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APRES GRAVELINES GREENPEACE ENVAHIT LA CENTRALE DE FESSENHEIM
(auteur image Yann, domaine public)
La catastrophe nucléaire japonaise de FUKUSHIMA est encore dans toutes les mémoires.
Trois ans après où en est –on ?Pour les japonais, quel avenir pour ce territoire petit mais très peuplé. Où en sont les déracinés ? Même si nous n’avons pas la même culture, il est intéressant de voir de quelles manières les autorités japonaises traitent l’après désastre au niveau de l’humain.
GREENPEACE vient de faire une nouvelle action de pénétration dans une centrale. Après Gravelines début mars, c’est au tour de Fessenheim, ce lundi 18 mars. Et ça marche : dans les deux centrales, les militants de l’association ont réussi à pénétrer très loin jusqu’à aller apparemment sur le dôme de protection.
Que serait-il arrivé si cela avait été un groupe de terroristes ?
Pourquoi Greenpeace a-t-elle fait cette action ? Est-ce responsable de le faire? Autant de questions et d’autres que l’on peut se poser. Avant que d’y répondre, passons en revue quelques éléments d’information.
FUKUSHIMA : UN BILAN EST-IL POSSIBLE ?
Pour Fukushima, quel est le véritable impact sur la pollution des océans et quelle est l’importance de la diffusion par l’eau vers les continents. Cela est-il mesurable ? Quid de la faune aquatique ? Quid de ceux qui mangeront les poissons s’ils sont pollués ?
Catastrophe d'une dimension plus grande que celle de Tchernobyl, la détermination de l’importance de la diffusion par les airs des polluants mortels est-elle maîtrisée ?
D’après les informations glanées ici ou là et sans vouloir entrer dans les détails ce qui demanderait des pages d’écriture, il me semble que le plus important est d’abord le bilan humain qu’il est difficile de faire, bien sûr, car on ne connaît pas les incidences à long terme de l’exposition aux rejets qui ont eu lieu.
J’exclue les victimes directes du séisme pour ne m’arrêter qu’aux incidences de la catastrophe nucléaire indirecte. Quelques chiffres qui font réfléchir et ce ne sont que quelques éléments pris parmi les informations officielles ou les enquêtes réalisées par des organismes ou des journalistes :
- le quotidien japonais Asahi Shimbun a révélé que « dans les trois préfectures les plus touchées (Iwate, Miyagi et Fukushima), 2 973 personnes étaient mortes à la suite d’une fatigue physique ou psychologique ou de stress depuis le 11 mars 2011. »
- La préfecture de Fukushima a annoncé en février que chez 254 000 enfants contrôlés 75 cas sont confirmés ou suspectés de cancers de la thyroïde.
- Constat d’une hausse des divorces, des familles séparées, de l’alcoolisme et des suicides depuis trois ans. On appelle cela des séquelles invisibles.
- Dans un rayon de 20 kilomètres autour de la centrale, 110 000 personnes ont été obligées de partir et 50 000 ont décidé de quitter leurs habitations par peur de la contamination radioactive.
- Le gouvernement a construit seulement 3% de 30 000 logements sociaux qu’il avait promis. On ne peut que comprendre la détresse de milliers de personnes (150 000 d’après les autorités) déracinées et les incidences que cela peut avoir sur leur situation psychologique et matérielle. Ils vivent pour le moment dans des « préfabriqués ».
- Il est évident aussi que nombre de personnes ne veulent plus revenir sur des zones où ils habitaient par crainte de futurs évènements naturels, de la contamination ou parce qu’ils refont leur vie ailleurs.
Ce ne sont que quelques éléments qu’on pourra retrouver avec d’autres sur différents sites d’information consultables dont je ne cite que quelques uns.*
(La centrale nucléaire de Fukushima après le séisme et le tsunami de Tohoku 2011, 16/03/2011 , auteur Digital Globe, licence CCA-S A3.0 Unported)
LA CONTAMINATION ET LA DECONTAMINATION : QUELLES LECONS ?
