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MUNICIPALES EN JUIN : LIBERTÉ, EGALITÉ et FRATERNITÉ! - 3 sur 3
Cette troisième partie de l’article sur le deuxième tour des municipales revient donc sur les arguments énoncés par ceux qui ont demandé qu’il soit tenu en juin 2020, trois mois après un premier tour dont les résultats ont été biaisés par l’abstention due au coronavirus. Un petit inventaire de quelques résultats le montre aisément.
Image par Gerd Altmann de Pixabay
DES RÉSULTATS DU PREMIER TOUR BIAISÉS PAR L’ABSTENTION
Je me suis donc « amusé » à examiner ces résultats et il est clair que les taux d’abstention dans les grandes villes de nombre de ceux qui ont signé l’appel pour la tenue du deuxième tour des élections en juin, sont importants et ont à mon sens joué sur la sincérité* des scrutins. On trouve de tout dans les arguments énoncés par ces élus pour plaider en faveur d’un deuxième tour en juin. Aucun ne fait vraiment référence aux raisons qui ont fait que des citoyens, nombreux, ne sont pas venus voter au premier tour.Le président des Républicains Christian Jacob sur France Inter le 12 mai. :"Si on est capables d'ouvrir les écoles, les collèges, les lycées, les commerces, je ne vois pas au nom de quoi le deuxième tour ne pourrait pas se tenir en juin ».
Un argument plutôt sommaire…Je rappelle que l’on est incapable d’ouvrir toutes les écoles, que seuls 1,5 millions d’élèves de maternelle et du primaire ont pu aller en classe et on sait dans quelles difficiles conditions, que depuis plus de 70 écoles ont fermés pour cause de détections de cas de covid-19 et que ce ne sont pas les élèves le plus en difficulté qui y sont pris en charge. Ce n'est pas moi qui le dit mais le ministère et les syndicats d'enseignants.
La Maire de Paris Anne Hidalgo : « C’est une question de démocratie ». Je pense quant à moi que la démocratie n’y est pas et ne sera pas. Malgré des mesures sanitaires très strictes pour limiter la contagion, ce premier tour des municipales a connu un taux d’abstention record de 57%. A Paris, la maire socialiste sortante, Anne Hidalgo, est arrivée en tête (30%), devant Rachida Dati (22%) et Agnès Buzyn (17%)…si on considère les suffrages exprimés alors que l’abstention est de 57,7% ! Pas de quoi pavoiser quant à la démocratie… 162 219 voix sur 1 332 269 soit 12,18% des électeurs inscrits qui lui ont donné leurs suffrages. Pour mémoire, en 2014, il y a eu 43,73 % d’abstention soit une différence donc de 14% d’électeurs qui ne sont pas venus voter cette fois-ci pour les raisons que l’on connait… Démocratie qu’elle disait la Maire parisienne…C’est son avis mais pas le mien.
Le maire socialiste de Dijon François Rebsamen : Il "faut relancer l'économie et les collectivités c'est 70% de l'investissement public". C’est un argument qu’on peut recevoir et discuter. Par contre il estime que la campagne pourra être réduite et qu'aller dans un "bureau de vote, c'est moins dangereux qu'aller s'empiler dans les grandes surfaces"."Je pense qu'il n'a pas besoin de campagne électorale, il y a juste une validation ou une poursuite du premier tour. Le premier tour a donné une photographie, ont été éliminées un certain nombre de listes. L'entre-deux tours, avec un dépôt des listes le mardi soir au plus tard, il reste trois jours le mercredi, jeudi et le vendredi, le samedi étant neutralisé. Donc il n'y a pas besoin de grande campagne." Pas très démocratique cette affirmation de réduire la campagne après 3 mois d’interruption. Comme je l’ai dit ci-avant, le premier tour a été biaisé et le valider c’est valider un vote biaisé… La liste de l'Union de la Gauche, ayant pour représentant François Rebsamen obtient 38,24 % des votes exprimés avec une faible participation : Seuls 35,93 % des électeurs de Dijon sont allés glisser leur bulletin dans l'urne. En 2014, 58,83% étaient allés voter… Une belle différence non ?
