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Mariage pour tous à reculons ?
Je ne sais si c’est au tour de François Hollande de participer aux COUACS de la majorité, il n’en est pas moins vrai qu’on peut être très surpris des propos qu’il a tenus ce mardi au congrès des Maires.
En abordant le sujet du « mariage pour tous » et de la loi qui est en train de se travailler et doit être votée en janvier prochain, il a déclaré : «Les débats sont légitimes pour une société comme la nôtre »... On nepeut qu'être d'accord Il dit ensuite à propos des maires et du mariage pour tous :«Les possibilités de délégation existent, elles peuvent être élargies et il y a toujours la liberté de conscience»… «La loi s'applique pour tous dans le respect, néanmoins, de la liberté de conscience»…
Stupéfiant !
( Couverture d'un livret de famille parisien de 1948, image auteur Laubrière,licence Creative Commons Paternité – Partage des conditions initiales à l’identique 3.0)
Cette déclaration de François Hollande est pour le moins inutile voire déplacée : la loi prévoit depuis longtemps la possibilité pour un maire de déléguer à ses adjoints ou un conseiller municipal des actes d’état civil comme le mariage. La délégation élargie existe et il n’est pas besoin d’ajouter de « liberté de conscience » supplémentaire. Où est l’intérêt d’une telle déclaration ?
Elle a provoqué le trouble.
Sont - ce les manifestations organisées ce dernier week-end par des opposants à la loi ou par l’institut Civitas qui ont fait opérer ce qu’on peut appeler un virage quant à la détermination du président de la république de faire voter une loi qui pourrait inclure la « notion de liberté de conscience » ?
Couac ou dérapage ? Il faut espérer que c’est une erreur d’expression de la part du président de notre République.
D’une part, si cela était intentionnel, cela montrerait que l’on est prêt à céder à la pression de lobbies religieux extrémistes et autres. Si chacun a le droit de s‘exprimer sur le fait qu’il soit d’accord ou non avec un projet de loi , il n’est pas normal qu’un président de la république recule dans la mise en place d’une loi annoncée depuis longtemps, qui a l'assentiment de sa majorité et qui est contenu dans son programme de campagne des élections présidentielles. Le sujet est mûr dans la population et il ne faut pas se laisser influencer par ceux qui veulent rallumer le feu de la discorde entre français en prenant prétexte d'un sujet qui a été largement débattu de toute part en France.
(écharpe tricolore d'élu,auteur Rama,licence Creative Commons Paternité – Partage des conditions initiales à l’identique 2.0 France)
Je rappelle que le mariage « pour tous » est une avancée pour mettre tous les citoyens à égalité au regard des droits par rapport à l’acte civil qu’est le mariage ceci quelle que soit sa sexualité. C’est pour cela qu’il ne faut pas parler de « mariage homosexuel ou gay » mais bien d’une extension de l’acte civil de mariage à tous les citoyens.
Le mariage civil n’est pas obligatoire et est indépendant du mariage religieux qui n’est pas non plus obligatoire.
Les religions ont leurs dogmes qu’ils appliquent et c’est leur droit et on le respecte. C’est aux croyants de déterminer de quelle manière ils appliquent leurs préceptes dans le cadre de leur religion et pour eux-mêmes mais ils n’ont pas à intervenir dans le cadre civil pour les autres.
Le mariage religieux n’a donc rien à voir avec le mariage à la mairie qui est un acte civil. Le fait qu’il soit étendu à tous n’enlève rien à ceux qui, hétéro sexuels, sont mariés ou pas. Il permet simplement à chaque citoyenne et citoyen d’avoir les mêmes droits et que dans les faits cessent les discriminations au moins à ce niveau. La loi tiendrait ainsi compte de l’évolution des mœurs.
Alors où est le problème pour qu’une loi de progrès allant dans ce sens soit voté ?
D’autre part, il n’est pas acceptable que l’on puisse permettre qu’il y ait une clause de la loi qui introduit la « liberté de conscience ». Ce serait très grave!
Les maires sont des représentants de l’état.
A ce titre ils sont élus pour appliquer la loi. Ils doivent tout faire pour cela et n’ont pas à faire obstacle à la mise en oeuvre de celle-ci.
Introduire « la liberté de conscience » dans la loi permettrait non seulement à un maire de refuser de marier un couple homosexuel mais aussi d’ouvrir la porte à toutes sortes d’interprétations et de discriminations. Un maire pourrait refuser de marier « un noir et une blanche », un couple dont la femme est enceinte, deux divorcés, un ancien détenu, ….ou tout autre couple qui ne lui conviendrait pas selon sa liberté de conscience. Et on pourrait l’étendre à d’autres actes…
Le président de la république ne doit pas permettre d’ouvrir la moindre faille dans l’application d’une loi quelle qu’elle soit, qui permettrait à chacun de l’interpréter en fonction de ses propres convictions y compris religieuse.
N’est-il pas le gardien des institutions ?
François Hollande se doit d’urgence d’arrêter les spéculations sur le sujet. Il ne doit pas attendre janvier 2013 pour faire ouvrir le débat à l'assemblée nationale et tenir avec fermeté ses engagements .
Tout autre attitude ne serait pas comprise.
( Buste de Marianne dans une école,auteur AchilleT,2007, domaine public)
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