La décontamination ne concerneraient que les zones de culture et d’habitations et pas les forêts (70% du territoire de la région) ce qui pose le problème « de la migration des radios éléments dans les sols et les nappes phréatiques ».
Les autorités évaluent à 28 millions de M3 le volume des déchets radioactifs.
1.200 réservoirs qui stockent 450.000 tonnes d’eau radioactive sont installés au bord de l’océan Pacifique. Qu’en fera-t-on dans l’avenir ?
La contamination de l’océan continue du fait de la nappe phréatique polluée.
On ne connaît pas les incidences de l’état et de la situation des combustibles d’un des réacteurs.
Je n’entre pas dans les détails mais j’ai en tout cas compris qu’il faudrait pas moins de 50 ans pour arriver au démantèlement du site de la centrale si d’ici là il n’y a pas un nouveau phénomène naturel important qui aggrave la situation.(nouveau tsunami ou tornade).
Peu d’informations semblent être données (mais je n’ai peut-être pas assez cherché) quant à la propagation de la contamination à d’autres parties du monde proche ou éloignées des côtes japonaises par les poissons notamment.
Quand on considère cette catastrophe du point de vue du seul nucléaire civil, la seule question à se poser et que devraient se poser nos gouvernants est : le risque engendré par la production de l’énergie électrique par le nucléaire civil doit-il continué d’être pris quand on considère son immense potentiel destructeur qui peut amener à des dégâts irréparables tant sur le plan humain que sur le plan de l’environnement futur voire l’existence même de notre futur ?
Cette question se pose pour nous, français, qui avons près de 80 % de notre électricité produite par le nucléaire. François Hollande en a eu conscience puisqu'il a annoncé dans sa campagne pour les dernières présidentielles la réduction de cette dépendance au nucléaire:
"Je préserverai l’indépendance de la France tout en diversifiant nos sources d’énergie. J’engagerai la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75% à 50% à l’horizon 2025, en garantissant la sûreté maximale des installations et en poursuivant la modernisation de notre industrie nucléaire. Je favoriserai la montée en puissance des énergies renouvelables en soutenant la création et le développement de filières industrielles dans ce secteur. La France respectera ses engagements internationaux pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans ce contexte, je fermerai la centrale de Fessenheim et je poursuivrai l’achèvement du chantier de Flamanville (EPR)."
Où en est-t-on?
FESSENHEIM ET GRAVELINES
(Centrale nucléaire de Gravelines avec ses 6 réacteurs dans leurs enceintes de confinement en béton, auteur Douchet Quentin, licence CCA-S A3.0 Unported)
Et si cela arrivait en France et par exemple à Gravelines ou à Fessenheim où vient de manifester Greenpeace, la situation pourrait-t-elle être la même ?
On a déjà voulu nous rassurer : Ca ne peut pas arriver de manière si importante. Les technologies sont différentes nous est –il dit et nous ne risquons pas des séismes de l’importance de Fukushima.
Suite à Fukushima des mesures ont été prises, des états des lieux ont été faits. L’ASN (Agence de Sécurité Nucléaire)* a établi des rapports centrale par centrale et des mesures ont été ou seront prises. On note cependant, comme le fait remarquer le CLI *(commission locale d’information de la Centrale Nucléaire) de Gravelines, que le rapport n’aborde pas l’humain : « capacité à résister à la crise si elle dure, gestion du stress... ». (Magazine de janvier 2013)
Au japon, aussi, on disait que rien ne pouvait arriver et pourtant... La réputation de ceux qui tenaient les rênes des processus et de la technologie semblait garantir que toutes les précautions étaient prises. On a vu qu’il n’en était rien en cas de catastrophe naturelle somme toute prévisible.
Tout citoyen qui, comme moi, vit à proximité d’une centrale nucléaire a raison de se poser des questions et de vouloir être bien informé. Quand je dis proximité, je pense qu’il faut raisonner non pas à l’échelle de 2 km ou 10 km de la centrale mais d’au moins 80 voire 100 km même si on sait que les incidences d’une simple fuite radioactive est variable en fonction de l’éloignement. Mais en cas d’une catastrophe importante comme à Fukushima que se passerait-il? Peut-on l’exclure ?
