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La conférence de presse de François Hollande
Ce mardi 13 novembre j’ai assisté, en direct, à la conférence de presse de François Hollande. Cela m’a permis de me faire une opinion sans passer par les filtres médiatiques des journaux de 20 heures.
Je n’entrerai pas dans le débat qui consiste à savoir si L'Elysée était ou non le bon lieu. Je laisse ça aux journalistes. Je n’ai rien à dire sur la forme. François Hollande fait une sorte de compte-rendu justificatif de ses six premiers mois de mandat . Les journalistes peuvent poser leurs questions dans une ambiance qui change de ce qu’on a pu subir sous Sarkozy : Pas d’effet de manche, d’agressivité inutile, de questions inintéressantes sur la vie privée du Chef de l’Etat. Une certaine solennité décontractée se dégage de l’ensemble.
Le président de la république a indiqué le cap qu’il voulait suivre et a expliqué la manière dont il avançait et allait poursuivre. Il était plus que temps...
(Entrée principale du Palais de l'Elysée à Paris, 22/10/2005 auteur TouN licence C.C.A-S Alike3.0 Unported )
Il n’empêche que, si sur nombre de points, il a remis les compteurs en phase avec ses promesses de campagne, et s’il dit lui -même qu’il n’a pas pris de tournant, il a avoué avoir évolué. Cette évolution sociale-démocrate se fait notamment sur la manière de prendre en charge la compétitivité des entreprises et sur sa manière d’agir dans le cadre de " l’’Union » européenne.
LES SUITES DU RAPPORT GALLOIS.François Hollande « revendique» l’idée du crédit d’impôt. Quand il dit « Un pacte, c'est le donnant-donnant. Il est donc normal qu'il y ait des contreparties » et que le crédit d’impôt « sera simple, sans aucune formalité administrative. Il sera général, toutes les entreprises seront concernées. Il sera rapide et efficace. » « Ce n'est pas un cadeau comme je l'entends, c'est un levier ». Je l’entends, mais je n’enlève rien des propos que j’ai tenus dans mon précédent article sur le manque de garantie effective que l’on pourra avoir sur la manière dont les entreprises utiliseront les 20 milliards d’allégement de charges.
Que le président affirme qu’il a la volonté de rassembler pour se battre contre la crise et de mettre un pacte en place, j’en suis d’accord. Mais un pacte veut aussi dire des engagements et un contrôle de ce que seront les contreparties. La présence de représentants des salariés au sein des conseils d'administration des entreprises (les plus grandes) n’est pas suffisante même si c'est une avancée. Des exigences devant faire l’objet d’accords écrits doivent être définies au préalable sur l’utilisation de l’argent public qui sera distribué. Faire « simple » oui mais « sans formalité », pas d’accord.
Un point positif : il n’a pas seulement parlé de compétitivité mais aussi de productivité et d’innovation. On verra à l’usage dans le temps. Ça ne se fait pas en un jour. Je pense qu’on doit utiliser une bonne part des fonds octroyés dans l’encouragement à l’innovation : faire des produits que les autres ne font pas et donc investir dans la recherche.
Faire trop simple peut aussi devenir très compliqué si on veut vraiment que l'investissement pour la production nationale soit effectivement pris en compte dans le pacte. Affirmer que nous avons des atouts à développer c’est bien, mais il faut en mettre les moyens et la dynamique pour que ça se concrétise. Rappelons simplement que nos entreprises françaises n’ont pas été des fers de lance dans l’investissement des profits en matière d’innovation. Beaucoup ont préféré délocaliser les technologies existantes pour faire des bénéfices en s’appuyant sur une main d’œuvre moins chère. Ce qui a été une erreur qu’il faut rectifier avec détermination d’où, je le répête, la nécessité d’un contrôle strict de l’argent public qui sera distribué.
Il faut aussi aider les créateurs d'entreprise par une simplification administrative et ne pas les taxer alors qu’ils n’ont encore rien gagné.
ET LE POUVOIR D’ACHAT ?
