intéressés en formation qui doivent s’approprier les connaissances et « avoir leur mot à dire » et sans les infantiliser comme on l'a connu avec les élèves professeurs dans certains IUFM dans le passé. Celles et ceux qui y sont passés peuvent en témoigner.
LA FORMATION CONTINUE semble être effleurée et être le parent pauvre, au niveau budgétaire notamment mais pas seulement. Il faut pourtant de manière urgente mettre les moyens de la formation continue et donc les moyens pour que la rénovation pédagogique se poursuive et s’intensifie dans chaque école. Les heures « d’animation pédagogique » traditionnelles sont sans doute utiles mais insuffisantes. C’est essentiel et vital.
"La refondation sera pédagogique ou ne sera pas."
Il est réaffirmé LA NON DISPARITION DES RASED (Réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté): « Les spécificités des missions et du fonctionnement des RASED seront réexaminées et s’intégreront dans une logique de complémentarité avec l’ensemble des dispositifs d’aide. » Il s’agira d’être vigilant. La « grande difficulté » doit se traiter durant le temps scolaire avec les RASED et ses équipes d’enseignants spécialisés. Ils ont été formés pour ce faire. La loi est plus que vague. Il ne faudra pas accepter n'importe quoi car il y a du retard à combler en ce domaine. Les équipes des RASED auront à être confortées très rapidement par des moyens humains.
« L’EGALITE DES TERRITOIRES passe par une affectation prioritaire des moyens attribués en faveur des territoires en difficulté pour permettre un rééquilibrage". Soit, mais cela fait penser à la gestion de la pénurie actuelle qui rééquilibre les territoires mais qui font stagner, comme dans Nord, l’accueil des deux ans en maternelle parce que ce département est soit disant "en avance" et mieux doté que les autres . C’est ce que qui a été répondu quand la question des moyens a été posée et qui fait qu'on se retrouve dans la même situation que l'année dernière : classes saturées et refus d'acccueil.
C’est peu précis sur la mise en œuvre et il manque encore une fois, comme pour les rythmes, un plan cohérent de mise en place avec des moyens affirmés.
LE LYCEE
Quelques affirmations ou suppositions de bilan quant à la précédente réforme, quelques principes pour l'avenir mais on sent un manque de réflexion et des objectifs proposés qui ne font pas le cadre d'une loi.
L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR:
Ce qui est proposé me semble très timide et n'est aucunement en rupture avec l'organisation actuelle. L'université a besoin d'être recadrée et revue de fond en comble pour qu'enfin les étudiants puissent étudier et dans de bonnes conditions et qu'on tienne compte de leur avis. Il faut aussi casser la prédominance de certaines castes qui "font la loi" et sous prétexte d'autonomie préservent leur pré carré.
Plus qu'insuffisant!
CO-EDUCATION ?
Il ne suffit pas de dire (je cite) : "La promotion de la « co-éducation » est un des principaux leviers de la refondation de l'école. Elle doit trouver une expression claire dans le système éducatif et se concrétiser par une participation accrue des parents à l’action éducative dans l'intérêt de la réussite de tous les enfants. Il convient de reconnaître aux parents la place qui leur revient au sein de la communauté éducative."
La loi supprime de fait le comité des parents dans le primaire. C’est un retour en arrière. C’est un affaiblissement du rôle des parents à l’école. Pourquoi ? Cela était dans le texte initial et a été retiré. Alors qu’il faut aller vers la co-éducation, ce retrait n’augure rien de bon pour les futurs partenariats enseignants/parents.
Du même ordre, la suppression du pouvoir de décision des parents dans l'orientation,
De la même façon, pour les enfants handicapés, la loi donne la possibilité à l'école de contacter directement la MDPH(Maisons Départementales des personnes Handicapées) pour modifier les termes de la scolarisation sans demander l’avis des parents.
Drôle de façon d'associer les parents à l'avenir de leurs enfants. Il eut fallu mettre en place des modalités permettant une véritable co-décision. Des paroles aux actes...il y a loin donc.
Rien n’est dit d’ailleurs sur la MDPH , grand « machin » qui fonctionne mal et a bien du mal à gérer les dossiers laissant souvent des enfants en attente de solutions.
Est-ce là le meilleur moyen de mettre en œuvre le concept de co-éducation affirmé dans la loi ?
J’attends avec impatience la réaction des associations de parents d’élèves ,et notamment de la FCPE, sur le texte correspondant de la loi , elle qui a réclamé un statut pour les parents élus dans les diverses instances de l‘Ecole et qui, à raison, a toujours jusqu'à présent défendu la co-éducation et qui a des propositions .
