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L’Allemagne…modèle du MEDEF !
Après la conférence de presse du Président de la République mardi, les partenaires sociaux ont commencé, hier, les réunions pour la négociation sur l’emploi.
François Hollande leur a demandé un compromis « historique » pour parvenir à une réforme du fonctionnement du marché du travail dans le cadre du pacte de compétitivité annoncé.
Ça ne va pas être simple d’autant que le MEDEF commence sur « les chapeaux de roue » avec une proposition de texte provoquante qui semble déjà fortement irriter les partenaires sociaux. Et il y a de quoi!
(L’Organisation du travail 1847, auteur Louis Blanc *, 1811-1882, domaine public)
Heureusement, le MEDEF ne représente pas toutes les entreprises françaises.
Ce mercredi, sa présidente, Laurence PARISOT, a présenté ce qui est appelé « Le Nouveau Pacte Fiscal et social pour la compétitivité de la France » sur MEDEF TV (sur le WEB).Chacun pourra en lire l’intégralité sur
Les pressions sont nombreuses vis-à-vis des partenaires sociaux. Tout le monde réclame une amélioration du fonctionnement du marché du travail :
Le gouvernement qui laisse jusque la fin de l’année pour trouver des accords faute de quoi il fera la réforme lui-même, les entreprises, le fonds monétaire international (FMI) qui dénonce le manque de compétitivité de l’économie française, le gouverneur de la Banque de France pour qui les accords sur ce plan sont aussi importantes que le plan gouvernemental de compétitivité pour une meilleure croissance…
JE CONFIRME: IL NE FAUT PAS DE CHEQUES EN BLANC AUX ENTREPRISES
Quand je lis une phrase du texte du MEDEF comme « Côté employeur, ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’il faut donner surtout la liberté à l’entreprise de ce qu’elle pourra faire sur ses marges de manœuvre nouvelles. », ça conforte ce que je disais mardi sur la nécessité de ne pas faire un chèque en blanc aux entreprises et donc d’exiger des contreparties claires et incontournables en échange des fonds publics annoncés . Cela n’a pas l’air d’être dans les intentions de François Hollande qui dit que le crédit d’impôt « sera simple, sans aucune formalité administrative. Il sera général, toutes les entreprises seront concernées. Il a beau dire « Il sera rapide et efficace. » « Ce n'est pas un cadeau comme je l'entends, c'est un levier ».
Je répète que nous ne pouvons pas nous permettre d’agir de cette manière aussi légère sans garantie (comme cela a été fait pour la baisse de la TVA dans la restauration qui n’a guère servi l’emploi).
L’ALLEMAGNE NE DOIT SURTOUT PAS SERVIR DE MODELE
Dans son texte, appelé donc « Le Nouveau Pacte Fiscal et social pour la compétitivité de la France », tout l’argumentaire du MEDEF est basé sur la comparaison de la situation de la France avec celle de l’Allemagne.
Je cite madame PARISOT :
« …Tout d’abord, poser les termes du diagnostic de compétitivité, essentiellement axés sur une comparaison entre la France et l’Allemagne. Puis nous reviendrons sur les propositions politiques, les orientations pour ce nouveau pacte de compétitivité que nous vous proposons… »
Le problème est que l’on ne peut comparer l’Allemagne à la France et que l’Allemagne est tout sauf un modèle sur lequel il faut s’appuyer pour la réorganisation du travail.
(image 1922, Emil Cardinaux († 2. Oktober 1936), domaine public)
Je me suis intéressé à la réalité de la situation allemande en élargissant mes sources d’informations et pas seulement celles basées sur des indices de production ou de compétitivité ou même de coût du travail.
Pour ma part, j’estime que l’Allemagne n’est pas à prendre comme modèle pour la France car les situations ne sont pas comparables. Contrairement à l’Allemagne, la France a un modèle social de solidarité qu’il faut conserver. Il a un coût mais il a eu la particularité d’être efficace pour atténuer les effets de la Crise sur la situation de la population. Tous les observateurs l’ont reconnu.
Certes, le système a ses travers qu’il faudra rectifier mais l’Etat se doit de conserver son rôle de garant d’une solidarité nationale envers ses travailleurs et sa population.
Ce n’est pas le cas en Allemagne où on a favorisé la compétitivité de l’industrie au détriment de nombre de salariés pour les installer dans une grande précarité.
Dans ce pays, la réalité n’est pas de 3 millions de chômeurs mais de 9 millions de précaires. J’y reviendrai.
Les partenaires sociaux ne doivent donc pas prendre comme base le texte du MEDEF issu d' une idéologie rétrograde de l’organisation du marché du travail . Ils doiventrésister aux diverses pressions pour faire d'autres propositions et avancer.
LE SILENCE DE L’ETAT FRANÇAIS ACTIONNAIRE DE RENAULT.
(image Burn 18/12/2005, domaine public)
Pour en revenir à l’Europe et à la France, actuellement, Renault entreprend des négociations pour demander aux salariés d’Espagne et de France des sacrifices pour garder leur emploi qui pourraient aller jusqu’à des diminutions de salaires ou/et une augmentation du nombre d’heures de travail. C’est tout a fait symptomatique de ce qui se prépare pour nous enfoncer dans la spirale de l’austérité.
