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LOI EL KHOMRI: LE CODE - 2 - LE VRAI FAUX RECUL
Pour faire suite à la rencontre de Manuel Valls, premier ministre avec les organisations syndicales des salariés et du patronat et les syndicats étudiants, au vu des modifications du texte annoncées et qui devront être confirmées dans un nouveau texte de projet de loi, j’estime que les avancées ne sont pas suffisantes pour lever la crainte d’une rédaction d’un code du travail déséquilibrée qui, en l’état de la situation de l’emploi, affaiblira la sécurité des salariés face aux licenciements.
Comme dans mes propos précédents, je dis qu’un nouveau code du travail tel qu’il pourrait être rédigé n’est pas la priorité.
(image modifiée de succo CC0 domaine public)
Pour qui se prend-il, diront certains, pour avoir la prétention d'asséner de tels jugements: un économiste, un expert du monde du travail, un énarque, un journaliste...? Non bien sûr, je ne suis qu'un citoyen au riche parcours personnel qui appris à lire, écouter, réfléchir et compte bien continuer ainsi pour ne pas s'en laisser compter par des affirmations d'où qu'elles viennent y compris des plus hautes autorités ou experts de l'Etat que je respecte dans la mesure où ils respectent mon intelligence ce qui n'est pas toujours le cas. Fin de la parenthèse.
LE VRAI FAUX RECUL
On ne me fera pas croire que les réactions des diverses organisations syndicales n’étaient pas attendues par Manuel Valls et François Hollande après les annonces de modification du projet de loi.
Une première remarque : les organisations de lycéens qui avaient été reçues par le premier ministre n’étaient pas conviés à la réunion de ce lundi. Mépris ? Erreur ? Difficile à dire. En tout cas, ils ne sont pas contents et le font justement savoir.Une deuxième remarque que je fais mienne, est celle du responsable de l’UNEF : comment peut-on en cinq jours pouvoir prétendre comme le font Manuel Valls et François Hollande récrire avec sérieux un projet de loi qui va modifier en profondeur le code du travail ?
Cela sent en effet la consultation et des négociations pour le moins empreintes de superficialité comme si tout cela était prévu d’avance et que de toute façon on connaissait déjà les points sur lesquels on allait lâcher pour faire croire à l’opinion qu’on écoute et qu’on tient compte des remarques. Du bricolage dit-il...Une troisième remarque qui a trait au titre de ce billet : Le VRAI FAUX RECUL.
Il n’y a en réalité pas de vrai recul car Manuel Valls et François Hollande connaissaient depuis longtemps les points sur lesquels ils allaient devoir montrer plus de souplesse pour ménager les uns et les autres . Ce ne sont pas des idiots mais des politiques roués.
Les uns ce sont les organisations syndicales « réformatrices » habituelles sur lesquelles le gouvernement s’appuie pour faire croire que ses réformes recueillent l’assentiment des organisations syndicales de salariés : La CFDT, la CFTC, la CGC...ou la FAGE pour les étudiants qui pour l’occasion trouvent donc une réponse à leurs minimales revendications mais acceptent le reste qu’il est pourtant important de remettre en cause, qui crient à la victoire pour montrer qu’eux, ils obtiennent des résultats. Un jeu de dupe pour les travailleurs. LA CGT, FO, L’UNEF et d’autres syndicats voient un peu plus loin, à mon sens, que la satisfaction immédiate de quelques points qui même s’ils ne sont pas mineurs n’en sont pas les plus essentiels pour l’avenir des conditions de travail, de rémunération et de sécurité des salariés. Il y en a bien d’autres que j’ai déjà détaillés et sur lesquels je reviens ensuite.
Du côté du MEDEF, on se plaint un peu du « recul » sur les indemnités prud’hommales plafonnées mais on ne désapprouve pas l’ensemble du projet modifié. En réalité, je suis persuadé qu'en coulisse, le MEDEF se frotte les mains car l’essentiel du projet de loi EL KHOMRI est maintenu pour la facilitation des licenciements et le fonctionnement des entreprises soumis à des accords locaux qui pourront se faire en dehors de tout accord minimal national tant du point de vue des horaires que des rémunérations, des heures supplémentaires....
(sebadelval, CC0 domaine public)
LES MODIFICATIONS : UN ECRAN DE FUMEE POUR FAIRE PASSER LE RESTE ?
