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LES CLASSES PREPARATOIRES SONT-ELLES NECESSAIRES ?
Pour faire suite à mon article précédent à propos des agitations qui secouent actuellement les professeurs des classes préparatoires, un certain nombre de questions sont à mettre à l'ordre du jour. Ces classes sont -elles nécessaires ? C’est une première question que l’on peut légitimement se poser quand on voit ce qu’elles coûtent, les enchevêtrements de réseaux parallèles de préparation, les conflits entre les grandes écoles et les universités... j’en passe. La complexité de la situation montre bien que notre système éducatif est constitué de couches qu’on a superposées au gré des décennies sans réelle réflexion d’ensemble y compris économique.
(Schéma synthétisant les différentes filières offertes en classes préparatoires scientifiques et les liens entre elles. auteur Valentin Lorentz, 28 mars 2013, licence Creative Commons CC0 don universel au domaine public.)
Dans l’état actuel de la situation de l’organisation du système éducatif, il semble que ces classes soient nécessaires si un élève veut avoir la possibilité d’entrer dans une « grande école* ».
Mais, personnellement, ça m’a toujours gêné de savoir qu’il faut se préparer en ayant un diplôme du système éducatif national pour entrer dans une école à qui l’on donne le qualificatif de « grande » comme si d’ailleurs il y avait des « petites écoles ». La « grande école » n’est-elle donc pas capable de recruter à partir du niveau de nos élèves pour les former ? Et quid des Universités ?
Certes, j'ai tout à fait compris qu'on ne peut supprimer les classes préparatoires sans avoir remis en cause et modifié notre système éducatif mal fagoté source d’inégalités. Pourtant, ces classes me semblent être une anomalie d’un système désuet qu’on conserve depuis des lustres par empilement de structurations mises en place au coup par coup sans vouloir toucher au reste. Peut-être est-ce caricatural mais c’est l’impression que l’on peut en avoir quand on approfondit un peu le sujet.
D’autres constats me gênent en effet. Je les livre en vrac et il convient d’y réfléchir pour ne pas continuer de rester sur les échecs actuels.
Je suis parti, par exemple, d’informations et de constats issus du site de « l’Observatoire des inégalités » (http://www.inegalites.fr/).
(L’Observatoire des inégalités est un organisme (association loi 1901 reconnue d’intérêt général) indépendant de toute institution publique, parti politique, syndicat, ou entreprise.)
Pourquoi les classes de préparatoires ne sont donc pas plus ouvertes à d’autres enfants que ceux des classes de cadres supérieurs : 50% de ceux-ci contre 15% d’enfants d’ouvriers ? Cela veut dire que les différents dispositifs mis en place sous le thème de l’ « égalité des chances » ne sont pas suffisamment opérationnels.
Le dernier rapport PISA publié par l’OCDE confirme pour la France le rôle du milieu social dans la réussite ou l’échec scolaire et la responsabilité de l’école dite « républicaine » dans la reproduction des inégalités sociales.
Ce rapport confirme aussi que la France est le pays où les élèves sont le plus stressés. Les classes préparatoires ont la réputation de faire vivre à leurs élèves des conditions d’apprentissages où le stress et l’ultra compétition a une grande place pour accéder et préparer les concours. Est-ce une bonne chose ? Pour ma part, en tant qu’éducateur, je pense que non car cela me paraît pédagogiquement dépassé. Peut-on d’ailleurs appeler cela des pratiques pédagogiques?
(Le Lycée Saint-Louis, seul lycée public à se consacrer entièrement aux classes préparatoires. auteur Caerbannog, domaine public)
Suite à ces constats, d’autres questions se posent.
Les classes préparatoires ne sont –elles pas dépassées dans ce monde en constante évolution et préparent-elles vraiment les élèves aux changements présents et de l’avenir en utilisant des méthodes assez brutales qu’on décrit ici et là, enfermant et formatant l’étudiant durant deux à trois ans vers un objectif unique : réussir le concours pour entrer dans la « grande école » ? Les résultats n’orientent elles pas les élèves vers des filières qu’ils n’ont peut-être pas envie de faire mais vers lesquelles ils sont obligés de se diriger pour cause de notes, de classement... ?
Autre question liée : Les « grandes écoles » préparent-elles vraiment les étudiants aux défis et à l’évolution de notre temps ? Ces élèves acquièrent-ils les capacités nécessaires pour être suffisamment ouverts pour s’adapter et créer de nouvelles voies pour nos entreprises ?
Pourquoi donc nombre de nos entreprises dans lesquelles sont embauchées les « élites » formées dans ces « grandes écoles » n’évoluent pas comme il le faudrait face à la mondialisation ? Pour quoi tant de désindustrialisation ? De quelle manière ces grandes écoles forment-elles des cadres,des chercheurs, des techniciens pour innover et créer des produits qui pourraient se vendre et s’exporter ?
Dernière question et pas des moindres : C’est un peu la « guéguerre » entre les grandes écoles et les universités. Pourquoi ce double système ? Quel est son coût ? Ne devrait-on pas harmoniser les systèmes pour permettre de mutualiser les expériences, les ressources, modifier ce qui ne va pas et en tirer les bénéfices pour l’avenir des élèves et des entreprises dans lesquelles ils seront employés ? Cela donne l'impression que deux "castes" s'affrontent pour conserver là encore "un pré carré" quel qu'en soit le coût et pour les élèves et pour la nation. Cela ne me semble ni sérieux ni raisonnable venant de la part de hauts responsables des ces diverses structures, ministère compris. je devrais d'ailleurs dire "ministères" car la plupart des "grandes écoles" publiques dépendent de ministères différents ce qui n'arrange rien pour la cohésion d'une véritable politique éducative (Agriculture, Culture, Défense, Équipement, Industrie, Justice, Santé, Premier ministre,…). Et je ne parle pas des "grandes écoles privées"...
A suivre donc pour s’informer car après tout, en tant que citoyen et contribuable, il est bon de savoir comment les politiques qui ont été élus utilisent l’argent de l’impôt (toutes taxes confondues) ? Ne paie-t-on pas des inutilités à prix fort alors qu’une autre organisation du système éducatif permettrait peut-être, à défaut de faire des économies, une meilleure prise en charge de nos jeunes dans le cadre d’un service public de l’éducation nationale refondé, cycles universitaires et écoles dites « grandes » compris.
J’y reviendrai.
* L'expression grande école n'est pas employée dans le code de l'éducation, le ministère de l'Éducation nationale préférant employer l'expression plus générale d'« écoles supérieures » pour désigner tous les établissements d'enseignement supérieur qui ne sont pas des universités ou des formations en alternance. La définition qu'en donne le ministère de l'Éducation nationale dans l'Arrêté du 27 août 1992 relatif à la terminologie de l'éducation est très large : « Établissement d’enseignement supérieur qui recrute ses élèves par concours et assure des formations de haut niveau. » (source wikipédia).
Tags : classes préparatoires, grandes écoles, universités, stress, pédagogie, entreprises