Je ferai remarquer que, jusqu’à présent, l’Etat français actionnaire de Renault ne dit rien sur le sujet. Pourquoi ?
Le rôle de l’Etat français doit être de défendre son modèle social unique et ne pas céder à des démonstrations basées sur des arguments tronqués notamment sur le coût du travail lié à la compétitivité et à la crise.
Même s’il faut repenser l’organisation du travail il faut le faire sur la base de réalités économiques concrètes : le coût du travail peut-être mais aussi les engagements que doivent prendre les entreprises qui accepteront les crédits d’impôts, la limitation des dividendes voire la suspension de ceux-ci au regard de la partie de l’accumulation des capitaux faite depuis des décennies et qui n’a pas servi à l’investissement, la sécurisation de l’emploi tout en permettant aux entreprises de travailler avec sérénité et d’investir dans l’avenir, le dynamisme productif et la recherche et prendre des mesures qui lutteront contre la précarité.
Cela ne doit pas être impossible si tout le monde joue le jeu. Ce n’est pas le cas actuellement.
LA FRANCE DOIT MENER AVEC FERMETE LA BATAILLE POUR UNE EUROPE SOLIDAIRE.
Au-delà de décisions à prendre pour relancer la vraie production en France, la véritable bataille est à mener en Europe pour vaincre la crise en relançant la croissance par l'investissement. Un pays européen seul ne peut s’en sortir dans l’évolution de la mondialisation actuelle et future.
Je rappelle simplement que l’Europe n’est pas la seule Allemagne mais la réunion de 27 états dont les cinq moteurs ont près de 75% des richessesi; dans l’ordre : l’Allemagne, la France, le Royaume Uni (qui a la particularité de pas avoir adhéré à l’Euro), l’Italie et l’Espagne.
Le président de la république français doit mener la batailleau niveau européen avec force et détermination en utilisant tous les moyens nécessaires pour faire comprendre que c’est la solidarité qui permettra de sortir de la crise. Ce n’est pas en « affamant les peuples » et en les précarisant comme cela se fait en Grèce, au Portugal, en Espagne et ...en Allemagne par des mesures d’austérité et de régression sociale.
Les seuls effets seront des mouvements de violence qui commencent à se faire sentir et à se mettre en marche. Les peuples n’auront plus rien à perdre. Je rappelle que ce ne sont pas eux qui sont responsables de la crise mais c’est à eux qu’on veut la faire payer.
Les politiques devraient peut-être se tourner contre ceux qui ont créé la situation en prenant de mauvaises décisions c'est à dire eux-mêmes et les spéculateurs.
L’Allemagne ne sera pas à l’abri de ces mouvements. La France non plus si de mauvaises directions sont prises.
Je redis qu’avoir signé le pacte budgétaire européen était une erreur. Il fallait continuer la pression pour avancer sur la construction d’une Europe solidaire.
Si les politiques ne reprennent pas la main sur la finance, l’Europe sera cassée.
Finalement et pour conclure, je pense que c’est l’Allemagne qui est un problème.
Je viens d’apprendre que ceux qui dirigent l’Allemagne sont inquiets de la situation de notre pays et qu’ils estiment que nous ne " réformons pas assez" pour nous sortir de la crise.
Ils veulent peut-être nous donner des leçons et des conseils et nous placer sous tutelle?
La France est certes dans une situation difficile mais l’Allemagne n'est pas exemptes de défauts et de responsabilités dans la crise européenne.
Pourquoi ses dirigeants ne s’interrogent-t-ils pas par exemple sur leur politique de précarité vis-à-vis de leur population (Elle compte proportionnellement plus de pauvres que la France)et le blocage qu’ ils ont occasionné à maintes reprises pour mettre en place une vraie solidarité et une véritable gouvernance européenne qui est la seule solution sortir tous les pays européens de la crise ? La liste des questions pourrait se poursuivre pour démontrer que l'Allemagne est ausi un problème pour le devenir de l'Europe.
"Que chacun balaie devant sa porte et les rues seront nettes!"
Pas très diplomatique mais...franc!
(La prise de la Bastille durant les manifestations de l'automne 2010 contre la réforme des retraites.Auteur image Geoffroy, licence Creative Commons paternité – partage à l’identique 3.0 (non transposée)
* Journaliste et historien français, qui fut membre du gouvernement provisoire de 1848 et député sous la Troisième République. « L'égalité n'est donc que la proportionnalité, et elle n'existera d'une manière véritable que lorsque chacun [...] produira selon ses facultés et consommera selon ses besoins. » (Organisation du Travail).
Sous la pression d'ouvriers parisiens dans la salle des Séances le gouvernement provisoire publie un décret rédigé à la hâte par Louis Blanc garantissant le droit au travail : « Le gouvernement provisoire de la République s'engage à garantir l'existence des ouvriers par le travail. Il s'engage à garantir le travail […] à tous les citoyens. Il reconnaît que les ouvriers doivent s'associer entre eux pour jouir du bénéfice légitime de leur travail. » (source Wikipédia)
Tags : compétitivité, medef, parisot, réorganisation du travail, pacte de compétitivité, europe, allemagne, précarité, entreprise, coût du travail, re