François Hollande a affirmé qu’il fallait mettre en place des mécanismes pour que les entreprises puissent se projeter dans l’avenir et que les salariés puissent avoir une certaine sécurité de l’emploi. Il faudrait rajouter aussi le point essentiel qui est celui du pouvoir d’achat et donc des salaires, un des éléments moteurs de la relance de la consommation. Il faut permettre à chacun de se loger, de se nourrir avec un revenu correct car on ne peut être performant qualitativement et quantitativement que si on est dégagé des soucis quotidiens.
La notion de "coût du travail" n’a pas été approfondie. Elle doit l'être...
Prendre le problème de la compétitivité sous le seul angle des charges salariales et donc du coût du travail est restrictif. Parler du coût du travail qu’il faut abaisser pour être compétitif n’a aucun sens si on en reste aux discours partiaux actuels de certains économistes « distingués ».
Arrêtons d’abord de dire comme le patron de PSA qui a licencié récemment 8 000 personnes que le coût du travail en France est le plus élevé d’Europe. C’est une fausse généralité. Dans l’industrie automobile, un travailleur allemand coûte 30% plus cher qu’un travailleur français. Pour Peugeot, c’est sa stratégie industrielle qui n’a pas été la bonne. Fermez le ban.
Selon l’institut Eurostat, dans l'Union européenne, le coût moyen du travail était, en 2011, pour les entreprises de plus de 10 salariés de 23,1 euros de l'heure. Mais il note de fortes disparités entre pays : de 3,5 euros de l'heure en Bulgarie, ou 7,1 euros en Pologne, à 44,2 en Norvège, par exemple.
Quand est-ce qu’on harmonise les règles européennes de la compétitivité pour avoir le même SMIC européen (le plus élevé bien sûr), des salaires qui permettent un niveau de vie amélioré dans tous les pays et donc un coût de travail identique ou presque dans toute l’Europe au lieu de permettre aux entreprises des disparités qui font les délocalisations ? Nous avons pourtant une monnnaie commune. Le rapport GALLOIS est muet sur le sujet. C’est pourtant une lutte prioritaire à mener pour une Europe qui se gausse de vouloir l’émancipation de ses peuples.
Avec 34,2 euros de l'heure en moyenne, la France est dans le groupe de pays au coût élevé, mais elle n'est pas la plus chère. Le Danemark est à 38,6 €, la Suède à 39,1, la Belgique à 39,3 €. Certes l'Allemagne, avec 30,1 euros de l'heure en moyenne, se situe au-dessous, mais il faut arrêter de faire de l’Allemagne le centre de l’Europe et la seule référence.
D’autre part quand on parle de la main d’œuvre et de son coût, Il faut aussi analyser la productivité horaire de cette main d’œuvre. On sait que « la productivité horaire de la main-d'œuvre communautaire est inférieure de 18% à celle des États-Unis et supérieure de 10 % à celle du Japon ». Mais certains pays comme la France ou l'Irlande disposent au contraire d'une productivité horaire supérieure à celle des Etats-Unis. Pour la France c’est 6 points de mieux. Et ce n’est pas d’aujourd’hui. Donc tout n’est pas si simple.
Je peux faire remarquer au passage que si certains rentiers du capital avaient géré intelligemment la règle de l’équité de répartition des richesses produites en gratifiant les salariés pour cette productivité au lieu de vouloir faire un maximum de profit à court terme, ils auraient favorisé le pouvoir d’achat des trvailleurs et donc augmenté la consommation. Au lieu de cela, ils ont délocalisé pour faire plus de bénéfices qu’ils n’ont d’ailleurs pas investis ni dans la recherche ni dans le développement et donc la productivité. Ils ont été soutenu en cela par la politique de Nicolas Sarkozy. Son slogan mensonger « travailler plus pour gagner plus » s’est transformé en « travailler plus longtemps pour gagner moins ». Les heures supplémentaires défiscalisées n’ont eu d’autres effets que d’installer ceux qui les ont faites dans un système basé sur "l'égoîsme" humain ce qui a donné l’illusion temporaire de gagner plus d’argent alors qu’en réalité les salaires auraient dû augmenter naturellement et en cela renforcer la consommation. Cela a aussi eu comme effet d’empêcher d’embaucher.