Pour Gravelines par exemple, que je sois Lillois, Anglais ou Belge, les mêmes questions se posent en cas d’accident grave. Des dizaines de milliers de personnes sont concernées.
Bien sûr, on ne peut du jour au lendemain arrêter le tout nucléaire. Ce serait irréaliste de le dire.
Les promesses du candidat François Hollande de diminuer à 50% la production d’électricité par le nucléaire à l’horizon 2025 doivent être tenues et le processus enclenché. La première centrale à être démantelée sera Fessenheim. Elle a 37 ans cette année. C’est la plus vieille centrale de France. Elle est, de plus, exposée à nombre de risques majeurs selon les études réalisées : Le site est en effet exposé aux risques sismiques et d'inondation. (Voir le site de Greenpeace* pour plus d’informations).
Greenpeace, par ses actions a voulu rappeler les promesses et les dégâts irréversibles de la catastrophe de Fukushima.
Dans le même temps on peut constater à la lumière de ces actions qu’on peut pénétrer assez facilement dans l’enceinte du site d’une centrale. Je veux bien croire les autorités quand elles disent qu’on a pas intercepté tout de suite les militants de Greenpeace parce qu’on savait que ce n’était pas des terroristes.
A quoi reconnait-on des terroristes ? Pourquoi alors, est-il annoncé qu’on renforce les mesures de sécurité après l’événement ? N'étaient-elles pas suffisantes?
(On peut trouver des informations sur les mesures de protection sur le site de l’ Energeek édité par « une équipe de journalistes spécialisés sur les enjeux énergétiques et d’une dizaine de contributeurs réguliers ou occasionnels » :
http://lenergeek.com/2011/12/06/les-centrales-nucleaires-face-aux-attaques-terroristes/).
(public domaine CC0)
Et si la menace venait du ciel ?
Le 2 Mai 2012, à 7h40 du matin, un militant de Greenpeace, à bord d’un para moteur, a survolé la centrale du Bugey (Ain, 35 km à l’est de Lyon), pénétrant un espace aérien interdit. Il a eu le temps de mettre un fumigène sur un dôme de la centrale avant d’être intercepté 8 minutes plus tard...trop tard?
Pour Greenpeace, les centrales du Bugey, de Fessenheim, Gravelines, Dampierre, Blayais, Chinon, Saint-Laurent et Cruas sont «particulièrement vulnérables aux agressions extérieures en raison d'un confinement primaire en béton simple doublé d'une paroi métallique intérieure». L’organisation s'appuie sur une étude d’un expert britannique sur la vulnérabilité des centrales françaises en cas de chute d’avion. (Voir le résumé de l’étude de l’expert :
On trouvera sur le site du sénat français un rapport récent et très intéressant qui parle de ce sujet (et d’autres à propos de la sécurité du nucléaire) : http://www.senat.fr/rap/o97-4841/o97-484121.html.
J’en extrais les phrases suivantes dans le point 4 : La protection des installations à l'égard des chutes d'avion:« Il existe peu de rapport entre un avion d'aéro-club et un Boeing 747. Or, si une enceinte résiste sans problème à la chute d'un avion d'aéro-club, elle ne peut pas résister à celle d'un Boeing 747.
Toutefois, l'encadrement de l'aviation commerciale et le fait que les couloirs aériens tiennent le trafic éloigné des centrales nucléaires, et une probabilité de chute de 10-12 rendent le risque de chute d'un avion commercial extrêmement faible. Par contre, la nécessité d'une protection contre les chutes d'avions de l'aviation générale est impérative. » ...Greenpeace a voulu faire, comme pour ses autres actions, un rappel salutaire et ce n’est pas un acte irresponsable que de l’avoir fait. Cela permet de mettre le doigt sur les failles et d’informer. Une ONG d’intérêt public !