On peut aussi considérer les résultats d’autres villes où se présentent d’autres signataires…
Le maire de Nice, Christian Estrosi : arrivé largement en tête avec 47,62% des suffrages, on peut quand même remarquer que là aussi l’abstention a été très importante puisqu’elle se monte à 71,46% contre 45,82 en 2014 soit 26 points de plus d’abstention…
A Marseille : le taux d’abstention général est de 67,24%. Il atteint même 72 % dans certains secteurs de vote. En 2014, l'abstention s'était élevée à 46,47% des électeurs. On note là aussi une différence importante du taux d’abstention : + 20, 77%
Le maire de Bordeaux, Nicolas Florian : La liste divers droite menée par le maire sortant Nicolas Florian arrive en tête de ce premier tour des élections municipales, juste devant la liste écologiste de Pierre Hurmic : 96 voix seulement les séparent pour un nombre d’électeurs égal à 151 147. Le taux d’abstention à Bordeaux est aussi important : 63,07 % alors qu’en 2014 l’abstention était de 44,71% soit 18,36 de plus pour 2020.
Le Maire du Mans, Stéphane Le Foll, « Cette demande d’organiser le second tour le plus tôt possible avait été émise par une large majorité de maires. Nous étions tous conscients qu’il fallait donner rapidement une échéance dans la mesure où le déconfinement est largement entamé. Nous étions dans une situation ambiguë qui posait la question de la légitimité de l’action conduite par les maires ». Légitimité ? Si l’abstention est aussi forte au deuxième tout qu’en sera-t-elle pour une nouvelle équipe ? Résultats du premier tour au Mans : 63,56% d’abstention. En 2014 l’abstention était de 45,97%, là aussi donc une augmentation importante de cette abstention d’une municipale anxiogène. Où est et sera la légitimité ?
On pourrait ainsi continuer pour de nombreuses autres grandes villes ou d’autres de plus petites tailles… Ce n’est pas par hasard que le taux de participation a baissé en moyenne de 20% mais bien du fait de l’épidémie. C’est aussi l’avis de nombre de spécialistes matière d’analyse de scrutins.
A l’inventaire des arguments et surtout au vu des résultats d’une abstention inhabituelle et sans vouloir faire un procès d’intention à tous celles et ceux qui réclament un deuxième tout en juin, même si on peut supposer que pour certains il puisse y avoir une pensée de continuer de surfer à partir des résultats du premier tour pour l’emporter au deuxième , il n’en reste pas moins clair que le vote du premier tour n’a pas été « sincère *» et qu’il ne reflète pas un scrutin organisé dans une situation normale. C’est donc en cela que ce scrutin a été biaisé et à mon sens la démocratie n’a pas été strictement appliquée.
Parler de légitimité n’est donc pas à l’ordre du jour.Si le deuxième tour est organisé en juin, le scrutin risque d’être tout aussi biaisé même si on nous serine que toutes les conditions sanitaires sont réunies pour que ceux qui votent puissent le faire en toute sécurité, le virus est toujours là en embuscade…
Image par falco de Pixabay
POUR CONCLURE EN ATTENDANT LA CONFIRMATION D’UNE DATE…
Je pense qu’il serait sage d'attendre. Laissons aux gens le temps d'essayer d'apprendre à vivre le dé-confinement et notamment ceux qui sont à risques.
La démocratie c’est respecter les électeurs y compris ceux qui sont fragiles et ceux qui ont des craintes.
Lors du premier tour, on a dit « confinez -vous »…mais « allez voter » ce qui était contradictoire. On en a vu les résultats...