RYTHMES « SCOLAIRES »
Pour les rythmes, la loi précise que la semaine de 36 semaines de cours "devra évoluer au cours des prochaines années". Sans doute. Mais il faudrait pour cela attendre que les programmes soient correctement revus avant que de d’annoncer n’importe quoi comme cela a été déjà fait en lançant un débat non fondé sur les vacances.
Mais les termes du décret sur les rythmes qui a été promulgué avant la loi n’ont pas été touchés malgré des dépots d'amendements.Sans doute il ne fallait pas désavouer le ministre ou bien les députés n’ont pas été bien informés des conséquences de ce décret publié dans la précipitation. Pourtant ils le devraient, beaucoup étant élus municipaux, voire maires. Ce carcan contenu dans la loi sous la forme de 9 demi -journées hebdomadaires, avec des indications horaires restrictives sans réels fondements, gênera des collectivités locales et des écoles qui ont construit des projets adaptés et concertés et les mettra dans l’illégalité. La précipitation est telle qu’on n’a pas pris le temps, avant de sortir le décret, d’examiner les projets qui sont en cours d’expérimentations et qui vont dans le sens de la refondation. A croire que dans les écoles, rien ne se fait, rien ne se construit, qu’il n’y a pas d’équipes pédagogiques qui cherchent à avancer, qui expérimentent et avancent ! Etre ministre de l’éducation ou député c’est aussi s’informer et tenir compte de ce qui existe et ne pas faire le contraire de ce qu’on doit faire dans la refondation : ne pas mettre en place des carcans généralistes d’un autre temps basés sur de vieux concepts.
INSTRUMENTALISATION POLITIQUE ?
Monsieur Peillon a dénoncé une "instrumentalisation politique" de sa réforme sur les « rythmes scolaires ». Une majorité de villes grandes ou petites ne veulent pas en effet appliquer la réforme en 2013. Des enseignants et des parents ne sont pas d’accord pour la rentrée 2013 et ils ont des raisons : non consultation, pas de projets partenariaux, décisions autoritaires unilatérales de collectivité locales,… Finalement, celui qui ne veut pas de son décret appliqué en 2013 est –il un idiot qui ne comprend rien, instrumentalisé ? Cela ressemble à du mépris!
De ce que peut dire la droite sur le sujet est nul et non avenu, je m’en suis exprimé dans l’article précédent.
Désolé, je ne me laisse pas instrumentaliser comme cela. Non plus, d’ailleurs, les municipalités de gauche pour n’en rester qu’à celles-ci et y compris de très grandes villes qui ont choisi d’attendre 2014. Ce n’est pas non plus, comme le disent certains journalistes « une division des municipalités de gauche » mais plutôt, pour nombre d’entre elles, la sagesse de refuser de travailler "à la va vite" sans mettre en place de réels projets véritablement concertés.
Je l’ai dit de nombreuses fois, la refondation ne se fera pas en un jour.
Pour réussir, il faut l’adhésion, le rassemblement, la motivation autour de projets locaux dignes de ce nom.Le vote de la loi ne changera rien si on ne tient pas compte des acteurs qui devraient être ceux du changement et sans lesquels rien ne bougera si la confiance n’est pas au rendez-vous : les enseignants, les parents, les associations culturelles et sportives et leurs animateurs, les autres intervenants qui ont une part ou une autre dans la responsabilité éducative de l’enfant et les collectivités locales dont le rôle est de favoriser des projets éducatifs construits autour de l'enfant et en concertation par tous les acteurs qui devront les mettre en oeuvre. Le rôle des collectivités locales n’est pas d’imposer , comme certaines le font, un nouveau carcan horaire qui met en péril les évolutions parce qu'elles n'ont pas compris ce que doit être la refondation et en tout cas pas la justaposition d'"activités périscolaires" et de garderies aux créneaux d'"activités" de l'école.
Pour refonder, innover, changer il faut du temps. L’objectif n’est pas de faire plaisir à un ministre et à un gouvernement qui est de sa formation politique ou faire plaisir aux parents suite à on ne sait quel sondage qui recueille des avis subjectifs. Demander si les parents sont pour ou contre le mercredi ou le samedi n'apporte rien à la construction d'un projet éducatif.