Oui, il y a eu des modifications du projet de loi mais ce n’est, à mon sens, que pour faire passer le reste et elles ne prennent en compte que les modifications suggérées de la CFDT ou des syndicats « réformateurs » et ne touchent guère aux mesures prisées par le MEDEF.
Le Plafonnement des indemnités prud'homales pour licenciement abusif est devenu indicatif pour le juge. Cela ne plait pas bien sûr au MEDEF. Mais on sent bien dans les propos de Pierre GATTAZ qu’il s’en accommodera si on ne va pas plus loin pour modifier le reste.
Sur les conditions des licenciements économiques : il n’y a guère de changement puisque les critères de licenciement sont maintenus et notamment les quatre trimestres consécutifs de baisse du chiffre d'affaires et les deux trimestres consécutifs de perte d'exploitation.
La seule concession qui a été faite c’est un meilleur contrôle du juge qui pourra vérifier que les multinationales n'organisent pas artificiellement leurs difficultés économiques sur le territoire français pour licencier. Mais c’est encore flou et incomplet.
L’allongement du temps de travail des apprentis est supprimé. C’est une bonne chose.
Les salariés « peu qualifiés »pourront voir leur compte personnel d’activité crédité jusqu’à quarante heures par an (vingt-quatre heures pour les autres). Le plafond sera porté de 150 heures à 400 heures. C'est mieux. Mais le compte épargne temps ne sera pas intégré au CPA.
D’autres mesures seraient prises :
- pour le dialogue social quand il n’y aura pas de représentation syndicale dans l’entreprise, il sera possible de négocier avec un salarié mandaté par un syndicat...
- Un minimum garanti dans le code du travail pour les congés pour événements familiaux
- Pour la Modulation du temps de travail c’est l’accord de branche qui prévaudra
La Garantie jeunes sera généralisée pour devenir un droit personnel et universel pour tous les jeunes sans emploi ni formation. Mais le dispositif reste expérimental et offre, pour une durée d'un an, un accompagnement renforcé, des périodes en entreprise et une allocation mensuelle de 450 euros non plus pour 100 000 jeunes mais pour tous les jeunes.
Il n’est pas dit comment sera financé ce dispositif qui peut intéresser 900 000 jeunes et à partir de quand cela prendra effet et pourtant ça urge. Pourquoi avoir tant attendu et ne pas l’avoir fait au début du mandat? Plusieurs centaines de milliers de jeunes seraient déjà dans les rails du processus. Et il faut donc aussi plusieurs milliards... Où va-t-on les prendre?
LE RESTE N’EST PAS MODIFIÉ ET POUR CAUSE...
Le discours est toujours de faire croire que faciliter le licenciement y compris des CDI pourra permettre d’embaucher notamment de jeunes ce qui est complètement contradictoire.
Des dispositions importantes n’ont en effet pas été modifiées.
Le gouvernement a publié un document synthétique qui est la base de la réécriture du projet de loi --> http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2016/03/principales_mesures_de_la_loi_du_travail.pdf
TRAVAILLER PLUS POUR GAGNER PAREIL.
Après le « travailler plus pour gagner plus » de Sarkozy et ses heures supplémentaires défiscalisées qui ont été un frein à l’embauche, voici la nouvelle formule du « travailler plus pour gagner pareil » (ou un peu plus si le patron est correct). Permettre en effet à une entreprise de modifier les plafonds actuels pour faire travailler jusqu’à 12 heures, 46 heures par semaine et alléger le coût des heures supplémentaires - qui pourront être étalées pour être payées sur 3 années - cela encouragera plutôt les entreprises à ne pas embaucher.
Les salariés pourront travailler plus parfois, même pour un salaire identique dans le cadre d’un accord local d’entreprise car si le salaire mensuel ne changera pas, le salaire horaire pourra être diminué... Travailler plus pour gagner pareil...
Et les chômeurs seront toujours au chômage.
(Laurent, domaine public)
LES MODIFICATIONS DU PROJET DE LOI NE TOUCHERONT PAS A CE QUI EST APPELÉ LA "NOUVELLE HIERARCHIE DES NORMES".
Cette nouvelle hiérarchie veut, selon la ministre du travail et le premier ministre, faciliter le dialogue et la négociation dans l’entreprise.