Pour le deuxième tour, certes le dé-confinement se met en place mais avec prudence car on ne revient pas à la vie avant le confinement et le gouvernement dit aussi aux personnes à risques – et elles sont nombreuses – limitez vos contacts et déplacements... mais allez voter. Ça concerne quand même 17 millions de personnes en France soit près d’un quart de la population. (Source : Conseil scientifique dans son avis du 4 avril 2020). La France compte en effet environ 67 millions d’habitants dont 9,9 millions ont plus de 70 ans dont 4,2 ont plus de 80 ans. Le Conseil scientifique estime pour sa part à 10 millions de personnes la population plus à risque de développer des formes graves de la maladie sur le critère de l’âge. De plus, d’après le conseil scientifique "En France, 10,8 millions de personnes sont porteuses d’une affection de longue durée dont 6,3 millions ont moins de 70 ans". Le dit Conseil Scientifique considère que, "dans l’état actuel des connaissances", près de 17 millions de personnes en France sont à risque plus important de développer des formes graves du nouveau coronavirus. Le compte est bon.
Alors pourquoi ne veut-on pas tenir compte de ces électeurs qui pourraient avoir des réticences à aller voter comme certains au premier tour ?
Faire élire des maires avec un pourcentage faible de participation tant au premier tour et sans doute au deuxième tour ne sera-t-il pas générateur d’un manque de légitimité de ceux qui seront élus ? Je le pense.
Il faudrait donc organiser de nouvelles élections municipales complètes pour tous les maires non‐élus au 1er tour.
C’est pourquoi il serait donc sage d’attendre pour respecter cette démocratie dont tout le monde parle mais qu’en définitive on n’a pas l’air de vouloir qu’elle s’applique à plein en faisant le nécessaire pour cela. C’est un constat.Les intérêts politiciens l’emporteront-ils sur l’intérêt qu'on devrait avoir de faire respecter la démocratie pour tous ?
Je le redis, le gouvernement ne devrait-il pas saisir immédiatement le Conseil constitutionnel pour qu’il se prononce sur la sincérité du scrutin du premier tour avant de prendre une décision définitive après l’examen de la situation sanitaire qui même si elle s’améliore n’est pas une garantie pour que tous les électeurs déposent leur bulletin dans l’urne? Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ou ne ne le fait-il pas?
Image par succo de Pixabay
La Liberté d'aller voter ne saurait être entravée par le manque d’Égalité qu'il y aurait que des personnes fragiles aient la crainte de le faire parce que la Fraternité envers celles-ci doit être la priorité que de l'examiner pour prendre les décisions à la hauteur de la démocratie de notre République.
*scrutin sincère: Selon les "Cahiers du Conseil constitutionnel n° 13 (Dossier : La sincérité du scrutin) de janvier 2003. Extrait : "Vue de loin, on peut définir la sincérité du scrutin comme le révélateur de la volonté réelle de l'électeur. Dès lors que celle-ci ne peut pas être connue de manière certaine, et donc qu'il est impossible de connaître avec certitude le choix majoritaire des électeurs, l'élection est annulée par le juge.
Toute la question est alors de savoir ce qui permet de garantir cette sincérité du scrutin. Et il faut bien reconnaître, qu'ici, la réponse n'est pas aisée tant les cas retenus par la jurisprudence sont nombreux et variés.
En réalité, en y regardant de près, on s'aperçoit que cette notion en apparence éclatée trouve son unité autour du respect d'un certain nombre de principes fondamentaux du droit électoral que l'on peut intégrer, pour reprendre l'expression de Pierre Garrone, dans le « patrimoine électoral européen ».
Ces principes sont: l'égalité, la liberté et le caractère secret du vote. Ils sont d'ailleurs si importants qu'ils font l'objet, dans la plupart des démocraties respectueuses de l'État de droit d'une consécration constitutionnelle."
( On peut trouver l'ensemble du texte ici : https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/la-notion-de-sincerite-du-scrutin . Un peu long à lire mais plein de nuances et d'enseignements pour faire son jugement sur la "sincérité" du scrutin du 1er tour des municipales 2020. Faudrait pouvoir lever le doute et dans ce cas le conseil constitutionnel jouerait son rôle que de le faire, me semble-t-il. )
LES TAUX d'ABSTENTION aux municipales depuis 1959 (Source Wikipédia)
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Tags : deuxième tour, abstention premier tour, municipales, campagne, démocratie, sincérité, personnes fragiles, fraternité