(Illustration de la fable de Jean de La Fontaine: le lièvre et la tortue, Livre VI, fable X .peintre inconnu 1936,utilisateur alexandrin, Domaine public)
L’objectif est bien de jeter les bases d’une vraie refondation qui ne peut se faire que si la confiance est de la partie. Des maires de villes comme LILLE mais aussi DUNKERQUE, par exemple, l’ont compris et jouent le jeu de la vraie construction d’un projet avec les partenaires au service des enfants. Etant du Nord , je les cite car je sais les projets sérieux en cours de réflexion. Ce n’est pas facile et il existe beaucoup d’avis qui divergent, des contraintes. C’est pour cela qu’il faut du temps et de l'information pour ne pas faire n'importe quoi.
Quitte à me répéter, je redis que publier un décret sur les « rythmes scolaires » alors même que la loi n’est pas encore votée au parlement est – au choix- une aberration, une erreur ou relève de la pure technique politicienne pour faire croire qu’on va amorcer le changement rapidement.
C’est une absurdité, en tout cas, que de faire mettre en place le carcan d’une semaine de 9 demi-journées qui sera vide de sens car le temps de l’information n’a pas été fait, le temps de la réflexion n’est pas donné et on n’aboutira à rien d ‘autre qu’à une superposition sans liens et sens de créneaux de temps « école » et de temps d’activités « périscolaires ». On le constate déjà dans certaines organisations décidées dans certaines villes où on mettra par exemple un créneau de ¾ d’heure après la classe qui ne pourra qu’être de la garderie ou quand on rallonge la pause méridienne en imposant aux enfants un temps de récréation plus long. Tout cela est fait à hâte, sans projet de fond qui n’aura pas eu le temps d’être construit par ce que la collectivité locale a voulu que ce soit fait pourla rentrée 2013 et a imposé dans la plupart du temps son carcan horaire en fonction de ses seules décisions.
Est-ce cela la refondation ?
IL FAUT INFORMER !
L’information est l’une des clés indispensables pour la mise en place sérieuse de la refondation (sur les rythmes de l’enfant, le sommeil, les pédagogies, …) et si tout le monde n’est pas au même niveau - ce qui est le cas dans la majorité des secteurs- et que l’on se base sur la subjectivité des uns ou des autres ou, comme le font certaines communes actuellement , sur des sondages pour décider de telle ou telle organisation, on s’agite, on se dépêche et on va dans le mur de l’échec .
IL FAUT DONC SE MOBILISER POUR REUSSIR
Comme je le disais dans mon précédent article « Il faut se mobiliser POUR REUNIR EN SESSION EXTRAORDINAIRE LES CONSEILS D’ECOLE AVANT LE 31 MARS 2013 et faire savoir aux DASEN ( Directeur Académique des Services de L'éducation nationale) que la mise en place d’une semaine de quatre jours et demi telle que voulue par le décret doit être reportée à la rentrée 2014.
Ensuite, il faut interpeller les sénateurs qui ont le pouvoir de modifier la loi lors de leurs travaux du mois de juin 2013.
(Palais du Luxembourg, Paris entre 1851 et 1870, auteur Édouard Denis Baldus -1813/1889- Domaine Public)
Le décret sur les « rythmes scolaires » comporte des erreurs fondamentales qu’il faut rectifier. Que les sénateurs s’informent encore mieux de ce qui existe et prennent en compte les avis de ceux qui connaissent le terrain s’ils veulent que la confiance de tous les acteurs éducatifs revienne et que la zizanie constatée dans nombre d’endroits cesse. Ce n’est pas difficile : il suffit d’être à l’écoute.
POUR CONCLURE ...
Quitte à paraître prétentieux, mais tant pis, je conseille au ministre de l’Education nationale de mettre en place, rapidement, un travail de concertation avec les syndicats des personnels du premier degré sur la revalorisation de leur fonction, leurs horaires, leurs missions. Il est plus que temps de redonner confiance à ce personnel qui accomplit injustement le plus grand nombre d’heures de service de la catégorie des professeurs avec des charges de travail importantes. Il faut aux équipes pédagogiques les moyens humains et les temps de concertation nécessaires pour changer leurs pratiques de prise en charge des enfants durant le temps éducatif scolaire. Ce n'est pas une prime qui fera la motivation mais la revalorisation morale et matérielle effective de leur fonction et la confiance en leurs savoir-faire qu'ils ont acquis pour certains depuis de longues années.
Il ne faut pas oublier que les textes – et j’en ai connu beaucoup – ne sont rien sans les acteurs de terrain du système éducatif. Si la motivation, la confiance et les moyens sont là, le texte portera ses fruits. C’est tout ce que je souhaite.
Patrick PATTE
« Se mobiliser et proposer avant le 31 mars* pour la Refondation de l’Ecole !Le décret sur les rythmes : l’avis de Claire LECONTE, chercheur en chronobiologie »
Tags : refondation, rythmes scolaires, Peillon, école