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Réforme des rythmes : le nouveau décret va bloquer la refondation !
Il est paru au journal officiel en date du 26 janvier 2013 le décret relatif à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires.
Son objet : modification des rythmes scolaires dans l’enseignement du premier degré.
Cet objet contient en lui-même, par le terme « rythme scolaire », l’erreur initiale de ne pas vouloir se préoccuper véritablement et en cohérence des rythmes de l’enfant et du jeune dans leurs ensemble. (Voir mes propos dans la rubrique Education de ce blog)
(Un cadran solaire à Saint Rémy de Provence, en France, photo personnelle 2002, domaine public)
Il faut aller plus loin. Ces mesures organisationnelles n’augurent pas d’une future remise à plat des rythmes non pas seulement scolaires mais bien de l’ensemble des rythmes auxquels sont soumis les enfants et les jeunes souvent à leur détriment (notamment par rapport à leur santé) du fait des préoccupations souvent inconsciemment égoïstes des adultes.
En bref, il aurait fallu organiser la journée en « Jour éducatif » avec des temps éducatifs scolaires et des temps éducatifs non scolaires.
Le fait de vouloir mettre en place une organisation basée sur des créneaux horaires sans savoir vraiment ce qu’on ce qu’on va y mettre aux divers moments opportuns de la journée et de la semaine va créer un nouveau carcan.
Ce décret enterre en effet de fait, par ses faiblesses et son opportunisme électoraliste , les possibilités d’une véritable refondation basée sur l’intérêt des enfants et des jeunes.
Refonder l’Ecole demande des préalables qu’on ne prend pas le temps de mettre en place et sur lesquels je reviendrai plus loin.
Ce décret va créer la division sur le terrain :
Dans la prise de décision sur l’organisation de la semaine, le texte du décret prévoit que le directeur académique des services de l'Éducation nationale (DASEN) devra se prononcer suite aux propositions d'organisation de la journée et de la semaine scolaire, issues soit du conseil d'école, soit du maire . Je l’ai dit par ailleurs, ce n’est pas ce qui fera avancer la cohésion et le débat sur des projets territoriaux : Cela pourrait signifier qu'une proposition et une décision d'organisation peuvent être prises contre l'avis du Conseil d'école et donc des enseignants et des parents. C’est la porte ouverte à tous les conflits et cela pourra gêner un partenariat souvent difficile à construire.
Ce décret ne recueille pas l’aval des partenaires nationaux :
5 votes favorables sur 72 lors de la réunion du Conseil Supérieur de l’Education Nationale du 8 janvier 2013. Les raisons de ce résultat sont nombreuses et certaines contradictoires mais le fait est là. Même s’il ne faut pas recueillir un consensus qui est impossible, il aurait quand même été opportun de prendre le temps d’examiner ce qu’on dit les partenaires et les scientifiques et de suspendre la rédaction du décret pour prendre le temps de le rédiger avec plus de sérieux. Les remarques qui suivent auraient pu être prises ne compte car elles ont été toutes exprimées dans l’intérêt des enfants qui se doit d’être placé au centre de la refondation.
Ce décret privilégie le mercredi travaillé ce qui n’est pas en cohérence avec les résultats d’un certain nombre de travaux scientifiques incontournables.
Le choix du mercredi matin « travaillé » n’est pas le bon. Il eut été meilleur de choisir le samedi ce qui aurait évité la « désynchronisation » du week-end de deux jours qui dérégule vraiment l’horloge du rythme veille-sommeil des enfants. Cette dérégulation ne se rencontre pas le mercredi puisque les enfants en général ont à peu près le même rythme veille- sommeil que les autres jours de la semaine.
Pourquoi donc privilégier le mercredi ? Parce que le gouvernement veut faire plaisir à l’électeur parent qui, selon les sondages, préfère le mercredi travaillé et que le samedi soit libéré ?
Ce décret met en place un allégement de l’horaire scolaire journalier ridiculement étriqué.
« Les heures d'enseignement sont organisées les lundi, mardi, jeudi et vendredi et le mercredi matin, à raison de 5h30 maximum par jour et de 3h30 maximum par demi-journée. …La durée de la pause méridienne ne peut être inférieure à 1h30. »
Le temps d’apprentissages pour les élèves sur la semaine n’est guère allégé. Une demi-heure de moins ! Autant dire… rien. Il reste 24 heures qu’on répartira en plages horaires par demi- journées qui seront de 5h30 maximum par jour.
C’est une erreur que de soutenir un tel découpage. C’est d'abord l’articulation qu’on va avoir entre les différents temps qui est importante et surtout ce qu’on y fera et à quels moments clés pour l'enfant ces heures seront placées dans la journée. Les travaux des chronobiologistes auraient pu y aider. On ne tient absolument pas compte du fait que l’après-midi n’est pas équivalente au matin du point de vue des capacités de concentration, d’apprentissages nouveaux … La matinée est à privilégier en durée par rapport à l’après-midi.
Pourquoi, sachant tout cela, le ministre s’entête à mettre un nouveau carcan de demi-journée qui ne doit pas dépasser 3h30 alors qu’il faudrait organiser la journée en « Jour éducatif » avec des temps éducatifs scolaires et des temps éducatifs non scolaires et « permettant d’organiser différemment les matinées d’apprentissage et les après-midis que ce qui se fait actuellement »
Ce décret maintien le système DARCOS déguisé:
« Des activités pédagogiques complémentaires sont organisées par groupes restreints d’élèves :
1° Pour l’aide aux élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages.
