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PACTE DE RESPONSABILITE : LA CONFIANCE ...CA SE MERITE !
(auteur Jean-Marc Ayrault, 19/01/2012, journées de Nantes, licence Creative Commons paternité 2.0 générique)
Le président de la République, François Hollande, a organisé une conférence de presse le mardi 14 janvier 2014 pour faire le point de sa politique et donner le cap de son action jusqu’en 2017.
François Hollande a essayé d'être clair. Il propose un pacte de responsabilité au patronat et aux partenaires sociaux pour mettre en place des mesures qui serviront, d’après lui, à permettre la création d’emplois ce dont notre pays a effectivement grand besoin pour notamment donner aux jeunes des perspectives d’avenir plus optimismes.
Ca, c’est pour le fond général. François Hollande a-t-il pris un tournant social démocrate ou social libéral ? Peu me chaut des étiquettes que les journalistes mettent d’emblée sur telle ou telle initiative.
Là n’est pas la véritable question. Le Président de la République a semblé avoir dit chiche à Pierre Gattaz : vous avez la volonté de créer des emplois (Il annonce un million) alors prenez vos responsabilités. Voilà le « deal » qu’on a voulu nous faire connaître.
Est-ce un bon « deal » pour nos finances, la création d’emplois et l’avenir de la protection sociale ?
OU EST-CE UN LEURRE POLITICIEN ?
Les déclarations me semblent, en effet, annoncées comme à l’emporte pièce tel un défi que l’un adresse à l’autre et inversement.
Pour la galerie (c’est à dire la population)?
N’est-ce pas un peu léger ?
Aucun chiffre sérieux n’étaie l’annonce Pierre Gattaz ni la mesure phare de François Hollande. L’un annonce un million d’emplois si les charges sont allégées, l’autre des milliards d’euros d'exonération par l'abandon pour les entreprises de la participation patronale au financement des prestations familiales.
Abandonner ce financement d’une grande partie de la solidarité familiale est une grave décision qui remet en cause les fondements des solidarités nationales dont l’Etat doit être le garant.
Peut-être François Hollande se place t-il dans la perspective d’une société française qui se veut de plus en plus individualiste. Peut-être joue-t- il le jeu politicien d’être en phase avec un centre droit qui applaudit à ses propositions , avec une Europe – libérale- auprès de laquelle il veut mieux faire entendre sa voix . Il met aussi l'opposition dans une position difficile et face à ses contradictions en faisant ce qu'elle n'avait pas eu le courage de faire ouvertement mais qu'elle a fait à coups de niches diverses et variées ou d'exonérations comme les heures supplémentaires défiscalisées qui ont été sans doute un frein à la création d'emplois.
On parle donc beaucoup du MEDEF qui annonce 1 million d’emplois « peut-être possible » mais ne promet rien. Si le pacte est mis en place et les milliards versés, le MEDEF ne prend aucun risque. Qui peut garantir que le jeu sera joué par certaines entreprises qui ramasseront la mise sans qu'il y ait d'effets majeurs sur l'emploi? Où iront les milliards dégagés? Et Puis le MEDEF n’est pas représentatif de toutes les entreprises françaises. Il faut quand même peut-être poser la question aux entreprises qui, nombreuses, n’y sont pas. Il serait souhaitable de les entendre sur les incidences concrètes des baisses des charges annoncées. Pas sûr que cette baisse soit, loin de là, suffisante à entendre les réactions de certaines d'entre -elles.
Ma mémoire qui n’est pas encore défaillante, même si sélective, se rappelle que le MEDEF a déclaré en 2007 la nécessité de baisser les cotisations sociales sans distinction d’ailleurs. Selon l'organisation patronale les travailleurs français avait un temps nominal de travail faible ce qui n'est pas exact. De plus, elle a fustigé ce qu'elle appelle les excès du code du travail qui, je le rappelle, heureusement existe pour protéger les salariés français. En 2012, le MEDEF en la personne de sa présidente Laurence PARISOT a même « loué le travail extraordinaire accompli par Nicolas SARKOZY durant son quinquennat ». Quel travail? Celui de creuser le déficit de la France sans qu'il y ait aucun recul de la pauvreté et d'amélioration des conditions de vie des plus démunis? Celui de détruire le service public de l'éducation nationale?... A qui ont profité les milliards envolés? En tout cas pas à la majeure partie de la population.
On comprendra donc que, pour ma part, je suis plus que méfiant envers cette organisation qui ne représente pas toutes les entreprises et a pris position pour des politiques anti sociales.