Comme je le disais dans l’article précédent c’est bien là qu’est toute la perfidie du projet de loi dans la mesure où privilégier la négociation d’entreprise alors que le rapport de forces patron/salarié n’est pas égal c’est de fait fragiliser tout le système de protection des travailleurs.
Car actuellement, dans la plupart des situations de négociation, un accord d’entreprise ne peut pas être moins favorable qu’un accord de branche ou que le code du travail.
Nous ne sommes pas au Danemark où les syndicats sont puissants dans les entreprises et négocient d’égal à égal avec le patron. L’avant-projet de loi prévoit qu’en de nombreuses circonstances, l’accord d’entreprise puisse prendre le pas sur les dispositions de l’accord de branche ou du code du travail (sauf si ce dernier prévoit explicitement un minimum).
Dans ce cadre, le référendum d’entreprise est maintenu.
C’est ainsi que l’accord d’entreprise pourra abaisser le taux de majoration des heures supplémentaires à 10% alors qu’actuellement c’est 25% minimum de par le code du travail. Les heures supplémentaires pourraient être décomptées (payées ou posées en récupérations) sur une période de trois ans maximum en cas d’accord collectif ...
En résumé, la facilitation grâce à un accord local d’entreprise de pouvoir recourir à une augmentation du temps de travail sans augmentation de salaire avec les salariés déjà en place, à des heures supplémentaires plafonnées à 10% ne va absolument pas encourager à embaucher.
C’est donc bien là que le projet de loi El KHOMRI est perfide et déloyal pour les salariés et les chômeurs et que le code du travail tel qu’il sera conçu ne permettra ni d’embaucher ni d’ailleurs de remplir les carnets de commandes.
AUCUNE MESURE SUPPLÉMENTAIRE POUR EVITER LES EXAGÉRATIONS DE L’EMBAUCHE EN CDD OU EN INTERIM N’A ÉTÉ PRÉVUE.
Les entreprises recourent en effet de plus en plus à ce type de contrat par peur de l’avenir de leurs carnets de commande et cela peut se comprendre.
Mais la loi EL KHOMRI ne résoudra rien dans ce domaine. Comme je le disais dans mes articles précédents, un code du travail complètement déconnecté d’un véritable projet de croissance et de développement de nos appareils de production, d’un financement massif de la recherche et de l’aide à l’innovation, la facilitation des trésoreries des entreprises en création...ne pourra rien résoudre et s’ajoutera sans effet positif pour le court, long ou moyen terme aux diverses « mesurettes » actuelles. La plus belle preuve est l’échec patent du pacte de responsabilité qui n’a en aucune manière fait infléchir vers le bas la courbe du chômage. Ce code ne sera que de la poudre aux yeux pour les salariés et les patrons qui ont besoin d’autre chose que du vent pour leur permettre, dans l’entreprise, chacun étant sécurisé justement et de manière équilibrée, de produire des richesses qui intéressent les acheteurs qu’ils soient en France ou à l’étranger.
POUR CONCLURE PROVISOIREMENT
Le nouveau projet de loi EL KHOMRI n’accouchera donc que d’une caricature de code du travail qui n’apportera qu’une aggravation des tensions entre les salariés et les patrons sans permettre de remplir les carnets de commande alors que c’était la coopération qu’il fallait viser, ceci dès le début du mandat dans le cadre d’un vrai projet pour la reconquête du développement des capacités de nos entreprises tant sur le plan humain que sur le plan de la recherche , de l’innovation et de l’utilisation de nos infrastructures.
Au lieu de cela, le gouvernement a suivi, de manière partisane, les vieilles recettes économiques d’un MEDEF qui ferait bien de réfléchir à ses propres responsabilités quant à la dégradation du marché du travail. Céder à toutes les revendications du patronat en croyant que celui-ci va faire des efforts pour investir et embaucher grâce à la flexibilité accrue du travail est une grave erreur de jugement du gouvernement de François Hollande et l’attachement à une conception du développement du potentiel économique de notre pays complètement obsolète.
Mais je me répète...
Il faut donc continuer à demander le retrait du projet de loi EL KHOMRI, source de discorde au sein de l’entreprise et gadget nuisible pour l’emploi et l’avenir économique de notre pays.
(Franck.schneider - Travail personnel - CC BY-SA 3.0)
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Tags : Loi El Khomri, code du travail