2° Pour une aide au travail personnel ou pour une activité prévue par le projet d’école, le cas échéant en lien avec le projet éducatif territorial. »
On fait, en effet, semblant de supprimer les deux heures d'aide personnalisée inscrites dans la semaine de 4 jours pour les remplacer par des « activités pédagogiques complémentaires » qui s’ajouteront aux 24 heures continuant d'apporter un alourdissement horaire journalier dont les élèves n'ont pas besoin et notamment les élèves en difficulté.
Aucun changement donc si ce ne sont les termes.
A quand la prise en charge des difficultés de tous les enfants durant le temps scolaire dans le cadre d’une rénovation pensée et réfléchie de la pédagogie et de l’organisation de l’école? Là est le vrai changement.
Ce système ne remet plus en cause l’existence des devoirs (le travail personnel )après la classe mais au contraire l’officialise . C’est un mauvais signe qui montre des conceptions obsolètes du fonctionnement de l’Ecole et des considérations erronées quant à ce que doit être le travail scolaire utile pour l’élève qui se doit d’être accompli, à ces âges, pendant le temps scolaire.
A moins que cela ne cache, comme je le disais dans un de mes écrits, la volonté de ne pas remettre en cause des systèmes déjà en place d’aide aux devoirs, d’accompagnements, d’études surveillées qui se feront de manière déguisée sous l’appellation « activités pédagogiques complémentaires ».
Les derniers évènements concernant la ville de PARIS sont significatifs de la mentalité qui a l’air de présider aux décisions d’un certain nombre de responsables politiques.
(Image parue dans La tour de 300 mètres (1900), libre de droits.)
Début janvier, à Paris, Bertrand Delanoë a fait part de son intention de mettre en œuvre la réforme des rythmes dès 2013. Bruno JULLIARD, Adjoint au Maire de Paris, chargé de la culture , conseiller en charge de la loi sur la refondation de l’Ecole auprès de Vincent Peillon disait dans une interview publiée par l’Express : « Il faut à présent faire en sorte qu'un maximum de villes l'appliquent dès la rentrée 2013, sinon il existe un risque qu'elle ne soit jamais appliquée". Il affirmait aussi sur Canal Plus que le choix du mercredi arrangeait la majorité des parents.
Les enseignants parisiens faisaient grève massivement ce mardi 22 janvier 2013.
Je n’entrerai pas dans le jeu d’expliquer les raisons de cette contestation qui n’est pas seulement corporatiste comme on veut le faire croire mais qui néanmoins pose le problème d’une concertation qui n’a pas l’air d’avoir lieu et qui pose avec raison le problème du contenu non travaillé de la semaine de 4 jours et demi.
On peut aussi se poser aussi la question sur le choix de la ville de Paris de mettre en place des activités périscolaires dès la rentrée 2013 en privilégiant le mercredi travaillé au lieu du samedi.Monsieur le Maire de Paris et monsieur Julliard font comme le ministre Vincent Peillon : ils écoutent les sondages. Le mercredi « arrangent « les parents ».
La réflexion ne va pas plus loin :
Il y a-t -il eu une vraie information sur les rythmes et notamment les rythmes veille /sommeil avant que de prendre une telle décision ?Les conseils d’école ont-ils été associés après une vraie information à ce choix ?
Monsieur Julliard a rappelé "qu'au départ, Vincent Peillon souhaitait allonger l’année scolaire » " il n'en est rien finalement. La réforme est donc acceptable pour les enseignants".
Ces responsables politiques se trompent.
La réforme n’a pas à être acceptable ou pas par les enseignants pour cause de préservation de vacances, ni l’organisation hebdomadaire être faite pour « arranger les parents » et plaire à un électorat ou pour ménager les intérêts des organismes de tourisme.
Elle doit être bâtie dans l’intérêt des enfants et ce n’est pas, une fois de plus, ce qu’on est en train de faire.
Paris est un exemple parmi d’autres de ce qui va se produire partout en France parce qu’on aura pas fait le nécessaire pour mettre tout le monde au même niveau d’information sur les rythmes , parce qu’on veut aller vite pour forcer le choix du mercredi par rapport au samedi, parce que les enseignants et les parents seront une fois de plus mis devant un fait accompli comme pour la catastrophique semaine de 4 jours.
Ce décret va créer des inégalités supplémentaires à propos du projet territorial
« Le conseil d’école intéressé ou la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale intéressé peut transmettre un projet d’organisation de la semaine scolaire au directeur académique des services de l’éducation nationale, après avis de l’inspecteur de l’éducation nationale chargé de la circonscription d’enseignement du premier degré. »
Aucune obligation n’est faite aux collectivités locales de participer à la mise en place d’un projet territorial. Quels sont moyens financiers débloqués pour les communes avec peu de ressources ?
La machine à contestation est donc lancée ce qui est bien dommage.
On n’eut pu l’éviter.
Si la confiance n’est pas au cœur de la rénovation, celle-ci ne se fera pas.
On ne doit pas commencer par la fin et mettre une organisation horaire hebdomadaire, une coquille vide, sans qu’on sache ce qu’on y met et ce qu’on y fait.
J’y reviendrai …
« Haro sur les travailleurs et les chômeurs? Episode deux Rythmes à l'Ecole: il faut ABROGER les décrets DARCOS et PEILLON »
Tags : rythmes scolaires, refondation, vincent peillon