La confiance ça se mérite donc.
N’en déplaise donc au discours de la patronne du MEDEF, madame PARISOT, le vrai problème n’est pas seulement le coût du travail mais bien aussi la stratégie des entreprises pour conquérir les marchés et être compétitif en utilisant tous leurs atouts dont celui de la productivité…sur place.
Et c’est pour cela qu’il est indispensable d’avoir des garanties d’utilisation des 20 milliards de fonds publics par les entreprises.
Enfin, il faut aussi mettre en place dans le cadre du pacte, des accords qui garantiront que les salariés soient mieux et bien au travail pour exclure bien sûr toutes pressions inhumaines comme cela a été connu et existe encore dans certaines entreprises entraînant un mal être qui a conduit parfois à l’irréparable.
LE FINANCEMENT DES MESURES : la TVA (image Petr Kratochvil domaine public)
Pour ce qui concerne le financement par la TVA, le président Hollande est clair : il s’agit d’une restructuration de celle-ci. Pourquoi pas, c’est son choix.
Il n’en reste pas moins vrai que faire passer la TVA sur les produits de première nécessité de 5,5 % à 5% ne me convainc pas : cela n’aura aucun impact sur les prix ou alors ce sera « peanuts » * et vite rattrapé par des augmentations dont on n’a pas mis en place le contrôle.
Faire passer la TVA sur les travaux de 7% (5,5% l’année dernière) à 10% aura des incidences négatives sur les commandes de travaux aux petites entreprises et donc sur l’emploi. Il aurait fallu différencier de manière plus fine ce taux de TVA. Pour ma part, j’estime que dans la restauration un taux de 12% aurait eu le même effet, comme il le dit « de régler une fois pour toute la question de la TVA sur la restauration qui est un feuilleton depuis des années ». De manière globale rien n’a été fait dans ce secteur pour embaucher plus de personnel et le payer mieux exceptions faites par certains restaurateurs pas assez nombreux qui ont joué le jeu. Ces exceptions, il faudrait les récompenser en dissociant ceux qui ont fait les efforts de ceux qui ne les ont pas faits.
J’ai aussi noté que si la CSG (contribution sociale généralisée) n’a pas été touchée c’est pour laisser les partenaires sociaux libres de leurs choix quand ils se réuniront. Cela veut dire qu’à un moment ou à un autre, l’augmentation de la CSG sera d’actualité. A suivre…
Le président a aussi parlé des niches fiscales.
« C’était justice de revenir sur un certain nombre de niches fiscales, de revenir sur la réforme de l'ISF, justice aussi de solliciter ceux qui gagnent le plus: 75% au-delà d'un million, c'est fait ». D’accord avec lui et il respecte en cela ses engagements.
A mon sens on peut aller plus loin sur ces niches fiscales qui coûteront encore 70,8 milliards à l'état en 2013. Bien sûr il ne s'agit pas de tailler à la hache n'import comment mais si on veut trouver de l’argent pour agir, diminuer la dette etc… il faut d’urgence poursuivre la chasse aux niches injustifiées. Elles sont connues et recensées (voir le rapport de la cour des comptes).
Le président a oublié un élément de poids dans le coût du travail : LES DIVIDENDES.
Ce qui coûte cher dans certaines entreprises c'est le coût du capital. C’est aussi le coût des emprunts aux banques. Il faut mettre en place une limitation des dividendes aux actionnaires qui ne doivent pas dépasser un taux plafond qu’il faut étudier . C’est peut-être là que doit intervenir le fameux directoire dans lequel devraient participer en amont les représentants des salariés pour qu’il y ait transparence dans la répartition des bénéfices que ce soit dans les grandes, petites ou moyennes entreprises. Des règles sont à fixer au cas par cas. Pourtant elles pourraient dans certains cas – pas toujours - alléger le soit disant coût excessifs des produits fabriqués qu’on met uniquement sur le dos du coût du travail et donc des charges.
(image 1894, le père Peinard, auteur Emille Pouget, domaine public)
Une bonne nouvelle : de l' ordre dans les fonctions bancaires
Le président évoque « la création de la banque publique d'investissement, le relèvement du plafond du livret A et « une nouvelle étape » avec « la présentation de la loi bancaire » permettant de séparer les activités de dépôts et de crédit.