ET ENSUITE ?
En 2020, la centrale de Gravelines aura 40 ans. Voudrait-on prolonger sa vie au delà de 40 années jusque 50 voire 60 ans ? Serait-ce bien raisonnable?
Greenpeace a fait la liste des centrales qui selon elle devraient être fermées à court terme et qui ont plus de trente ans d’âge : Blayais (4 réacteurs en Gironde), Bugey (4 réacteurs dans l'Ain), Gravelines (6 réacteurs dans le Nord) et Tricastin (4 réacteurs dans la Drôme). Elles présentent en effet des risques que l’association détaille (Voir son site*).
Fessenheim en 2016 ?
C’est ce qui a été promis par le Chef de l’état français mais cela traîne car les procédures sont longues pour fermer une centrale et certaines ne sont pas encore enclenchées.
Pour parvenir à l’objectif, selon l’ancienne présidente d’AREVA, Anne Lauvergeon, il faudrait fermer une vingtaine de réacteurs d’ici 2025. Cela lui semble irréaliste (AREVA : Areva est un groupe industriel français du secteur de l’énergie spécialisé dans les métiers du nucléaire des énergies renouvelables). Ces réacteurs pourraient correspondre à ceux des centrales les plus âgées citées plus hauts.
Mais si on ne le fait pas, cela veut-il dire qu’on va investir pour consolider et réparer pour durer. Combien cela coûterait-il ?
Plutôt que de chercher à prolonger de veilles centrales qui vieillissent et pourraient devenir dangereuses (si elles ne le sont pas déjà) ne serait-il pas plus intelligent d’immédiatement investir massivement dans une recherche des énergies nouvelles et propres pour lesquelles nous sommes à la traine alors que nous avons les connaissances et les chercheurs « énergétistes » pour le faire ?
Question : Pour quoi des réacteurs EPR (European Pressurized (water) Reactor, un réacteur nucléaire de troisième génération ) sont programmés ? Pour remplacer quoi ? Quand on parle de réduction ... Tout cela n’est pas très clair.
Une loi sur la transition énergétique aurait déjà due être examinée en septembre 2013. Elle est reportée courant 2014. Quand ? Pourquoi?
Contiendra –t-elle la liste des sites à fermer ? Rien n’est moins sûr mais c’est pourtant ce qui apporterait un crédit à la tenue des promesses. Car si on donne la liste on peut enclencher les actions pour que, d’une part, les réacteurs soient fermés à temps et, d’autre part, qu’on mette en place les moyens d’aller vers des énergies de remplacement tout en ayant les objectifs de maintenir voire réduire la consommation énergétique. N’oublions pas que d’ici 2025, il y aura 6 millions d’habitants de plus en France ...
Pas facile donc mais il serait plus que temps de s’y atteler avec détermination et démultiplication des moyens pour fermer les centrales, mettre en action de nouvelles énergies, d’être très clair sur les chiffres de production future et les moyens à mettre en oeuvre pour baisser la consommation ....et pas en reportant le problème ou en faisant voter une loi imprécise ou trop générale.
Nous avons besoin d'informations et d'objectifs clairs.
A suivre...(Eruption solaire, auteur NASA 1974, domaine public)
* Sites que l’on peut entre autres consulter : il en existe d’autres
ACRO (Association pour le Contrôle de la Radioactivité de l'Ouest): http://www.acro.eu.org/accueil.html
ASN : http://www.asn.fr/
CRIIRAD : http://www.criirad.org/
CLI de Gravelines : http://www.cli-gravelines.fr/
CLIS de Fessenheim : http://www.anccli.fr/
Fukushima blog : http://www.fukushima-blog.com/
Greenpeace : http://energie-climat.greenpeace.fr/
L’observatoire du nucléaire : http://observ.nucleaire.free.fr/
Société française d’énergie nucléaire (SFEN) : http://www.sfen.org/
Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Centrales_nucl%C3%A9aires_en_France
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