Les propositions ont elles été étudiées sérieusement et peuvent-elles réellement permettre concrètement des solutions abouties ayant des chances de fonctionner sur le terrain ? Je n’en sais rien en l'état actuel des propos énoncés et je ne me contenterai donc pas d’une annonce si spectaculaire semble-t-elle apparaître aux yeux d’aucuns.
J’exige des précisions qui me permettront de juger si le pacte peut fonctionner ou non.
(auteur United States Navy photo by Mass Communication Specialist 3rd Class Kristopher Wilson, domaine public)
DE VRAIES INFORMATIONS POUR DE VRAIES PRISES DE RESPONSABILITE
On ne peut rejeter une solution proposée sans y réfléchir et se poser quelques questions simples en tant que citoyen - clairement orienté à gauche- en essayant de ne pas tomber dans le sectarisme d’idéologies hors du temps mais aussi en ne se laissant pas abuser par des discours qui paraissent intéressants pris dans le contexte mais qu’il faut remettre dans un ensemble pour en discerner les manques.
Il faut se rappeler de quelle manière a été mis en place l’accord de compétitivité qui a débloqué » 20 milliard d’euros pour toutes les entreprises sans distinction et sans qu’aucune contrepartie soit actée. (Voir mon article sur le sujet sur http://quaiducitoyen.eklablog.fr/l-allemagne-modele-du-medef-a59188683 ). Une distribution de l'argent public qui n' a pour l'instant pas eu l'air de produire d'effets. Pendant ce temps, le contribuable paye la note.
Il faut aussi se rappeler le vote, en avril 2013, de la loi flexi sécurité par le parlement après l' accord minoritaire des partenaires sociaux (voir mes propos sur http://quaiducitoyen.eklablog.fr/les-deputes-ont-vote-la-loi-flexi-securite-a82191396 )
Cela m’invite donc à être circonspect vis à vis d’une annonce faite par un président de la république qui a initié cet accord avec une telle légèreté.
La confiance ça se mérite.
L’important est de savoir si les créations d’emplois seront possiblement effectives.
L’important est de savoir si ces propositions amèneront plus de justice sociale d’autant qu’elle seront liées à une remise à plat de la fiscalité et à des économies à faire de manière importante au niveau de l’Etat mais aussi des collectivités territoriales et locales.
L’important est de savoir si tout cela n’entrainera pas une baisse des possibilités des services publics. En la matière, il est annoncé des réformes structurelles. Lesquelles ? J’y reviendrai.
SAVOIR... et ne PAS SE CONTENTER D’UNE ANNONCE.
La confiance est à ce prix et pas seulement celle des patrons pour relancer les emplois mais aussi les autres partenaires sociaux et le simple citoyen.
Il faut donc aller au delà des « annonces » politiciennes dont on peut donc légitimement douter pour proposer des solutions véritablement argumentées et adaptées pour faire face aux difficultés et notamment celles de la compétitivité et des marchés porteurs pour nos petites et moyennes entreprises qui, si elles en ont les véritables moyens joueront en majorité le jeu. Ce ne sont pas des grandes entreprises du CAC 40 sur lesquelles on peut se poser beaucoup de questions à ce niveau.
D’aucuns trouveront que je ne fais pas confiance en celui pour qui j’ai voté. Cela va de soit. L’expérience m’oblige à être circonspect y compris pour ce gouvernement et sa manière de pratiquer la réforme. Je donnerai un seul exemple précis dans un domaine que je connais bien, celui de l’éducation. La manière dont Vincent Peillon a entamé sa refondation de l’école par une mise en place des « rythmes scolaires » est significatif en ce domaine et plein d’enseignements sur les actes et leurs mises en oeuvre politico électoraliste. Le partenariat clamé par le ministre avec les parents, les enseignants s’est transformé en organisations horaires décidées la plupart du temps par les seules collectivités locales et sans aucun partenariat avec les parents et les enseignants. En réalité , cela a été fait pour la mise en place pour les collectivités locales de financements d’activités périscolaires qui n’améliorent en rien le rythmes des enfants ni la prise en charge des élèves durant le temps scolaire. Et tous les discours du ministre et de la ministre chargée de la réussite éducative n'y changeront rien. Les faits sont là.
L’important est donc de savoir si tout le monde non seulement jouera mais pourra effectivement jouer le jeu de la responsabilité en prenant des engagements précis actés en ayant en main les informations nécessaires.
Tags : pacte responsabilité, François Hollande, compétitivité, MEDEF, prestations familiales, solidarité, Peillon