LA FISCALITE ECOLOGIQUE et le GAZ de SCHISTE
Pour ce qui, concerne la fiscalité écologique, le sujet ne semble pas mûr.
Et si était mise en place une TVA écologique qui ferait que moins un produit aurait parcouru de kilomètres pour arriver jusqu’au consommateur, moins il serait taxé et vice-versa ?
Il faut dans le domaine de l’écologie ne pas faire de l’écologie doctrinaire détachée des réalités sociales. Attention donc aux mesures qui pourraient être mal réfléchies par des technocrates administratifs de l’environnement et appliquées sans finesse d’analyse comme celle d’une taxation de l’énergie au prorata de la consommation. Je l'ai dit dans un autre article: ce sont les ménages les moins aisés ou les retraités « petits propriétaires » qui ont les logements les plus mal isolés car ils n’ont pas les moyens de faire des travaux d’isolation (contrairement aux plus aisés): il ne faut pas créer une injustice de plus.
Il faut aussi prendre des mesures nationales et européennes pour lutter contre les productions « à durée déterminée par les constructeurs » comme les écrans plats, les téléphones portables et autres qui alimentent les déchetteries et sont soi-disant irréparables.
Le gaz de schiste : Le président rappelle qu’ « Il y a eu une loi en 2011 qui interdit l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbure fondée sur le gaz de schiste. Je rappelle que je n'ai été élu qu'en mai 2012 ».
Il affirme que cet état de fait ne changera pas au cours du quinquennat.
Autant je suis totalement d’accord sur le fait qu’il ne faut pas extraire ce gaz avec les systèmes polluants actuels, autant j’affirme que c’est une erreur que de ne pas étudier et rechercher d’autres moyens d’extraction de ce gaz qui ne soient pas polluants , ceci pour faire plaisir à ses partenaires EELV (Europe Ecologie les Verts). Ce n’est pas parce que monsieur Jean-Vincent Placé, distingué sénateur écologiste, estime que le débat est clos et qu'il ne veut plus en entendre parler qu’il faut se résigner à ne pas lancer des recherches pour trouver d’autres solutions d’extraction du gaz de schiste, non polluantes. Attention aux doctrines qui amènent au sectarisme idéologique.
L’EUROPE.
J’attends le maçon Hollande au pied du mur de la vraie construction européenne et une autre fermeté que celle déployée jusqu’ici pour faire bouger les choses dans le bon sens. J'ai eu l'occasion de m'exprimer sur le sujet au moment du vote du pacte budgétaireeuropéen.(http://quaiducitoyen.eklablog.fr/non-au-futur-traite-budgetaire-europeen-a57451641).
Un pacte peu convaincant.
LES PROBLEMES INTERNATIONAUX.
Mali, Syrie : les réponses du président sont claires et les positions affirmées. A suivre. La situation internationale est complexe pour ce qui est d’aider les populations à se sortir de la dictature du président syrien qui tue et du terrorisme imbécile qui, au Mali, décime des innocents .
L’ONU n’apporte guère de solutions et le blocage vient d’une Russie insolente et inhumaine qui se satisfait de la situation parce qu'elle même a des choses sans doute à se reprocher. Son véto comme celui de la Chine est inadmissible.
(1871,Scanné par Claude Shoshany, collection personnelle, domaine public)
J’ai à l’évidence zappé certains points mais après tout... je ne suis pas journaliste et j'ai été trop long.
J'aurai quand même voulu entendre plus de directions politiques sur comment aider celles et ceux qui sont à la rue, comment apporter le nécessaire vital pour manger à ceux qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Quand on peut trouver des solutions pour aider les entreprises, on peut aussi trouver des solutions pour mieux épauler les associations et les bénévoles qui luttent, chaque jou,r sur le terrain contre la pauvreté et pour "donner à manger". Et ça ne coûterait pas 20 milliards!
*Emprunté à l’anglais pour signifier "cacahuètes", ici employé dans le sens de "presque rien".
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